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Michel Simon est fabuleux dans un double rôle de jumeaux, excellant dans les champs-contrechamps très simples mais suffisamment alertes de Guitry, dans lesquels il se parle à lui-même, tantôt grand bourgeois tantôt pauvre, en ne comptant que sur les habits, la coiffure et évidemment les mots pour faire la distinction. Ces scènes sont troublantes. A la fois on y croit et on pense au jeu d'acteur. Ce balancement caractérise tout le film, voire tout le cinéma de Guitry. Par exemple, dans cette satire de la bourgeoisie (portée notamment, avec Simon, par une étonnante Marguerite Pierry dans le rôle de l'épouse), la façon qu'a le cinéaste de montrer des gestes anodins dans des plans a priori sans fonction narrative précise ou de faire entendre des phrases qui le sont aussi, au milieu de ses dialogues forcément ciselés et spirituels, donne à l'ensemble un ton très original, entre un artifice assumé et une vérité certaine. Le film, imprévisible dans sa progression, d'une longue séquence à une autre, est une comédie, mais très sombre, les touches d'absurde réapparaissant ça et là devenant même surprenantes au fil du temps, nimbant le tout d'un humour très noir. On se frotte les yeux en observant, le temps de la visualisation d'un fantasme du personnage principal, Claude Gensac toute jeune servir calmement ses maîtres en petite culotte et les seins nus, frontalement. Et avec De Funès à côté (en domestique lui aussi, mais habillé) ! Quel étonnant Guitry !