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En famille (2)

corniaud.jpgLe Corniaud n'est pas désagréable dans sa première heure y compris sous son aspect touristique (la séquence documentaire de la cadillac avançant au pas au milieu de la foule des ruelles napolitaines, les vues de Rome...), du moins jusqu'à ce qu'il se rapproche des personnages italiens, aussitôt traînés dans les pires clichés. Reconnaissons aussi que quelques gags portent.

La mise en scène est purement fonctionnelle lorsqu'il s'agit de faire rire, elle est transparente, voire calamiteuse, dans les transitions. La poursuite automobile entre les deux groupes de truands est ainsi montée en dépit du bon sens et composée d'images en accéléré, d'horribles raccords et de plans tournés alternativement de jour et de nuit ! Elle débouche heureusement sur la scène de l'affrontement nocturne dans le parc, plutôt réussie, grâce à deux ou trois heureuses trouvailles comiques (De Funès se croyant tenu en joue par son adversaire alors qu'il n'a fait que reculer vers une statue pointant son doigt, meilleur gag du film, ou le chassé-croisé à la Tex Avery dans le tronc creux d'un arbre).

Au bout d'un moment, le film devient tout de même franchement médiocre, jusqu'à la fin, le "retournement" vengeur du personnage de Bourvil à l'égard de ses poursuivants et de celui qui l'a trompé étant parfaitement nul. Tout du long, l'acteur est lui-même peu supportable (De Funès est inégal mais a ses intuitions). Ses scènes d'amourettes sont d'une grande niaiserie, parfois même d'une bêtise confondante.

Mais le film fait rire allègrement les plus jeunes...

stagecoach.jpgComme on me le fit remarquer à son terme, La chevauchée fantastique ne propose finalement "pas beaucoup d'aventures", seule l'anthologique attaque de la diligence par les Indiens pouvant être décrite comme telle. Le classique de Ford dispose une série de figures comme autant d'archétypes : la façon dont chaque voyageur est présenté au début de l'histoire, en le caractérisant avec beaucoup de vigueur et de netteté, est en cela très significative, sans même parler du cadre (la petite ville puis le désert), de la simplicité de l'argument, des différents évènements parsemant le périple.

Du point de vue narratif, cela rend parfois le déroulement un peu mécanique mais au niveau des personnages, ces hommes et ces femmes si "typés" au départ se voient magistralement "humanisés" par John Ford. Il n'y a qu'à voir la scène du repas lors de la première halte. Ringo Kid installe en bout de table Dallas mais Mrs Mallory et son "protecteur", le trouble Hatfield, se lèvent aussitôt pour s'éloigner. Une dame de la bonne société ne saurait se retrouver assise à côté d'une prostituée. Nous voilà choqués par cet ostracisme (d'autant plus qu'au sein de ce couple attachant qui est en train de se former, Ringo pense, à tort, que c'est lui, le fugitif, que l'on repousse) et prêts à mépriser ces Sudistes sans cœur. Or, après les plaintes, dents serrées, de Ringo et Dallas, que nous montre Ford ? Mrs Mallory et Hatfield à l'autre bout de la table, évocant avec émotion et retenue un passé commun que l'on imagine douloureux même si leurs propos restent flous pour le spectateur. Le recours à l'archétype n'implique pas forcément le manichéisme.

John Wayne en Ringo Kid apparaît jeune mais en quelque sorte déjà mûr. Le regard qu'il porte sur Dallas (Claire Trevor), fille de mauvaise vie, n'est pas naïf mais droit (il a décidé de l'aimer et ce n'est pas ce qu'il pourra apprendre de sa condition réelle qui le fera changer d'avis). Toutes les scènes, y compris les premières, les réunissant dégagent une incroyable émotion.

La chevauchée fantastique est célèbre pour l'attaque déjà évoquée (qui garde, il est vrai, toute sa force aujourd'hui encore) et pour ses plans de Monument Valley. On y trouve aussi du théâtre avec une orchestration rigoureuse dans des espaces réduits et, en certains endroits, de beaux exemples plastiques de l'expressionnisme fordien. On y trouve aussi, dans le final, ce mouvement incroyable de Wayne plongeant à terre pour tirer, lors de son face à face avec les trois frères Plummer et une ellipse foudroyante différant notre connaissance du dénouement.

toystory3.jpgToy story 3 est une source de plaisir continu. Il s'agit d'abord d'un film d'évasion mené à un rythme époustouflant (tout en gardant une lisibilité totale de l'action et l'espace nécessaire à l'approfondissement des personnages). Ensuite, il propose quelques images stupéfiantes, notamment lors de la longue séquence de la décharge avec ses sublimes visions de l'Enfer. La projection en 3D ne donne pas exactement le vertige mais la technique se révèle tout à fait appropriée pour ce film jouant sur l'animation de jouets et donc sur les changements d'échelle. Cette différence de perception autorise à trouver de la beauté et de l'étrangeté à un décor à priori banal ou criard comme le sont les salles de la garderie Sunnyside. Une machine vulgaire, telle un distributeur de friandises, peut de la même façon devenir un fantastique refuge à explorer.

