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L'échange

(Clint Eastwood / Etats-Unis / 2008)

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echange.jpgJ'ai trouvé la première partie de L'échange (Changeling) remarquable. J'ai cru à ce Los Angeles de la fin des années 20 recréé par Eastwood. Certains ont rechigné devant une "reconstitution trop soignée". Rappelons-leur qu'une reconstitution soignée hollywoodienne vaudra toujours cent fois mieux qu'une reconstitution soignée à la Française, sentant bon la brocante et les messages radiophoniques d'époque (voir l'effroyable Un secret de l'an dernier). Dans L'échange, les hommes et les femmes que l'on croise s'intègrent parfaitement à leur environnement et évoluent dans des décors photographiés magistralement par Tom Stern.

Dans ce milieu ouaté et pourtant rongé par les ténèbres, Christine Collins est soudain confrontée au terrible drame de la disparition de son fils Walter et de la restitution par la police d'un enfant qui n'est pas le sien. Les scènes où l'incroyable se produit, celles où cette mère se retrouve avec un inconnu devant elle, ont laissé insatisfaits plusieurs critiques ("Dans ce cas-là, on ne réagit pas comme ça...", ce genre de réflexions très pertinentes). J'y ai pour ma part trouvé une véritable sensation de trouble, le vacillement d'un esprit déjà pour le moins déstabilisé. Seul petit bémol sur ce point : le caractère et la psychologie du garçon de substitution ne sont guère développés, alors qu'ils intriguent forcément. Adoptant une belle retenue sous ces chapeaux qui l'enserrent, portant joliment sa main gantée vers le bas de son visage lorsqu'elle défaille, l'interprète de Christine Collins est une agréable découverte (on me signale en régie qu'il s'agit en fait d'une certaine Angelina Jolie, star internationale, femme de star international et mère, probablement, de futures stars internationales).

Pour obéir à la fois aux canons du mélodrame et à ceux de la fresque sociale dénonciatrice, le film va prendre successivement plusieurs chemins. Il va ainsi s'arrêter un moment à la case asile pour femmes et malheureusement tomber sur un faux-plat dont il aura du mal à se sortir. Le récit se fait en effet beucoup plus convenu et le discours très appuyé : des dialogues sur-signifiants et des situations extrèmes veulent servir la cause des femmes, le tout vu à travers les exactions policières et l'arbitraire de l'enfermement psychiatrique. C'est dans cet hopital où atterrit Miss Collins qu'a lieu une altercation au cours de laquelle une co-détenue et amie de celle-ci assène un fulgurant coup de poing au salaud de médecin en chef. "Bien fait pour sa gueule !" ne manque pas de crier le spectateur remonté. Ce n'est pas la première fois qu'Eastwood tombe dans ce travers désagréable, mais il le fait ici à deux ou trois reprises.

Malgré cette traversée du ventre mou du film, je n'ai pas décroché totalement grâce au second récit qui s'ouvre parallèlement : une enquète anodine débouchant sur une affreuse découverte. Le cinéaste s'y connaît pour faire monter la tension en envoyant un agent inspecter une ferme désertée. Il faut dire aussi qu'Eastwood et le cinéma américain en général n'en finissent plus de nous terroriser avec les violences subies par les enfants.

Les scènes de procès qui suivent restent des scènes de procès (donc pas forcément palpitantes et ici bizarrement redoublées d'une affaire à l'autre, dans les mêmes lieux et au même moment, au mépris de tout réalisme). Au terme de l'une d'elles, un rebondissement, le premier d'une longue série, nous fait replonger avec plaisir dans les eaux les plus troubles. Cependant, en collant si étroitement aux divagations d'un psychotique et en usant de manière si efficace de flash-backs traumatisants, Eastwood nous fait moins partager le vertige dont est prise l'héroïne, prête à se vouer à n'importe quel saint, voire au diable lui-même, qu'il ne nous manipule sans ménagement aucun. Plus loin, l'insistance que met Christine Collins à accompagner le coupable jusqu'à son dernier souffle, jusqu'au moment où il ne pourra plus rien dire, pendu à sa corde, se comprend aisément et peut expliquer la longueur de la séquence consacrée à l'exécution. Là aussi cependant, affleure un sentiment de gêne. Eastwood s'est-il dit que l'on ne pouvait plus filmer une mise à mort de façon désinvolte ? N'a-til pas fait mine de jouer sur deux tableaux : un châtiment atroce mais un châtiment juste ? A priori similaire à celle que l'on trouve dans le film magistral de Richard Brooks, De sang froid (1967), cette scène n'a, dans L'échange, ni la même clarté, ni la même portée, ni les mêmes prolongements dans l'esprit du spectateur.

