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Entre adultes

Brizé,France,2000s

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Tourner Entre adultes en quatre journées, pour trois fois rien, avec un groupe de douze comédiens issus du théâtre, se frotter sans tergiverser à la tradition du cinéma psychologique à la française, avec son cortège de chambres à coucher et ses variations infinies à l'intérieur du discours amoureux, et enfin s'appuyer sur un dispositif bien ferme pour brosser douze tableaux de couples en autant de séquences autonomes, se succédant en ne gardant de l'une à l'autre qu'un seul des deux personnages en présence pour le confronter à un nouveau venu, lequel se retrouvera à son tour dans la suivante face à un autre et ainsi de suite... : le projet de Stéphane Brizé ne manquait pas d'audace et je m'en veux presque de juger le résultat si sévèrement.

Mais enfin qu'il est exaspérant, ce film ! Écris au ras de la réalité, les dialogues prolongent des pensées et verbalisent des états partagées et vus mille fois déjà, la variété des situations exposées n'aidant pas à approfondir les choses (successivement et pour autant de clichés : le couple légitime, l'adultère, le "coup" de passage, l'amitié trouble, les ex-amants, le client et la prostituée, l'employeur et l'employée etc...). Dans cette série de douze duos, Brizé fait alterner, selon les épisodes, plans séquences assez larges et découpage plus classique à partir de deux positions de caméra. Il filme ses acteurs de face, de dos ou de profil. Il souhaite ainsi, d'une part, éviter l'ennui, et d'autre part, dégager du sens. Malheureusement, l'ensemble est bien trop terne pour que l'on se fatigue à tirer ce fil stylistique. Par ailleurs, toujours pour ne pas trop lasser, le cinéaste prend soin de désaxer, à un moment ou à un autre, chacune de ses douze séquences en introduisant une révélation qui fait basculer notre perception de la scène ou qui éclaire brutalement sur la réalité des enjeux (cela lui est d'autant plus facile qu'il démarre chaque segment sans prendre la peine de détailler la situation, de façon très directe, juste derrière un carton annonçant les prénoms du nouveau couple étudié). Tous ces efforts sont vains. Le film est désespérément répétitif, la dramaturgie ne débordant jamais des strictes limites des différents épisodes.

De l'un à l'autre, Brizé place chacun de ses personnages dans deux situations différentes et ne montre en fait que des tristes duplicités, des pathétiques renoncements et des médiocres trahisons. Le spectateur est uniquement amené à percevoir les signes de ces mesquineries, rien de plus.

De ces petits instantanés, le désir et l'érotisme sont absents. L'amour est déjà fait lorsque nous arrivons, ou bien il n'est qu'analysé ou fantasmé. Un acte sexuel est certes suggéré, hors cadre, mais il est de nature perverse. Stéphane Brizé ne flatte ni les corps ni les caractères et son film se refuse à toute séduction. Il en est d'autres, contemporains, du côté de l'Allemagne, de l'Autriche ou de la Roumanie, mais Entre adultes n'a ni leur puissance formelle, ni leur singularité morale et reste petit jusqu'au bout, comme l'indiquent les quelques notes de musique à l'ironie insupportable servant de lien entre les séquences.

Le rapprochement avec La ronde de Max Ophuls, relevé notamment dans le Positif de l'époque, est pour le moins abusif, presque aussi mensonger que l'affiche choisie par le distributeur. Pour avoir une idée plus précise d'Entre adultes, vous devez au contraire imaginer une sitcom du type Un gars, une fille ou Scènes de ménage, mais parfaitement sérieuse, ce qui, faut-il le préciser, retirerait beaucoup à l'intérêt déjà maigre de ces produits télévisuels.

 

Brizé,France,2000sENTRE ADULTES

de Stéphane Brizé

(France / 85 min / 2007)

Commentaires

  • De toute façon, qu'on se le dise, Brizé est ce qui se fait de pire en France, même lorsqu'il tente le film existentiel populaire (Je ne suis pas là pour être aimé). J'avais attribué à Entre adultes le prix du pire film de l'année 2007, je vois que je ne suis pas le seul à en penser autant de mal...

  • Il faudrait que je reprenne la liste de 2007 mais oui, effectivement, "Entre adultes" est un candidat très sérieux à ce titre. Pourtant, Brizé s'est fait, ces dernières années, sa place auprès des critiques et du public... (je ne connais pas ses autres films, mais, tout à coup, je ne me sens pas préssé du tout)

  • Oui, je n'ai vu aucun des films de Brizé, mais j'avais entendu Jean Collet, dans une vidéo, en parler avec des trémolo dans la voix, comme d'un grand humaniste (C'était sur Mme Chambon je crois)... Bref, si je tente l'expérience ce sera du coup pas avec ce film!

    (Mais bon, je relativise quand je vois la note que tu a mise au premier Batman de Nolan, dans un article que je n'ose même pas aller commenter tellement me déconcerte notre divergence...)

  • Si je ne me trompe, par rapport à Brizé, la critique a globalement couru après le public, qui avait fort bien accueilli "Le bleu des villes" et "Je ne suis pas là pour être aimé"...

    (Quant à Nolan, si le besoin s'en fait sentir, tu peux tout de même aller commenter ma récente note... Peut-être ce cinéaste est-il en train de devenir celui dont on ne pourra plus parler entre toi et moi... Enfin, tant que je n'ai pas vu "Inception", l'affaire n'est pas entendue.)

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