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La mémoire neuve

En parcourant un ancien numéro de Positif l'autre jour, je suis retombé par hasard sur le compte rendu cannois du documentaire d'Edgardo Cozarinsky, Le cinéma des "Cahiers" (2001). Serge Toubiana y révèlerait des propos que lui avait tenus François Truffaut en 1974 : "Vous vous êtes servis des Cahiers, de ce qu'était la revue d'André Bazin. Si vous aviez eu du courage quand vous étiez politisés, vous auriez dû créer une autre revue, mais laisser les Cahiers tels qu'ils étaient dans l'esprit de Bazin."

Évolution d'un titre, prestige d'un nom, trahison d'un esprit... Cela me fait penser à une autre publication, abandonnée pour ma part depuis longtemps. Une publication qui, progressivement, a tourné le dos à tous ses anciens lecteurs en reniant un à un ses principes rédactionnels originels (audace des choix, sobriété de mise en page, longues interviews, articles de fond, publicité contenue, photographes-maison). Une publication qui a cherché à affirmer son identité et étendre son influence en investissant de nouveaux supports/médias/publics/champs-d'action-culturels et qui, au final, ne ressemble plus à rien. J'ai toujours pensé que son passage en 1995 à un rythme hebdomadaire après 9 ans de parutions bimestrielles ou mensuelles aurait dû s'accompagner d'un changement de nom.

Car franchement, en arriver là aujourd'hui...

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... quand on a connu ça...

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... il y a de quoi baisser les yeux.


Ma mémoire m'a / M'a déserté / Enfin je vais profiter / De tout sans rien / En regretter / Affranchi le lendemain / Du souvenir

Fatalement ça / N'a pas duré
/ La mémoire m'est revenue mais / J'eus l'intuition que ça n'était / Pas la mienne que je retrouvais

A mesure que me gagnaient
/ Quelques souvenirs je doutais / Qu'ils m'aient un jour appartenu / Eux qui défilaient sans parler

Mais comme ils pesaient
/ Moins que rien / Et que cette mémoire n'avait / Nulle trace de jour faste ou mauvais / A merveille elle me conviendrait

Moi qui la croyait calme
/ Au moment où elle s'accrochait / A moi je crus qu'elle saurait m'épargner / Les rancoeurs et le vin mauvais

Et aujourd'hui j'accuse / Encore le coup, elle m'a bien eu / Elle m'a bien sûr depuis tout dévoilé / Du passé lourd qui m'incombait

Ma vraie mémoire / Reparaîtrait / Elle rirait bien fort de moi

L'autre en tous cas
/ Bien arrimée / Parraine chacun de mes pas / Et je ne me reconnais pas / Le dos courbe et les yeux baissés / Ces yeux qui balaient le plancher / Sans doute pour la première fois

(La mémoire neuve, Dominique A, 1995)

Commentaires

  • Sans avoir "connu ça", j'observe avec un certain contentement cette "évolution" des revues, de part et d'autre.

    Une fois, une bonne femme était consternée par une de mes affirmations lors d'un débat public. Je disais à peu près "C'est très bien de voir que les Cahiers du cinéma déclinent". Puis, venant vers moi, de m'opposer : "Mais, c'est important qu'il y ait encore des critiques !"

    Vainement, j'ai tenté de lui expliquer que les Cahiers "Frodon-Burdeau", ce n'était pas de la critique... On pourrait prolonger avec le journalisme, la politique, la littérature, l'alimentation, le travail, etc.

    Pour le moment, il reste encore les blogs :-D

  • La forme de cette note n'est due qu'à une association d'idée. Je ne suis pas assez concerné pour juger du bien fondé de la remarque de Truffaut et tu sais, père Delauche, que je ne partage pas entièrement ta vision apocalyptique de la critique de cinéma...

    Je vise donc ici uniquement Les Inrocks, le "News culturel" (mon Dieu !, cette accroche...), et observer, même de loin, leur terrifiante évolution ne me contente absolument pas, bien au contraire. Je leur dois une trop grande partie de ma discothèque au tournant des années 90 pour ne pas m'en affliger.

    Leur passage à l'hebdomadaire aura tout de même eu un avantage inattendu : pousser Télérama à se remettre quelque peu en question. Il y a maintenant plus de rigueur et d'audace dans leurs choix que dans ceux des Inrocks. Il fallait le faire...

  • Je suis arrivé aux inroks via l'émission de france inter début 90 et puis, les magasines ( avec un grand M comme magnifique merveilleux)- Je me souviens d'un cd pour l'album I'm your fan : Incroyable (des versions inédites par rapport au cd sorti). Quand j'écris "arrivé aux inrocks, c'est bien d'une arrivé quelque part, dans un lieu hors de plein de chose et génial et puis... Le reste est arrivé, plus de bi-mensuel, plus d'articles terribles... J'en suis sorti, même si j'ai acheté pendant presque 6 mois la formule hebdo, quelque chose a bel et bien disparu... En tout cas, il me reste un amour hors du commun et une curiosité pour tout ce qui touche l'art et la musique en particulier.
    Bonne continuation pour ce bon blog!

  • Merci Jerome.
    Même parcours de mon côté. Découverte de Lenoir à la radio à la fin des années 80 et logiquement des Inrocks dans la foulée. Très fort attachement à l'un et aux autres, dès le début. Mais si le premier est resté fidèle à lui-même (aujourd'hui encore), les seconds ont plongé. Disons qu'ils sont passé des "Cahiers du Cinéma du Rock" à "l'A.F.P. de la Culture Jeune".
    Je me rappelle très bien des inquiétudes exprimées, au moment du passage à l'hebdo, par les lecteurs et par Bernard Lenoir. JD Beauvalet avait balayé tout ça et juré qu'ils ne changeraient rien sur le fond.
    J'ai laissé mon abonnement se terminer, puis acheté quelques numéros, puis seulement les bilans de fin d'année, puis plus rien...
    Il reste la revue Magic, parfois agaçante mais qui a au moins le mérite de tenir sa ligne. Il y a surtout les blogs et les sites...

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