A la suite de Million dollar baby, qui restera probablement son plus beau film (ou disons, à égalité avec Impitoyable), les derniers opus de Clint Eastwood sont, je dirai, "à voir" mais avec plus (Mémoires de nos pèresL'échange) ou moins (Lettres d'Iwo Jima) de réserves.

 

P.S. 1 : Vous aurez remarqué, je l'espère, l'absence totale, dans ce texte des mots classicisme, réactionnaire et crépusculaire.

P.S. 2 : Arrivant alors que le débat (virulent) autour de L'échange est largement entamé, je vous invite à lire différents points de vue, dans un ordre qui irait peu ou prou des plus énervés aux mieux contentés : chez Dr OrlofCinématique, Dasola, Rob Gordon, ShangolsLa lanterne.

Commentaires

  • Bravo Ed pour ce billet encore une fois bien écrit et bien argumenté. En le lisant, je me rends compte que je suis d'accord avec toi pour la première partie qui est absolument remarquable. Pour la seconde partie, j'ai les même réticences mais comme tu le dis bien dans ton intro sur la reconstitution soignée, quel talent!. Les français devraient vraiment en prendre de la graine. Et bien sûr, merci de m'avoir mise en lien sur ce billet. Bonne journée.

  • Si le cinéma n'est qu'affaire de reconstitution, alors oui, Eastwood est un très grand cinéaste.

    Si l'art cinématographique est aussi et avant tout affaire de subtilité, de vie et de dignité, alors on peut dire que depuis quelques films (Million dollar baby, justement), Eastwood représente le contre-exemple absolu.

  • Superbe critique, j'adore !

    Femme de star... non femme du célbrissime beau gosse... BRAD !!!!

  • Eh! Eh! Ouverture d'un nouveau front Eastwood! Belle critique, bien argumentée. Mais tu connais mon opinion : je capitule et n'ouvre pas de nouveau les hostilités. Revoyons plutôt "Breezy" ou "Honkytonk man"...

  • Sébastien, les phrases acerbes que vous employez contre Eastwood me font penser que décidément, quand on aborde son travail, on nous enjoint aussitôt, sinon de choisir notre camp, du moins de préciser sans détour notre position. Je m'étonne sans cesse de voir que "Million dollar baby" a agrégé d'un seul coup un front anti-Eastwood, chose qui semblait avoir disparu au milieu des années 80 lorsque l'ensemble de la critique s'est mise à saluer unanimement chaque film d'un auteur précédemment méprisé. "Million" me semble pourtant l'un des films les moins ambigus et les moins "attaquables" du cinéaste. A mon avis, ce violent rejet (et ceux qui ont suivi) était surtout une réaction à l'accueil dithyrambique. D'ailleurs, il s'exprime quasi-exclusivement par le biais de la cinéphilie sur internet, qui aime tant se positionner contre la critique officielle (je reconnais moi-même céder parfois à la tentation d'écrire un paragraphe "contre" cette dernière).

    Je ne parle pas ici pour vous, ne connaissant pas assez bien votre rapport au cinéma d'Eastwood, mais il me semble que le mot "fasciste" brûle toujours autant le bout des doigts des détracteurs du réalisateur. Comme si cela ne suffisait pas de le renvoyer vers la droite, là où d'ailleurs, fort honnêtement, il ne s'est jamais défendu de se tenir.
    Je me garde, personnellement, de désigner tel ou tel film comme étant un film fasciste. Souvent, le critique qui qualifie ainsi une oeuvre me paraît se poser en sentinelle, en voyant, comme celui qui est au-dessus des autres, celui qui voit ce que la masse des spectateurs n'est pas capable de saisir.

    Je m'excuse, Sébastien, d'avoir extrapolé à partir de votre court commentaire. C'est qu'il m'a servi de prétexte pour parler de ce débat vieux de près de 40 ans et qui, parfois, me lasse...
    (Et ne prenez surtout pas, non plus, ces quelques lignes pour une fin de non recevoir).

  • Doc, nos courriers se sont croisés. Comme tu le vois, mon souhait n'est pas vraiment d'ouvrir un nouveau front. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas laisser de commentaires hier chez toi ou sur Cinématique.
    Sinon, pour la 1ère période, je dirais plutôt : revoyons "Josey Wales" et "Honkytonk man".

