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medvedkine

  • Le bonheur

    (Alexandre Medvedkine / URSS / 1934)

    ■■□□

    lebonheur.jpgKhmyr est un jeune paysan survivant misérablement dans la Russie tsariste, aux côtés de sa femme. A la recherche d'un bonheur illusoire, il pense voir enfin la chance lui sourire en tombant par hasard sur un porte-monnaie bien rempli. Mais la belle récolte qu'il peut ensuite produire grâce à ce petit pécule est vite réduite à néant après le passage des oppresseurs de tout type, réclamant taxes et impôts : militaires, fonctionnaires, ecclésiastiques. Construisant alors son propre cercueil, Khmyr se voit même nié le droit de se donner la mort. Des années plus tard, on le voit brisé au point de ne pas pouvoir profiter des bienfaits de la révolution communiste. Pris pour un fainéant alors que sa femme, grande travailleuse, fait les beaux jours d'un kolkhoze où tout n'est que joie et abondance, il ne parvient pas à s'adapter. Les camarades en viennent même à le renvoyer, après lui avoir maintes fois laissé sa chance. Khmyr finira pourtant par prouver sa valeur en déjouant la énième tentative malfaisante d'un vieux profiteur.

    Le bonheur (Schastye) est l'un des derniers muets soviétiques. Son sujet édifiant est parfaitement dans la ligne, déroulant la série habituelle d'oppositions entre l'avant et l'après révolution et entre les sales accapareurs et les bons communistes. Il ne pouvait certainement pas en être autrement en 1934, à l'entame d'une des plus dures périodes du stalinisme. En revanche, c'est bien le ton adopté, assez surprenant, qui a permis la redécouverte du film en Occident dans les années 70.

    Medvedkine nous conte une fable, humoristique et débridée. Il pousse chacune de ses séquences jusqu'au dernier point du délire burlesque. Un cheval se retrouve sur le toit, un curé meurt en se débattant sur le dos, tel un insecte, des voleurs transportent une maison... La narration se relâche, d'un tableau à l'autre (plus encore : entre les deux parties de l'histoire, nous faisons soudain un bond de 33 ans, sans que les personnages ne vieillissent). Si le déroulement est logique, à l'intérieur de chaque scène, tout peut arriver et les surprises sont constantes mais très inégales. On peut tomber sur deux nonnes venant collecter leurs impôts en robes intégralement transparentes ou, plus loin, assister au suicide d'une vieille femme par pendaison... à une aile de moulin en marche.

    Les personnages sont des pantins, le spectateur est à Guignol. Les méchants portent généralement des postiches (barbes, gros nez). Plus étonnant, entre grotesque et inquiétude : tous les soldats d'un bataillon tsariste ont la même tête, oreilles décolées et bouche grande ouverte. Prendre le parti de l'humour peut permettre de se délester quelque peu d'idéologie, mais le recours à la pantomime interdit d'échapper à l'outrance.