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Cours après moi que je t'attrape

J'ai pris connaissance avec retard de ce petit article paru en février dans Les Inrocks. L'auteur, Serge Kaganski, évoque les listes des meilleurs films des années 2000 récemment publiées par les deux revues "historiques" que sont les Cahiers du Cinéma et Positif, cela pour aboutir à une nouvelle génuflexion devant la première et une poussée de la deuxième vers les affres du conservatisme critique. Notons déjà que Kaganski ne se donne pas la peine de reproduire ces listes, ni même, sur la page web correspondante, de proposer de lien, ce qui lui permet d'en tirer uniquement les éléments servant sa thèse et de passer les autres sous silence. Dès la quatrième phrase de l'article, le ton est donné : les Cahiers ont choisi des "objets" et non de simples "films", comme l'a fait sa rivale (les "objets" donnés en exemple sont Tropical malady, A l'Ouest des rails et l'un des plus gros succès commerciaux de l'histoire du cinéma coréen, The Host, les deux derniers titres cités ayant été par ailleurs défendus par Positif au moment de leurs sorties respectives, critique et entretien à l'appui, ce que Kaganski se garde bien de préciser). Le reste est à l'avenant, succession de termes opposés sur le mode moderne/classique. Dans le dernier édito de Positif, Franck Kausch a parfaitement éclairé les faiblesses et les petits arrangements du texte de Kaganski.

Bien évidemment, le problème n'est pas de commenter ni de critiquer ces listes (mon camarade Vincent, sur Inisfree, ne s'en est d'ailleurs pas privé, très récemment, ici et ). Il n'est pas, non plus, d'avancer une préférence entre les deux revues en question, ni de porter un jugement négatif sur l'une ou l'autre. Non, ce qui me gêne énormément dans ce texte c'est de savoir d'où il est écrit et d'y déceler une intention peu glorieuse.

Kaganski, chantre d'un cinéma aventureux, écrit dans Les Inrocks, hebdomadaire (et site internet) à la maquette asphyxiante, bouffé par les news et la pub, ne mettant en valeur sur ses unes que de l'événementiel culturel, ayant progressivement renié tous les principes qui faisaient sa valeur quinze ans auparavant, ne sachant plus quel est exactement son lectorat (sinon qu'il est jeune et pressé). Connaissez-vous, dans votre entourage, quelqu'un qui lise vraiment Les Inrocks ? Cette publication a-t-elle poussé un seul de ses lecteurs à aller voir cette année Le roi de l'évasion ou Singularités d'une jeune fille blonde, films conseillés par la rédaction mais compressés entre les éloges de Twilight et d'Olivia Ruiz ?

Le fait est que la voix de Kaganski et celle des Inrocks en général n'est, sur ce plan-là, plus audible depuis longtemps. Alors notre Serge tente de raviver la petite guéguerre autour du "Triangle des Bermudes" qui l'opposa jadis à Michel Ciment qui, lui-même, n'en parle plus depuis belle lurette. Et surtout, il ne veut pas que le train de la "modernité" file sans lui. Il veut être du côté des Cahiers. Il veut crier "Eh c'est les Inrocks, on est là, on est avec vous !" Il veut profiter du renouveau actuel de la revue, salué par tous, jusque dans les colonnes de Positif. Non seulement l'appel du pied est fait n'importe comment mais il est en plus terriblement grossier.

 

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Les Inrocks : Un goût aventureux...

Commentaires

  • Belle envolée qui ne mâche pas ses mots, Ed (et merci au passage pour le lien). Sacré Kaganski, j'ai incidemment appris hier (je sais, je suis pas rapide) que c'était lui qui avait trouvé du pétainisme chez Amélie Poulain.

  • Oui, c'était lui, et sur le même principe que cette fois-ci, "faire un coup" en tentant de réanimer de vieilles histoires.
    Ed a tout dit.

  • Bonjour,
    J'aime bien lire Kaganski et j'avais parcouru cet édito un peu pourri. J'ai lu l'édito très intéressant de Positif (deux fois parce que c'est un peu trop compliqué pour moi). Au moins, le coup est réussi puisqu'il fait réagir Positif sur le cinéma et vous sur les Inrocks dans ce qui me semble une vision assez juste du magazine (photos à l'appui !).
    Et pour défendre un peu le rédac chef des Inrocks, son combat anti-films néoréactionnaires est juste. Sans doute qu'Amélie Poulain n'était pas la cible idéale, mais force est de constater que son analyse n'était pas vaine au vu des films de Jean Becker et de Christophe Barratier qui sont venus après. On va parler de ce genre de films obtus sur De Son Cœur.
    Moi qui suit plutôt lecteur de Positif, Michel Ciment parle encore de sa querelle avec les Cahiers. Il en parle tout le temps comme un papi qui a fait la guerre. Mais venant d'un des meilleurs exégètes de Kubrick et d'Eastwood (encore maintenant), je trouve ça rigolo, ça le rend humain.

