Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

davies

  • The deep blue sea

    davies,grande-bretagne,mélodrame,2010s

    The deep blue sea se maintient tout du long si intensément dans son genre (le mélodrame), dans son sujet (une femme venant de quitter son mari tente de vivre avec son amant), dans son époque (avec une reconstitution du début des années 50) qu'il arrive à transformer l'académisme qui le guette en une forme de radicalité. Le film de Terence Davies est tourné vers le passé au point d'en retrouver par instants une force primitive (un peu comme cela peut se passer chez Oliveira par exemple).

    Les premières minutes sont très belles. Quasiment sans paroles, elles se déroulent accompagnées, portées, par les violons d'un concerto de Samuel Barber. Sous ces cordes, une femme repliée dans son appartement fait une tentative de suicide, est sauvée par l'intervention des voisins, émerge difficilement et subit, bribes par bribes, les assauts de sa mémoire. Ainsi nous est présentée Hester Collyer (Rachel Weisz), sa situation s'expliquant par quelques flash-backs regroupés. De façon très délicate, cette construction narrative introductive va rendre la suite flottante, comme indéterminée par endroits, alors qu'elle prend pourtant une apparence linéaire. Les scènes vont se succéder sans que leur statut (passé, présent, songe ?) ne soit absolument assuré. L'importance de ce qui se joue et le fait que nous soient contées seulement un peu plus de vingt quatre heures de la vie de cette femme renforcent l'impression que des blocs d'un autre temps ont très bien pu se déplacer, à notre insu, entre les autres.

    L'esthétique déployée par Davies va également dans le sens d'une étrange suspension. Impressionne en premier lieu une série de fondus au noir recoupant les eclipses de la conscience d'Hester lors de la préparation de son suicide. Par la suite, ce sont les cadres eux-mêmes qui vont se voir plongés dans le noir sur leur plus grande surface. Les images de The deep blue sea, si elles frappent d'abord par leur aspect cotonneux, finissent par baigner dans l'obscurité : les personnages sont cernés, tels de petites flammèches résistant vaillamment.

    Ce choix de lumière provoque une focalisation et un isolement. Il renvoie aussi la reconstitution dans l'ombre : un objet, un meuble apparaît comme signe avant d'être obscurci. De même, peu de gens gravitent autour du triangle amoureux, hormis à l'intérieur des pubs (et dans le métro transformé en abri anti-bombardements), là où sont entonnées les chansons populaires qu'aime tant faire revivre Terence Davies.

    Le récit est faussement bouclé à son terme. Plus précisément, il l'est par la mise en scène, alors qu'il signale plutôt une ouverture (doublement paradoxale : la fin d'une liaison est l'occasion d'un nouveau départ, et, sur les décombres encore fumants de la guerre, un enfant joue). Entre ses deux extrémités, The deep blue sea semble l'archétype du film bavard. Or, il l'est en fait assez peu. Ce sentiment, nous l'avons surtout à cause de la lenteur extrême qui caractérise les dialogues. A chaque phrase, succède un silence profond. Les acteurs ont travaillé la lenteur de la diction, ont cherché à révéler les affects par leur attitude entre les mots. Cela se voit souvent. Comme le travail sur la lumière, cet autre parti-pris vise le respect de la réalité d'un temps révolu, dans lequel s'enferme volontairement Terence Davies. Il provoque aussi, malgré tout, avouons-le, un certain ennui.

     

    ****

    davies,grande-bretagne,mélodrame,2010sTHE DEEP BLUE SEA

    de Terence Davies

    (Grande-Bretagne - Etats-Unis / 98 min / 2011)