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Premier film plus que prometteur, déjà accompli, d'un jeune cinéaste s'installant tout simplement au niveau d'un Jia Zangke ou, mieux encore, de la nouvelle vague taïwanaise de l'époque. Alternant des plans séquences très longs et très beaux avec d'autres plus courts, il déploie une esthétique admirable sans jamais laisser penser qu'il s'appuie sur un système. Pour raconter deux ans (durée du tournage également, épousant chaque saison) de la vie d'une famille chinoise, il avance par blocs bien découpés, elliptiques, surprenants. Ce n'est que sur la durée que ces bribes de temps nous assurent des repères et éclaircissent les rapports entre les personnages. Mais alors que s'effectue cette familiarisation progressive, ces derniers gardent leur mystère et le "documentaire" s'enrichit d'une dimension musicale, poétique, paysagère... Avec subtilité, le film traite de la présence du passé, familial ou culturel, des changements accélérés de l'époque, de la course au progrès, des problèmes d'argent conditionnant tout. Il le fait avec douceur et un brin de pessimisme (comment faire autrement ?) mais sans pleurnicher, en un délicat jeu autour des apparitions et disparitions rendu sensible par le style de découpage et l'inscription parfaite des personnages dans l'environnement, ancestral ou moderne.