  • Pour revenir, quand même, sur la question de l'accueil fait à Eastwood, je trouve également qu'on a tellement le sentiment d'avoir fait erreur sur ses jeunes années (et il est vrai qu'il était ridicule de traiter "Dirty Harry" de "fasciste" car c'était un excellent film) qu'il est désormais impossible d'émettre la moindre réserve sur ses derniers opus (alors que personne ne se prive de taper sur Woody Allen, cinéaste autrement plus fin et plus intéressant!).
    Perso, je ne pense pas que Clint soit un immense cinéaste même si j'aime beaucoup certains de ses films ("Un monde parfait", "Madison", même "Million dollar baby") alors que je trouve certains surestimés (l'intéressant mais interminable "Minuit dans le jardin du bien et du mal") et d'autres totalement ratés ("l'échange", "le maitre de guerre", "la relève"...).
    Il est vrai que j'ai peut-être eu tort d'évoquer ce qui me semble réactionnaire dans son idéologie mais comprenons nous bien : je ne l'attaque pas pour ses idées (dont je me fous royalement) mais sur la manière dont il manipule le spectateur pour les imposer. Le problème aurait été identique s'il avait défendu de la même façon les idées les plus "progressistes". En ce sens, je trouve que l'expression de Ludovic "Michael Moore de droite" est totalement juste. Et j'ai d'ailleurs attaqué de la même manière l'horrible "Fahrenheit 9/11" pour ses procédés identiques de manipulation....

  • J'ai bien aimé certains Easwood, "Impitoyable" justement, et aussi Mystic River. Madison aussi, c'est vrai...
    Il peut être très bon mais là j'ai l'impression que c'est la grosse machinerie sans surprise. Je n'ai pas envie de ce film . Ce que vous en dites ne me fera pas aller le voir.
    Ses opinions politiques ne comptent pas dans mon jugement.
    Michael Moore n'est pas convaincant le moins du monde, qu'il soit de droite ou de gauche, à mon sens, il ne dis que des sottises avec de bons sentiments.

  • Je viens de lire votre réponse et comprends votre agacement, Ed. Je débarque comme un malpropre, lâche ma petite phrase fielleuse et puis m'en vais... ce n'est pas très poli.

    Pour ma défense, je signalerai juste que "L'échange" m'a beaucoup, mais alors beaucoup énervé.

    J'en reparlerai plus longuement sur mon site, histoire de continuer à "élargir le front" (pour reprendre l'expression du bon Docteur) sans piétiner vos plates-bandes. Mais d'ici là, je tiens à préciser un point qui me paraît important : croyez bien que je ne traite nullement Eastwood de "fasciste". C'est un terme un peu trop galvaudé, hélas, et qui à force d'être utilisé à tort et à travers, risque de perdre tout son sens (alors qu'il est important de lui en laisser, pour quand il montre réellement le bout de son nez). Inutile donc de m'attaquer sur le point Godwin : je ne comptais pas m'aventurer sur ce terrain.

    Je constate juste, envers Eastwood notamment (mais il est hélas loin d'être le seul) une déférence des cinéphiles envers la statue de l'Auteur, dont toute remise en cause équivaudrait à un sacrilège. Comme tout être humain, comme tout artiste, Eastwood évolue : il a copié son mentor Leone dans ses jeunes années, il a commis quelques films irregardables (Le retour de l'inspecteur Harry, ce n'est tout de même pas très glorieux...), il a réalisé quelques beaux films dans les années 80-90, et là, je constate juste qu'il vieillit mal.

    Souvenez-vous d'Impitoyable, que je n'adore pas, mais qui était d'une toute autre tenue, et comparez avec L'échange : où est passée l'ambiguïté ? la subtilité ? où est passé le refus du manichéisme ? Impitoyable était un beau film masochiste, on souffrait avec ses personnages de losers magnifiques, alors que L'échange est un film sadique, envers ses personnages, envers ses spectateurs, un film sans ambivalence, un film qui ignore le hors champ, qui ignore l'ellipse, qui étale, qui exhibe la souffrance et la mort, qui la filme en gros plan, longuement, complaisamment, qui la surligne d'une musique insupportable.

    Ne réduisez pas le front anti-Eastwood à une fronde "anti-establishment", Ed, ou à de l'élitisme. Il me semble que c'est un peu plus complexe que ça.

