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Bellflower

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La réputation, l'affiche, le pitch, l'habillage esthétique et les premières images de Bellflower sont des promesses que le premier film du réalisateur-producteur-scénariste-monteur-acteur Evan Glodell ne tient pas. Peut-être est-ce lié au fait que les personnages sont des glandeurs affichant un côté geek, des petits jeunes aimant imaginer toutes sortes de choses "trop cool" sans quitter leur quartier. Encore que ces geeks-là sont un peu particulier car ils semblent ignorer l'informatique. Ils préfèrent le bricolage, la mécanique, les objets de brocante, les véhicules anciens et les cahiers de dessin. Il est vrai que cela fait plus "Cinéma". Une vieille moto, une bagnole customisée, cela réveille immédiatement tout un imaginaire (partant de Mad Max, directement cité dans le film, le spectateur peut ramener lui-même toutes ses références).

Mais revenons aux promesses. Un coup de tonnerre, une embardée spectaculaire, Bellflower ? Vraiment ? Mais passé le générique et avant la dernière partie, le film n'est qu'une simple romance comme on en a déjà vu des centaines, une bluette juste réhaussée de culture indépendante. Boy meets girl, what else ? Pendant une bonne heure, il faut se farcir les minauderies d'un couple n'ayant que les mots "cute" et "cool" à la bouche. Le vernis trash, les délires alcoolisés, les gueules de bois et bien sûr cette esthétique torturée n'y changent rien. On veut bien, pendant un moment, s'attacher à ces personnages de losers doués (on pense au premier tube de Beck et à son clip, très proche dans l'esprit, mais qui a l'avantage de ne durer que quatre minutes et d'avoir été réalisé il y a de cela... 19 ans) mais les filtres de couleurs, les salissures sur l'objectif et le flou envahissant des coins de l'image perdent de leur intérêt à force de nous laisser espérer que quelque chose va vraiment arriver. La pointe d'inquiétude qu'ils installent ne suffit bientôt plus.

Le déraillement arrive donc trop tard et il déçoit forcément, trop attendu. Jalousie, tromperie, vengeance : ce n'est finalement qu'une affaire de cul qui tourne mal. On pensait basculer dans un monde étrange et plonger dans l'Apocalypse, mais nous voilà en train d'assister à des accès de violence contenus dans le cercle tracé par les cinq principaux personnages. De plus, ce dénouement s'étire dans une grande confusion narrative. Mort-pas mort ? Rêve-réalité ? (*) Le bouleversement temporel à l'œuvre ne ressemble là qu'à la mise en avant gratuite du cinéaste.

Bellflower bénéficie d'une fantastique bande originale (mais cela relève presque du minimum syndical pour un film indé US). Toutefois, Bellflower n'est pas du tout une romance sur fond d'apocalypse. Ce n'est pas non plus une merveilleuse vision de la jeunesse (convoquer Hal Hartley comme le fit Thomas Sotinel dans Le Monde est insultant pour le génial cinéaste et dialoguiste de Trust me).

Ou alors c'est moi, ayant de plus en plus de mal à m'enthousiasmer pour tous les futurs-grands-cinéastes qui nous sont présentés ces derniers temps par la critique ou le net. Alors qu'ils furent si nombreux dans les années quatre-vingt-dix, aujourd'hui, je ne sais même plus quel est le dernier "premier film" à m'avoir réellement touché...

 

(*) : La reprise d'un plan précis incite à emprunter la piste du fantasme. C'est celle qu'a suivi l'ami tenancier du Ciné-club de Caen pour tourner une critique enthousiaste.

 

****

bellflower00.jpgBELLFLOWER

d'Evan Glodell

(Etats-Unis / 110 min / 2011)

Commentaires

  • Toujours pas vu ce film qu'un rédacteur invité avait vu et défoncé pour nous sur Il a osé (http://ilaose.blogspot.com/2012/03/bellflower.html). Tu confirmes qu'il faut que je m'en tienne éloigné !

  • Tu as bien raison. Sotinel semble effectivement avoir fumé la moquette. J'ai mal à mon Hal Hartley !

  • Rémi : Cela dit, il y a des gens très bien qui aiment le film, donc tu fais comme tu le sens.

    anlor : Quelle différence, déjà, entre les dialogues d'Hartley et ceux de Glodell ! Et puis la légèreté, la délicatesse, l'humour, la musicalité...

