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larrain

  • No

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    Présenté en avant-première au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac.
    Sortie en salles prévue en avril 2013.

    No est le quatrième film du Chilien Pablo Larrain. Il est à nouveau consacré à des événements ayant eu lieu sous la dictature de Pinochet. Cette fois, il suit, à travers le parcours de l'un de ses principaux artisans, le déroulement de la campagne du "Non" au Général, précédant le vote, en 1988, pour le referendum qui décida finalement du départ de ce dernier.

    No impressionne moins que Santiago 73, post mortem mais reste intéressant et possède une singularité indéniable. En effet, comme il fallait s'y attendre, sa forme est audacieuse car l'image, du début à la fin, a la même texture que les bandes vidéos de l'époque, les années quatre-vingt. Nous avons donc un format presque carré, télévisuel, une définition faible et l'apparition de légères déformations des lignes caractéristiques de ce support. La caméra est très mobile et très proche des visages. Hormis deux petites respirations musicales s'appuyant sur une sortie en skate board et une réunion en bord de mer, ce qui est présenté à nos yeux a peu d'attrait esthétique.

    De ce parti-pris, Pablo Larrain tire un double bénéfice. Premièrement, soumise à ce traitement, la reconstitution est facilitée et rendue plus crédible. Deuxièmement, cela permet l'intégration harmonieuse des nombreuses images d'archives collectées. De ce point de vue, le travail de Larrain et de son équipe est bluffant. Si je ne me trompe, les véritables clips de campagne des deux camps ont été insérés. Mieux, on nous en montre l'envers, la réalisation. Interviennent également, dans la continuité du document et de la fiction, quelques importants protagonistes de l'époque, en passant "magiquement" d'un écran à l'autre.

    Toutefois, au-delà de la technique, Larrain a été quelque peu piégé par son sujet, et peut-être également par le choix, pour le rôle principal, de la vedette Gael Garcia Bernal. No n'échappe pas au didactisme. Comme la campagne du "Non" est menée pour pousser les gens à voter, le film fait tout pour être compris comme il faut. Comme exemple, on peut citer cette réplique du héros, lors de la première soirée télévisée, au moment où le premier clip pour le "Oui" succède au premier clip pour le "Non" : "Ce qu'il va se passer maintenant est très important !" L'acteur, par ailleurs, semble tirer l'ensemble vers une dimension plus romanesque, plus accessible. Son personnage de publicitaire a une trajectoire attendue, d'un certain désengagement à la prise de conscience, tandis que les oppositions autour de lui sont très franches (son patron prend en charge la campagne du "Oui", son ex-femme reste une activiste).

    Pour autant, Larrain, ne caresse pas vraiment dans le sens du poil et, même dans une œuvre moins radicale comme celle-ci, diffuse un certain malaise. L'ironie parcourt le récit, notamment à travers ces clips, terriblement ringards, baignant dans cette affreuse esthétique des années quatre-vingt (reprise, donc, entièrement à son compte par le cinéaste). De plus, en prenant pour héros un publicitaire, il montre une "fabrication". S'affichent là crûment les "services" que la publicité rend au combat politique, si juste soit-il : le mensonge des images, l'orientation des masses, le refus de la nuance, la réduction au slogan... Les images de la violence dictatoriale doivent être dynamisées, esthétisées, ou, au pire, écartées au profit des sourires et de la joie, fut-elle artificielle. Si l'alliance des publicitaires et des militants y est questionnée dans quelques débats préliminaires et si l'engagement des premiers n'est pas dépourvu de courage, No n'en reste pas moins désespérant par sa façon de montrer la falsification du réel à l'œuvre dans le but d'atteindre le plus grand nombre. Et de fait, la démarche est validée puisqu'elle provoque la chute de la dictature. Pas dupe, Larrain, clôt son film sur des images d'allégresse mais y glisse tout de même une pointe amère.

    No est un étrange croisement entre Goodbye Lenin et Pater, entre Good night and good luck et L'autobiographie de Nicolae Ceausescu, entre quelques thrillers politiques des années soixante-dix. Il n'atteint pas toujours ces réussites mais, au moins pour ses choix formels, nous fera garder un œil sur son auteur.

     

    ****

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    de Pablo Larrain

    (Chili - France - Etats-Unis / 118 min / 2012)

  • Post mortem

    (Pablo Larrain / Chili - Mexique - Allemagne / 2010)

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    postmortem.jpgDans le Chili du début des années 70, Mario traîne sa solitude entre son pavillon d'où il épie sa belle voisine Nancy et la morgue de la ville où il tape les rapports d'autopsie du médecin légiste. Sa voisine, il finit par l'aborder, l'inviter et coucher avec. La morgue, il y est consigné par l'armée pendant plusieurs heures : un coup d'état est en cours et les corps commencent à s'entasser dans les couloirs. Avec le médecin et son assistante, il se retrouve devant le cadavre de Salvador Allende. La voisine, elle, disparaît pour un temps.

    Post mortem n'est pas un film très aimable envers ses spectateurs. Trois scènes d'autopsie mettent à rude épreuve les estomacs sensibles mais c'est surtout par ses choix esthétiques que Pablo Larrain bouscule. Sa vision est clinique et froide, son approche neutre et silencieuse. L'ambiance de la morgue contamine ainsi tous les espaces et fige littéralement cette société chilienne qui, à de très rares exceptions près, semble incapable de la moindre réaction face à l'absurdité de la violence militaire. Le travail sur le cadre participe au maintien de cette chape en composant des images oppressantes. Comme le scalpel du légiste entaille la chair, le cadre découpe souvent les corps qui l'excèdent, la caméra gardant son immobilité (cette délimitation stricte du plan rend notamment la principale scène sexuelle assez troublante). Larrain filme la plupart du temps ses acteurs de près et s'impose une rigueur esthétique pouvant facilement passer pour une provocation, surtout qu'il n'hésite pas à étirer certains plans. Au milieu du récit, une crise de larmes enregistrée intégralement peut user les nerfs. La dernière séquence également.

    Celle-ci, qui donne à voir un empilement interminable, a le mérite de faire sentir précisément ce qui se joue dans Post mortem : un retour de la mémoire malgré les tentatives passées de l'étouffer. Ce dernier plan du film illustre son thème et enfonce le clou esthétique planté par Pablo Larrain. La remontée à la surface des choses cachées peut aussi se lire dans le mouvement que les personnages effectuent régulièrement depuis la profondeur, dans le flou, vers le premier plan, net (comme si la caméra les attendait). Mais plus simplement encore, on peut parler de Post mortem comme d'un film de fantômes. L'ambiance nous y invite, ainsi que la construction du récit (une séquence, primordiale, est déplacée par rapport à la chronologie, mais de façon si naturelle que l'on ne prend conscience qu'après coup de ce glissement).

    Larrain signe là une œuvre glaçante sur le coup d'état de septembre 73. Il en montre les conséquences dans une série de plans calmes et terribles où quelques blouses blanches s'affairent dans des couloirs, au milieu de monceaux de cadavres, sous l'œil de soldats armés. Ces morts ne sont jamais individualisés, pas plus que ne l'étaient précédemment les manifestants croisés fortuitement par Mario et Nancy, le cadre ne s'élargissant pas au-delà du véhicule de ces derniers. Ainsi, Pablo Larrain évite de trop se frotter à la reconstitution d'époque, focalise son attention sur son personnage et fait tenir tout son propos dans sa mise en scène. D'aucuns trouveront donc Post mortem trop conceptuel. Il m'a, pour ma part, relativement impressionné.

     

    FIFIH2010.jpgSortie prévue en février 2011, film présenté en avant-première au