  • En fait, j'étais tombé hier sur ce texte : http://www.ecrannoir.fr/films/01/amelie/kaganski.htm avec lequel je suis en accord. Et pour Ciment, je suis d'accord avec vous, Nolan. Je suis un garçon très diplomate :)

  • Je ne supporte pas le(s) film(s) de Jeunet, mais franchement, c'est bien mal connaître les films sortis "sous" Pétain, pour y voir du cinéma pétainiste !

  • Quoi que l'on pense de Jeunet, il y a une sacrée différence entre Amélie Poulain et Les choristes...
    J'aime bien le texte d'Ecran Noir, merci Vincent.
    Quant à la petite fixation de Ciment, c'est tout à fait autre chose, bien plus sympathique en effet, que les tentatives de "coups" publicitaires effectuées régulièrement par Kaganski.

  • Sur la comparaison avec le Pen, j'ai lu un mea culpa sur son blog. Nécessaire sans doute mais ça reste un texte intéressant. Il est rock n' roll Kagan, il part à fond sur un truc, un peu dans tous les sens et le fait, il me semble, avec sincérité. Vous avez raison, Ed, Ludovic et Vincent, Amélie Poulain ne méritait sans doute pas tant. Mais Kaganski ne méritait sans doute pas de se faire défoncer par tout le monde et humilier par Mocky. Son article aurait été parfait pour Les Enfants du Marais.
    Qu'est-ce q'un film pétainiste ? Est-ce un film sorti sous Pétain ? Pour ceux qui ont lu le texte de Ran sur le Père Tranquille, vous verrez qu'on en a une définition assez large !
    L'article d'Ecran Noir, ok super mais c'est quoi ce dernier paragraphe "c'est celui qui dit qui y est, monsieur l'intolérant" ? Mouarf.

  • C'est vrai, Nolan, que la conclusion de l'article d'Ecran Noir n'est pas la partie la plus pertinente...
    Quant à la polémique autour du papier sur Amélie Poulain, à vrai dire, elle ne m'avait déjà pas trop intéressé à l'époque, alors aujourd'hui...
    Ce qui m'intéresse plus, c'est la position actuelle de Kaganski. Certes, il est "rock'n'roll" (comme il est pour un cinéma novateur), mais son journal ne l'est plus depuis longtemps (depuis le passage à l'hebdomadaire exactement, mais je fais comme Michel Ciment, je fais l'ancien qui radote un peu), ou alors rock'n'roll au sens Johnny Hallyday du terme...
    Pour les plus jeunes, allez voir sur les sites marchands d'occasion, jetez un œil sur les couvertures des Inrockuptibles période 1986-1995 et faîtes la différence avec aujourd'hui.

  • :-) c'est pas sympa pour Johnny.

  • Je crois qu'on ne peut pas m'accuser de complaisance vis à vis de "Positif" et encore moins pour la pape sénile de la critique qui officie encore dans la revue. Mais force est de reconnaître que l'article de Kaganski est aussi minable que malhonnête.
    Comme tu le dis fort bien, le critique "rock and roll" se garde fort bien de publier les listes en entier (il ne me semble pas que "la guerre des mondes" soit un film fort "révolutionnaire") et ces listes ne reflètent pas forcément une attitude "globale" d'une revue (je pense que les "Cahiers" ont aussi beaucoup défendu Anderson et Easwood).
    Je crois que la meilleure définition est bien celle de Ludovic : Kaganski se veut "moderne" et veut donner l'illusion de conflits qui n'existent plus.
    J'aime aussi quand il reproche à "Positif" de ne distinguer que des "effets de signature" alors que les inrocks ne cessent d'encenser ce qu'il y a de plus tape à l'oeil et qui ne fonctionne que sur des effets de "griffe" (Honoré, Larrieu, Claire Denis, Assayas...)
    Je n'ai jamais été lecteur de la revue mais je la feuillète souvent : si la modernité, c'est cette publicité branchée, on est mal barré!!!

    PS : Est-ce que la modernité selon Kaganski, c'est aussi feu "loft story" encensé jadis par les rédacteurs des "Cahiers" (qui sont maintenant aux Inrocks) ?

  • Comme disais Rohmer, en matière de cinéma, c'est le classicisme qui est en avant. La modernité selon Kaganski, quoique je ne sois pas sûr d'avoir bien compris ce qu'il entendait par là, ne m'inspire pas trop. Et puis j'ai noté, évidemment, qu'il contourne soigneusement le seul film de la liste Cahiers qui est un peu audacieux (au sens du choix, voir le commentaire de je-ne-sais-plus-qui dans le dernier numéro) : le Spielberg (qui moi m'inspire, cher docteur :)).