C'est également un film de groupe, le formidable travail d'écriture et l'invention dans l'animation permettant de développer les différents caractères sans qu'aucun protagoniste ne donne l'impression de faire son numéro au détriment de l'équipe, même lorsqu'il a son "temps fort" (et il y en a, parmi lesquels l'irrésistible histoire d'amour entre les fashion victims Ken et Barbie). Dans la duplicité de certains, dans la volonté de faire d'un nounours et d'un poupon les méchants de l'histoire, de filmer des bambins comme des monstres détruisant tout sur leur passage et de faire de Sunnyside une prison, se niche l'idée d'un retournement. Ces renversements sont grâcieusement réalisés et ne font pas verser le récit dans le second degré et l'ironie facile à destination unique des adultes.

Dernier tour de force réalisé : développer un discours sensible sur l'adieu à l'enfance, sur la séparation nécessaire, sur la transmission et sur les valeurs d'une communauté sans tomber dans la mièvrerie. Message à tendance conservatrice, certes... comme chez Ford.

PS : Je me souviens très mal du premier volet et je n'avais pas vu le deuxième. 

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Le Corniaud (Gérard Oury / France - Italie / 1965) / ■□□□

La chevauchée fantastique (Stagecoach) (John Ford / Etats-Unis / 1939) / ■■■□

Toy Story 3 (Lee Unkrich / Etats-Unis / 2010) / ■■■□

Commentaires

  • Je ne déteste pas Le Corniaud mais j'ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi dans nombre de ses films, Bourvil - qui peut être un excellent acteur - joue souvent le rôle d'un séducteur (parce que, bon, il n'a pas tout-à-fait le physique de l'emploi). A mon sens, seul Mocky (du moins quand il avait un peu d'exigence vis-à-vis de lui-même) sut vraiment exploiter le potentiel comique de Bourvil (en en faisant à peu près l'inverse de ce qu'il est chez Oury par exemple).
    Je ne reviens pas trop sur La Chevauchée fantastique si ce n'est pour dire que j'aime beaucoup ce film (même si je préfère généralement des Ford plus tardifs) et que s'il y a sans aucun doute un fond de pensée conservatrice chez Ford, il y a aussi dans les idées qui sont généralement développées qui relèvent d'une pensée typiquement américaine (j'étais revenu là-dessus il y a un moment dans un article consacré au western : http://desoncoeur.over-blog.com/article-a-travers-l-age-d-or-hollywoodien-le-western-42096332.html). "Je suis un républicain du Maine" disait Ford ; cette formule a une part d'ambiguïté quand on connaît les reclassements qui se sont opérés entre démocrates et républicains au début du XXe siècle et son admiration absolue pour Lincoln.
    Enfin, sur Toy Story 3, j'ai été séduit par les images - et même l'utlisation de la 3 D - mais le discours m'a un peu fatigué - comme dans presque tous les films Pixar d'ailleurs.

  • J'ai en effet un bon souvenir de Bourvil dans "La cité de l'indicible peur" (moins convaincu par "La grande lessive").

    Quant à La chevauchée, il est évident qu'il y a plusieurs autres Ford qui lui sont supérieurs. Vous aurez remarqué que j'ai tout de même pris des gants pour ma conclusion (dont je suis quand même assez fier) en écrivant "tendance conservatrice". L'œuvre fordienne, surtout vers la fin, est bien sûr complexe et si je ne m'avance guère plus sur ce terrain c'est que ma connaissance de celle-ci s'est faite sur un trop grand nombre d'années pour que je fasse preuve d'assurance...

  • Je pense vraiment que Mocky avait trouvé une fibre comique très particulière chez Bourvil. Et si La Cité de l'indicible peur est incontestablement très supérieur à La Grande lessive, c'est surtout, à mon sens, parce que dans le premier cas, Mocky a presque complètement bossé son film (ce qui est un exploit de sa part) alors que, dans le second, il se laisse trop souvent aller à sa tendance disons "je m'en foutiste".
    Cette tendance-là est d'ailleurs très étrangère à Ford (même s'il avait un sérieux penchant pour la bouteille). Par contre, l'homme a véritablement sur certains points une pensée conservatrice mais, un peu comme chez Eastwood aujourd'hui, cela requiert effectivement une analyse très fine car il faut faire la part de ce qui est une pensée typiquement américaine (et contre laquelle il vaut mieux - sauf à posséder de solides arguments - ne pas trop s'énerver sauf à tomber dans un ethnocentrisme de mauvais aloi et à ne rien comprendre aux films) et de ce que dit personnellement John Ford.

  • Heureux de partager cet avis sur la différence de qualité entre ces deux Mocky (alors que La grande lessive est plus souvent mis en avant, l'autre étant méconnu). Je me permets de renvoyer à ma note (notule) :
    http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2009/05/09/la-grande-lessive-la-cite-de-l-indicible-peur.html

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