  • Bonjour,

    Déjà : s’entendre sur le thème. Certes Boy meets girl, mais pas seulement puisque la seconde moitié du film raconte la fin de cet amour et la souffrance de son deuil. La naissance et la mort d’un amour, c’est beau comme Les amours imaginaires (Xavier Dolan, 2010), Two lovers (James Gray, 2008) ou, autrefois, Les deux Anglaises (Truffaut, 1971), les parapluies de Cherbourg (Jacques Demy, 1964),ou Jules et Jim (Truffaut, 1962).

    Réduire le film à une déclinaison arty d’une affaire de cul qui tourne mal chez un adolescent attardé c’est faire, à mon avis, bien peu de cas de la force poétique du film. Les choix de mise en scène ne cessent d’être les signes de l’ascension amoureuse puis de la chute dans l’enfer de la souffrance. La poésie est une forme donnée au film et non constituée de la psychologie des personnages car le thème est aussi simple et banal que foncièrement atroce et vital pour celui qui le vit.

    Premier élément structurel, le découpage en chapitres tous plus littéraires les uns que les autres ; l’inscription des titres des sept chapitres à l'écran est plus proche du romantisme de Truffaut que de l’appel à la recherche du sens de Godard : Poursuit of happiness, Memories. Almost home, All things end, Legend of "The Medusa", Nobody gets out alive, At the darkness hour.

    Certes on reconnait là les étapes classiques de la passion amoureuse : rencontre, bonheur, jours heureux, rupture, deuil douloureux, deuil accepté. La prise de risque de la mise en scène est témoins extraordinaire à chaque fois. Ainsi dans Poursuit of happiness (la rencontre), les motifs des lunettes, du fond orangé, des fleurs. Dans Memories, cette impression de créer quelque chose qui n’appartient qu’au couple. Que cela soit un mixte de trash (resto, moto) et de bluette (voiture et fameux "cute" qui en indispose plus d’un) importe moins que l’idée de vivre à deux quelque chose qui échappe au temps et au monde des autres. C’est ensuite le retour à la maison c’est à dire le bonheur partagé (belles séquences d’amitié partagée dans les couples, du bonheur sur la plage…). Le (ou presque) du titre inquiète toutefois sur le sentiment du trop beau pour ne pas être périssable.

    Le chapitre All things end s’ouvre dans une lumière blanche blafarde sur le disfonctionnement conjugal, Milly ne range rien et surtout s’ennuie irrémédiablement. Pas grand chose à voir à mon avis avec « une histoire de cul qui finit mal » seulement la fin de cette histoire où sexe et amour étaient liés.

    Le deuil de ce premier amour est si violent qu'il exige ce délire violent gore et fantasmatique encadré par les deux plans du Milly'shit –franchement une deuxième vision du film enlève toute ambigüité quant à l’aspect mental et superbe, car suprêmement libre géographiquement et temporellement, de cette partie.

    Un dernier chapitre, intensément nostalgique (voir les images finales insérées dans le générique) dit la tristesse éternelle de l’amour défunt mais la possibilité de passer à autre chose.

    Voir et revoir Bellflower : un film au thème simple, l'amour et la fin de l'amour, mais dont la poèsie permet de retrouver, le temps d'une projection de cinéma, toute l'insensité de ce qui fut vécu.

  • Je suis un peu dans le même état d'esprit que toi, sauf que je me suis laissé emporté par l'aspect "amour pourri" qui dirige la deuxième partie du film. Et puis il y a quand même un point de vue. Et en plus largement autobiographique semble-t-il ....

  • D'accord avec ta critique. le problème principal selon moi est l'abscence totale de recul qu'à le cinéaste sur sa propre histoire (il a semble-t-il réalisé le film pour se remettre, lui aussi, d'une déception amoureuse): jouer, à 30 ans, son propre rôle de dix ans plus jeune (les personnages se comportent clairement comme des post-ado), sans se poser la question de ce que cela veut dire en terme de représentation, c'est très léger. Comme s'il avait eu la tête dans le guidon durant les longs mois de tournage, et la solitude de la post-prod, et qu'il arrivait ensuite tout fier avec son bidule, qui passe à côté de ce qui aurait pu faire son intérêt: une remise en question de soi-même, la description précise de la construction de la voiture, et surtout, une violence plus assumée: car ce fantasme de la dernière partie ne va clairement pas au bout de sa folie, et le film se dégonfle comme une baudruche.

