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Journal de France

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Journal de France : modeste ou prétentieux, ce titre est en tout cas très imparfaitement adapté puisqu'il ne recouvre qu'une partie de ce qui constitue ce film, avant tout un hommage enamouré rendu à Raymond Depardon par Claudine Nougaret. Au générique, pour l'écriture et la réalisation, le nom de Depardon s'affiche après celui de Nougaret. La voix off nous le confirmera un peu plus tard, l'initiative revient essentiellement à Madame. Malgré cela, sachant que depuis quelques années la collaboration est très étroite, on ne peut s'empêcher de mesurer tout le long de ce film l'écart qui se crée ici par rapport au geste cinématographique habituel de Depardon. Ainsi, plusieurs choses jurent sur l'écran : un habillage musical peu discret, un montage serré, une sonorisation et un non respect du format original de certains plans d'archives, des changements d'axe voulant pourtant garder l'illusion de la continuité d'une discussion, un statut vague des images proposées (chutes, inédits, extraits ?)...

La moitié du temps, nous suivons Raymond Depardon dans son périple en camping car à travers la France. Il est filmé en train de photographier et souvent la caméra fait mine d'épouser son regard. Or cette coïncidence est fausse : la caméra ne peut pas être au même moment à la même place que l'appareil photo. Il y a là une forme de tricherie. Ce détail peut paraître négligeable mais il est révélateur et gênant lorsque l'on pense à la rigueur et à la précision du point de vue qui caractérisent les films de Depardon.

Autre réserve, sur la construction de l'ensemble. Alternent donc la description du travail de terrain qu'effectue le photographe et le défilement chronologique d'archives filmées par lui depuis sa jeunesse, retraçant ainsi toute sa carrière. Deux ou trois phrases seulement, dites en off par Claudine Nougaret, situent ces images remontées à la surface. Ce manque de contextualisation fait qu'elles nous sont jetées au visage et rendues spectaculaires. Ces séquences n'ont dès lors que leur force à offrir (certaines sont particulièrement marquantes), elles ne sont que choc.

Le film peut tout de même être vu pour appréhender l'ensemble du parcours effectué par Depardon, pour déceler ce qui évolue, avec le temps, dans sa méthode, son style, sa manière de voir, ainsi que ses obsessions qui perdurent. Par ailleurs, l'aspect le plus prosaïque de Journal de France n'est pas inintéressant : comment notre homme organise ses journées sur la route, mène ses rencontres avec les habitants, effectue techniquement son travail... De plus, in extremis dira-t-on, Claudine Nougaret attrape quelque chose sur la fin. En choisissant de terminer avec une série de courts plans prélevés dans l'ensemble de l'œuvre, elle provoque un écho avec ceux présentés au début, les premiers essais du jeune homme dans les années 60 braquant sa caméra sur des couples d'amoureux lors d'une fête foraine. Au bord de ces manèges, comme plus tard ailleurs aux quatre coins du monde, l'important serait donc de soutenir le regard de l'autre, du passant, du filmé, afin de ne pas s'en tenir à un enregistrement mais plutôt de faire circuler quelque chose sur cette ligne invisible et inconfortable allant des yeux des uns à l'objectif de l'autre. Tracer cette ligne, voilà ce que semble avoir cherché à faire Raymond Depardon tout au long de sa carrière.

 

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de Claudine Nougaret et Raymond Depardon

(France / 100 min / 2012)

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