  • Il va falloir que je me décide à aller voir ce film.
    Une chose me semble importante dans ce que dit Sébastien : Eastwood énerve et il me semble que cet énervement amène à des positions excessives comme "contre exemple absolu". Quand je lis de telles déclarations, je me demande toujours ce que l'on fait de Michael Bay. Mais c'est un fait qu'il énerve, il a beaucoup énervé dans les années 70, puis il a été reconnu et aujourd'hui, comme Ed le dit bien, ça revient. Je suis assez d'accord pour dire qu'Eastwood n'est pas le grand maître que l'on décrit souvent, mais il est l'un des continuateurs, sans doute l'un des plus doués, de la grande forme classique hollywoodienne et c'est déjà pas mal. Il a raté des films, celui-ci l'est peut être, et alors ? Je trouve, moi, que l'on s'est trop extasié sur "Impitoyable" au détriment de "Josey Wales". En lisant Sébastien sur ce film, je pourrais lui retourner les arguments des détracteurs de "Million dollar baby" que j'ai trouvé très beau. Je pense aussi qu'il n'a pas copié Léone mais Siegel puis Ford, je pinaille.
    Le cinéma comme reconstitution ? C'est quand même quelque chose de fondamental dans cet art. "Bird", "Honky Tonk man" sont de formidables reconstitutions, au sens où l'on trouve la vision d'une époque et que ça sonne juste pour nos yeux et nos oreilles qui n'étaient alors pas nées. Là aussi je pense qu'il a un véritable talent pour cela. Mais je m'emporte, il se fait tard, je vais peut être écrire quelque chose de plus longue haleine, ou aller voir le film, enfin.

  • Doc : Le "Michael Moore de droite", c'est pas Karl Zéro plutôt ? Pour le coup, je ne suis pas très convaincu par l'expression de Ludovic.
    Je ne pense pas que le problème vienne du fait que l'on ne puisse plus critiquer Eastwood. La critique en fait certainement trop, mais j'ai entendu et lu plusieurs réserves à la sortie de chacun des trois derniers films. Pour ma part, je pense avoir été suffisamment clair sur mes réticences envers certains passages de "L'échange", notamment sur le sentiment de manipulation émotionnelle que nous partageons. Mais il me semble vraiment qu'Eastwood braque certains comme aucun autre auteur ne le fait.
    Sinon, pas de problème pour les "excès" que peut contenir ta critique. La situation me fait penser, de façon inversée, au débat que nous avions eu en début d'année autour de "Sweeney Todd".

    Dominique : Je ne dirai pas que c'est une grosse machinerie sans surprise. Malgré les lourdeurs et la manipulation finale, il y a, à mon sens, quelques motifs de satisfaction.
    En revanche, je suis moins sévère que vous (et les autres) sur Michael Moore, mais ne relançons pas un interminable débat...

    Sébastien : Rassurez-vous, il n'y a pas de problème de politesse, vous n'êtes pas un inconnu venant balancer bêtement des facilités n'importe où.
    Je me doutais bien que je risquais de vous gêner en parlant du mot "fasciste" dans ma réponse à votre commentaire (et je partage finalement entièrement votre point de vue sur son emploi). C'est que, encore une fois, j'en ai profité pour élargir à un ensemble de réactions épidermiques me paraissant disproportionnées.
    Je n'aime pas trop quand on dit "On ne peut plus critiquer untel...". Ou alors il faut préciser où, avec qui, etc... J'espère bien que mon blog ne passe pas pour un lieu de culte, moi qui m'échine à démontrer que je vois les films les uns après les autres, sans dévotion particulière pour un grand auteur, et que je les juge sur pièces. Je suis notamment d'accord avec vous sur la grande différence de qualité entre "Impitoyable" et "L'échange" (et sur "Le retour de l'inspecteur Harry", que j'avais aussi détesté).
    Enfin, mon "front anti-Eastwood" n'est peut-être pas plus heureux que votre "contre-exemple absolu", mais après tout, ce sont aussi ces petits dérapages qui provoquent les échanges les plus poussés...

    Vincent : Nous nous trouvons sur la même ligne. Avant de répondre à Sébastien, j'avais commencé carrément une nouvelle note, qui aurait été reliée à la tienne "Tu l'as vu mon film fasciste ?". Et puis, la fatigue...
    On a en effet l'impression que Eastwood prend pour les autres. Verhoeven s'est sorti petit à petit du guêpier. Michael Bay, Schumacher et compagnie n'intéressent pas les cinéphiles et leurs noms ne servent que de repoussoir, de private joke.

