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Post mortem

(Pablo Larrain / Chili - Mexique - Allemagne / 2010)

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postmortem.jpgDans le Chili du début des années 70, Mario traîne sa solitude entre son pavillon d'où il épie sa belle voisine Nancy et la morgue de la ville où il tape les rapports d'autopsie du médecin légiste. Sa voisine, il finit par l'aborder, l'inviter et coucher avec. La morgue, il y est consigné par l'armée pendant plusieurs heures : un coup d'état est en cours et les corps commencent à s'entasser dans les couloirs. Avec le médecin et son assistante, il se retrouve devant le cadavre de Salvador Allende. La voisine, elle, disparaît pour un temps.

Post mortem n'est pas un film très aimable envers ses spectateurs. Trois scènes d'autopsie mettent à rude épreuve les estomacs sensibles mais c'est surtout par ses choix esthétiques que Pablo Larrain bouscule. Sa vision est clinique et froide, son approche neutre et silencieuse. L'ambiance de la morgue contamine ainsi tous les espaces et fige littéralement cette société chilienne qui, à de très rares exceptions près, semble incapable de la moindre réaction face à l'absurdité de la violence militaire. Le travail sur le cadre participe au maintien de cette chape en composant des images oppressantes. Comme le scalpel du légiste entaille la chair, le cadre découpe souvent les corps qui l'excèdent, la caméra gardant son immobilité (cette délimitation stricte du plan rend notamment la principale scène sexuelle assez troublante). Larrain filme la plupart du temps ses acteurs de près et s'impose une rigueur esthétique pouvant facilement passer pour une provocation, surtout qu'il n'hésite pas à étirer certains plans. Au milieu du récit, une crise de larmes enregistrée intégralement peut user les nerfs. La dernière séquence également.

Celle-ci, qui donne à voir un empilement interminable, a le mérite de faire sentir précisément ce qui se joue dans Post mortem : un retour de la mémoire malgré les tentatives passées de l'étouffer. Ce dernier plan du film illustre son thème et enfonce le clou esthétique planté par Pablo Larrain. La remontée à la surface des choses cachées peut aussi se lire dans le mouvement que les personnages effectuent régulièrement depuis la profondeur, dans le flou, vers le premier plan, net (comme si la caméra les attendait). Mais plus simplement encore, on peut parler de Post mortem comme d'un film de fantômes. L'ambiance nous y invite, ainsi que la construction du récit (une séquence, primordiale, est déplacée par rapport à la chronologie, mais de façon si naturelle que l'on ne prend conscience qu'après coup de ce glissement).

Larrain signe là une œuvre glaçante sur le coup d'état de septembre 73. Il en montre les conséquences dans une série de plans calmes et terribles où quelques blouses blanches s'affairent dans des couloirs, au milieu de monceaux de cadavres, sous l'œil de soldats armés. Ces morts ne sont jamais individualisés, pas plus que ne l'étaient précédemment les manifestants croisés fortuitement par Mario et Nancy, le cadre ne s'élargissant pas au-delà du véhicule de ces derniers. Ainsi, Pablo Larrain évite de trop se frotter à la reconstitution d'époque, focalise son attention sur son personnage et fait tenir tout son propos dans sa mise en scène. D'aucuns trouveront donc Post mortem trop conceptuel. Il m'a, pour ma part, relativement impressionné.

 

FIFIH2010.jpgSortie prévue en février 2011, film présenté en avant-première au

Commentaires

  • J'en suis sortie sur les rotules. C'est amusant mais nous avons utilisé tous deux le terme "aimable" pour un film qui ne l'est guère.
    On se croirait par moments dans un opus de la nuit des morts vivants. On s'attend presque, on espère même parfois, voir les morts se lever et marcher. Castro me fait frémir et crois-moi, il n'y a aucun sous-entendu coquin là-dessous.

  • Pas très aimable et encore moins coquin, effectivement!
    Je parle de "fantômes", mais aller plus loin encore en voyant des "morts-vivants" est tout aussi juste. Nancy n'est-elle pas, d'ailleurs, "déjà morte" ? (j'ai été très perturbé par l'insertion non-chronologique de la séquence de l'autopsie)

  • D'ailleurs, la scène où ils pleurent, ils sont verdâtres tous les deux ! Quelle angoisse ce truc. Sur le moment, je croyais qu'il se moquait d'elle et qu'il allait la trucider ou un truc dans le genre et quand il se met aussi à fondre en larmes, j'en suis restée comme deux ronds de flanc (et c'est là qu'un couple s'est enfui à toutes jambes... tu crois que ça leur a rappelé des souvenirs ? ^^)

  • Ce doit être le moment de vérité pour le spectateur, cette séquence, plus que celles d'autopsie en fait. C'est là que les fauteuils claquent...

    Dans le cadre du festival du film d'histoire où je l'ai vu, je peux te dire que quelques braves enseignantes (sûrement très compétentes) ont reçu le coup de grâce avec ce film-ci et "Le soldat dieu", à entendre certains propos tenus dans le hall d'entrée du cinéma...

  • Le Wakamatsu est une promenade de santé s'il m'en souvient bien.

  • Ma première vraie et surprenante claque de l'année, j'étais sans doute déjà conquis à l'avance par Black Swan... On ne sort donc pas tout à fait indemne de cette métamétaphore.

  • Assurément, pour moi aussi, la principale surprise de ces dernières semaines...

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