  • Mais tout le monde doit vivre mon bon monsieur... on offre au chaland ce que l'on s'imagine qui va lui plaire... ce brave Johnny qui n'est pas un acteur et qui a participé à un des plus mauvais To (quoique si on gratte un peu on doit en trouver d'encore plus terribles je pense... je vais donc éviter de gratter) était AUSSI en couv des Cahiers si je ne m'abuse, qui se sont également en leur temps "amusés" à découvrir Cronenberg (et bien d'autres) qui était pourtant leur bête noire bon bref !
    Et Les inrocks ne se résument heureusement pas au sieur Kaganski et comme tu le sais, moi et les chapelles ça fait deux, donc ce genre d'article où les "critiques" (voyagent autour de leur nombril) règlent leurs comptes auraient plutôt tendance à me faire sourire si je les survole... car oui, à ta question "Connaissez-vous, dans votre entourage, quelqu'un qui lise vraiment Les Inrocks ?"... ben, très très proche entourage, y a moi... ;D
    ....
    ....
    ....
    Quoi ?
    Qu'est-ce que j'ai encore dit ?

    Blague à part, Les inrocks ne m'ont jamais poussé à aller voir un film (ni d'ailleurs aucune autre des publications que je lis)... en général, je me pousse moi-même, je n'ai besoin de personne, merci.

  • Très justes remarques, Doc.

    A la limite, on aurait pu aussi bien écrire ceci :

    "Côté Positif, on retrouve des objets comme Still life, Sarabande ou Uzak, qui n’apparaissent pas dans le panthéon de la gazette à Stéphane Delorme, et à l’inverse, pas trace dans Positif de La guerre des mondes, film très haut classé chez les Cahiers.
    La revue de Chardère a privilégié les cinéastes les plus jeunes ou novateurs de l’époque (Lynch, Anderson, Jia Zhangke, Van Sant, Nuri Bilge Ceylan, Kechiche…) alors que le coeur de la revue de Bazin bat pour un certain classicisme (Cronenberg, Spielberg, Malick)."
    Apparemment, ça pourrait aussi passer comme une lettre à la poste...

    Mais le texte de Kaganski devient à nos yeux encore plus hallucinant (et dégueulasse) dès que l'on se penche sur la liste de Film Comment qu'il évoque vaguement afin de tirer toute "l'internationale cinéphile" (pfffff...) vers le "goût Cahiers".

    Voici les dix premiers :
    1. Mulholland Drive
    2. In the Mood for Love
    3. Yi Yi
    4. Syndromes and a Century
    5. There Will Be Blood
    6. The Death of Mr. Lazarescu
    7. A History of Violence
    8. Tropical Malady
    9. 4 Months, 3 Weeks and 2 Days
    10. The New World

    Soit 4 films en commun avec le top 10 des Cahiers et... 4 avec celui de Positif, sans compter que chez ces derniers, Yi Yi et A history of violence sont 13e ex-aequo et que les deux films roumains y ont été amplement célébrés. Certes, ils n'apprécient pas trop A. Weerasethakul (et encore, quelques rédacteurs arrivent à le défendre à l'occasion). Le culot de Kaganski est incroyable....

    Pour info, la liste complète de Film Comment ici :
    http://www.filmlinc.com/b/?p=1490

  • Fred :

    Certes Johnny s'est retrouvé aussi à la une des Cahiers mais le problème des Inrocks, c'est qu'il ne font que des couvertures comme cela ! Le mois d'après, les Cahiers afficheront un Oliveira (et Positif un Jia Zhangke par exemple) alors que la chose est inconcevable pour les Inrocks, alors qu'ils diront adorer le film. Ils préféreront toujours mettre une photo de la chanteuse de Gossip à poil.

    Le lien qui unit aujourd'hui les Inrocks à leurs lecteurs n'a rien à voir avec celui qui s'établit entre Positif et les leurs, les Cahiers et les leurs. Un tel rapport existait du temps où ils étaient un mensuel (j'étais moi-même un lecteur assidu), plus maintenant.

    Jamais poussée à aller voir un film par une critique ? Même pas au temps de Starfix ? :)

  • C'est devenu un hebdo mon brave Ed, faut qu'ils vendent TOUTES les semaines (ou alors ils font des hors séries et ça fait encore plus peur)... SI tu savais parfois ce que l'on est obligé de faire... ouh ! bon, je vais pas causer taf ici !!
    Starfix je l'achetais APRES avoir vu les films pour revoir les z'images que je découpais et collais dans des cahiers pffft folle jeunesse ! ;D
    PS. Par contre je n'ai aucun lien avec les Cahiers ou Positif (sais-tu bien qu'il y a des mois où ils se touchent et s'emmêlent dans mon cabas... brrrrrr) et je n'ai jamais été communiste ^^

  • Ah oui et puis tout à fait entre nous je crois que Beth Ditto (qui est CHANTEUSE oui monsieur et puis militante aussi pffft qu'est-ce qu'ils nous fatiguent tous) est une adepte de l'épilation intégrale quoique... il me semble bien avoir entraperçu ses aisselles un soir de gala ;)

  • Zt arrête de me rappeler le temps où z'inrocks étaient mensuel, ça me file un coup de vieux !
    Ok, c'est bon, j'arrête jusqu'à la prochaine fois ^^

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