  • Bon, je ne veux pas reparler de L'échange, je crois avoir dit tout ce que j'avais à dire sur le sujet dans les commentaires du billet du Dr Orlof.
    mais là, "Michael Moore de droite", je ne peux pas m'empêcher de réagir. je trouve ça très con comme formule.
    si, comme Moore, Eastwood fait des films à thèses, alors pouvez vous me dire quelles sont ses thèses ?

  • Ce n'est pas le côté "film à thèses" que désigne cette expression (Ludovic me contredira s'il n'est pas d'accord) mais plutôt les procédés manipulateurs employés par Eastwood. La manière, par exemple, de stigmatiser grossièrement les "méchants" : il filme ses infirmières cruelles, par exemple, comme Moore filmait Charlton Heston : pour les désigner à la vindicte populaire...

  • Eastwood vs Moore :

    http://cinema.aliceadsl.fr/article/default.aspx?articleid=AR018308

  • Bonsoir Ed,


    Vous avez raison, c'est souvent de la confrontation de positions très tranchées que peut souvent jaillir l'étincelle du débat...

    ...mais je persiste et signe dans mon jugement péremptoire qui vous a choqué et qui a choqué Vincent : Eastwood "nouvelle version" demeure pour moi le contre-exemple absolu. En l'occurrence, ses qualités de metteur de scène, que je ne nie pas mais qui me semblent aller de soit après plus de 35 ans de réalisation, constitueraient plutôt des circonstances aggravantes. Au moins, la propagande d'un Snyder ou d'un Schumacher est immédiatement lisible, aisément déchiffrable. Eastwood continue de jouir d'un prestige qu'il ne mérite plus, et sa morale nauséabonde avance masquée derrière un classicisme bon teint. Il y a là une tartuferie qu'il me paraît sain de démasquer.

    Cela dit, malgré le respect que je porte à Ludovic, je ne suis pas sûr de trouver pertinent le parallèle entre Eastwood et Moore. Votre lien est en tout cas intéressant : je trouve éclairant qu'Eastwood ait carrément menacé de tuer quelqu'un qui n'a pas l'heur de lui plaire...

  • Dr Orlof, je reprends mon exemple : comment était dépeinte l'infirmière en chef de Vol a dessus d'un nid de coucou, quelles étaient ses nuances ? Pourquoi ne parle-t-on pas de manipulation pour ce très beau film, qui est pourtant assez manichéen dans sa représentation de l'Institution, comme le fait Eastwood dans l'Echange, qui a au moins l'excuse de se pencher sur une période datée, et dont l'histoire a reconnu que les principaux belligérants étaient des pourritures confites ? De plus le parallèle qu'il établit sur l'Amérique de Bush n'appelle, selon moi, pas beaucoup de nuances quant aux personnages (les faucons, de vrais connards), mais plutôt aux circonstances (exactement ce que fait Eastwood) ?

  • Sébastien : On dira peut-être que je me tire une balle dans le pied en sortant ce lien, sur une affaire people dont je n'ai eu vent que fortuitement ce weekend, en lisant la fiche Wikipédia sur Eastwood. Mais elle ne m'a servi que d'illustration, sous forme de clin d'oeil, du mini-débat ouvert à l'intérieur du grand. Personnellement, je ne crois pas qu'une grande oeuvre fasse obligatoirement de son auteur un grand homme auquel on passerait tout. Et cela marche dans les deux sens. De plus, jusqu'à preuve du contraire, la dimension ironique de la chose n'est pas à exclure.

    Julien : Sur ce point précis, il me semble qu'il y a une différence entre le Forman et le Eastwood. Chez le premier, le fait que l'infirmière soit l'un des personnages principaux permet tout au long du métrage de varier légèrement l'intensité de la charge. Eastwood, lui, ne consacre qu'une poignée de plans aux infirmières, tous insistent lourdement sur leur sadisme et il est vrai qu'on ne retient alors que leur sourire affiché lorsqu'elles tournent le bouton de la machine à électrochocs.
    Mais je laisse le doc répondre à l'occasion...

  • Comme toute formule, celle-ci était lapidaire et plus provocatrice qu'autre chose, mais je crois néanmoins qu'il ya un lien entre ces deux cinéastes en ce qui concerne leur besoin de démonstration et leur volonté de piéger le spectateur, de le rendre émotionnellement malléable.

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