  • hello sadoldpunk,

    à mon avis, il n'y a guère d'intérêt à se servir de ce qui est extérieur au film pour en faire la critique. Le film ne doit s'analyser qu'à partir de ce que l'on voit à l'écran. Que toi même, si tu avais vécu la même histoire que le réalisateur, tu aurais fait autre chose, pas de problème. Mais cela ne concerne pas le film.

    Il n'y a pas folie à la fin, seulement délire mental dû à la douleur. Le fantasme s'éteint ensuite et il faut de nouveau tenter de vivre avec ses souvenir. D’où la très belle fin du film.

  • C'est quoi ce complot ? Tu fermes les comm' sur le texte de Vincent ?!
    Bon, je retourne chez lui.
    Adieu

  • Hello Jean-Luc,

    Certes, mais à partir du moment ou le réalisateur accumule les signes autobiographiques à l'intérieur de son film, il paraît difficile d'échapper complètement à cette interprétation.

    Par ailleurs, "le délire mental dû à la douleur" dont tu parles ne peut pas (mais c'est très personnel évidemment) me toucher lorsque les protagonistes sont tellement antipathiques et égocentrés: en cela je rejoins Nightswimming et je ne vois alors qu'une histoire de cul/coeur terriblement banale.

  • Fred : Ce sont des mensonges et des calomnies ! (pardon, j'ai trop regardé la télé hier soir) Je t'ai répondu chez Vincent puisque tu y es partie...

  • Excusez-moi, chers amis, pour le manque de réaction, mais je n'ai vraiment le temps à pas grand chose en ce moment.
    Faute de pouvoir répondre du tac au tac, essayons une réponse générale.
    Bon, tout d'abord, que le film soit à l'origine d'avis tranchés, voire lapidaires, c'est quand même dû à sa nature même, le cinéaste cherchant manifestement à bousculer son monde, à se faire sa place bruyamment.
    Je ne reviens pas sur ma déception "publicitaire", si ce n'est pour recommander à mes lecteurs de bien se renseigner sur la réalité du film au lieu d'y aller en ayant seulement lu quelques accroches ici ou là. Mais, cette déception nait aussi du travail du cinéaste à l'intérieur de son film. L'introduction, stimulante il est vrai, promet un récit de folie, qui va dérailler. Or elle n'est là, au mieux, que pour laisser retomber un voile d'inquiétude sur l'idylle décrite, au pire, pour faire la preuve, assez gratuite, d'une certaine virtuosité.
    Le début du film ne me déplaît pas, j'essaie de m'attacher à ces jeunes. Je trouve plutôt bien, en effet, la peinture de la relation amicale. J'ai envie de voir cette histoire d'amour. Mais au bout d'un moment, j'ai envie qu'il passe à autre chose et qu'il tienne ses promesses, car ces gamineries mignonnes/trash fatiguent énormément. On se demande vraiment si c'est fait exprès, s'il n'y a pas une ironie, si quelque chose ne va pas dénoncer ces images.
    Quelque chose arrive bien, en effet, tardivement. Mais qu'il est convenu ce basculement : le désordre de la chambre, l'ennui, la tromperie, l'énervement... Je n'aime pas cette scène et c'est, pour moi, sans doute, le début de la fin. Ces personnages n'ont pas réussi à garder mon attachement et finissent par m'agacer.
    Le final ne marche pas, à mon sens. Pourquoi en faire un fantasme, sinon pour faire le malin, pour mener en bateau à peu de frais ? Pourquoi n'avoir pas ainsi destructuré tout le récit, pour en faire un film vraiment tordu ?
    Bref, le manque d'émotion empêche de trouver la poétique que tu y as vu, Jean-Luc.
    Deux dernières remarques :
    - Je me moque pas mal de la dimension autobiographique, mais je pense, comme toi sadoldpunk, qu'il y a effectivement un problème de recul du cinéaste.
    - Les intertitres m'ont fait penser aux intermèdes de Breaking the waves et à Lars Von Trier en général.

  • Tu devrais éteindre ta télévision et reprendre une activité normale... prendre ta voiture et aller au cinéma par exemple ^^

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