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western - Page 3

  • Le souffle de la tempête

    (Alan J. Pakula / Etats-Unis / 1978)

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    a67bc0225c1319296dc82c81fc19b6d0.jpgOh le beau film que voilà !

    Le souffle de la tempête (Comes a horseman) est un western tardif, dans les deux sens du terme, puisque réalisé en 1978 et ancrant son récit à la fin de la seconde guerre mondiale. Quelques voitures se retrouvent donc dans ces ranchs, dont les propriétaires conservent cependant les méthodes de travail et les modes de vie des anciens. Le combat est archetypique, entre gros et petits éleveurs, tournant autour de la possession des terres. La première nouveauté vient de l'entrée en jeu d'une troisième force, une compagnie pétrolière flairant l'or noir sous les pâturages. La deuxième concerne le héros, qui est ici une femme. Ella Connors, très endettée, est harcelée par son voisin, J.W. Ewing, lorgnant sur ses terres. Aidée par Frank Athearn, un soldat démobilisé auquel elle a vendu un petite parcelle et par Dodger, vieux cowboy fatigué et partenaire de longue date, elle tient tête, malgré les coups du sort et la folie destructrice de Ewing qui, poussé vers la sortie par les banques et les nouveaux entrepreneurs, entraîne tout ce monde vers le chaos.

    L'heure est à la mélancolie. Le souffle de la tempête est un western crépusculaire. Les intérieurs sont rongés par l'obscurité, dehors les visages sont mangés par l'ombre des Stetson et le ciel, ailleurs si bleu, se charge vite de nuages menaçants (la photo, signée par Gordon Willis, est magnifique). Symbolique du refus de la perte de ses valeurs (positives ou négatives) est l'évocation régulière par chacun des souvenirs des pères et des grands-pères.

    Déjà en 1978, on ne faisait plus de western en toute innocence. Pakula dirige Jane Fonda (Ella) et Jason Robards (Ewing). Dès le début du film, en une courte séquence, il règle de façon admirable toute la question de l'héritage du genre. L'enterrement introductif, à l'occasion d'un échange de regards, nous signalait la tension existant entre les deux personnages. De retour chez elle, Ella trouve sur son perron Ewing, qui lui assène calmement des propos à la fois fatalistes et menaçants. Une succession de champs-contrechamps fixes, cadrés de loin pour la plupart et magnifiés par l'écran large, le silence absolu de Ella et sa posture droite, jambes légèrement écartées, comme lors d'un duel, la présence de Jane Fonda, fille de son père qui affrontait déjà Robards, dix ans avant chez Leone (Il était une fois dans l'Ouest, 1968) : le conflit de départ est posé clairement et en même temps, tout se retrouve chargé d'histoire. L'allusion est d'autant plus belle qu'elle est subtile (pas de musique, pas de coups de feu, pas de gros plans) et que Pakula n'y reviendra pas. A peine quelques réminiscences fleuriront ensuite ça et là : les deux amoureux enlacés montant sur la piste de bal en plein air évoquera My darling Clementine, et un plan bref de Jane Fonda de profil, au volant de sa vieille voiture, fera revenir le fantôme de Tom Joad (soit Henry Fonda dans Les raisins de la colère).

    Cette finesse de Pakula, elle saute aux yeux, si l'on peut dire, à tout points de vue. James Caan, dans le rôle de Frank est totalement crédible, en particulier physiquement, en cowboy. Jason Robards, avec le minimum d'effets, compose un salaud inoubliable. On retrouve Richard Farnsworth (futur interprète principal de Lynch pour Une histoire vraie) en Dodger, qui par son calme et son doux regard renouvelle la figure du partenaire truculent et fidèle. Jane Fonda, elle, est simplement magnifique. Quelques unes de ses scènes avec Caan sont bouleversantes. La plus belle, nous les montre en train de réparer une éolienne, en haut d'une plateforme. Une explosion au loin provoque tout à coup une crise de nerfs de Ella, qui fait mine de se reprendre en attrapant un outil avant de s'effondrer totalement, en larmes, et de provoquer ainsi la première étreinte. La subtilité de traitement des scènes-clés se retrouve également plus tard lors de l'aveu de Ella à Frank à propos de ses rapports passés avec Ewing. La majorité des cinéastes aurait coupé dès la fin du monologue de Jane Fonda. Pakula laisse durer son plan et fait alors reprendre par Frank les propos anodins qu'il tenait avant que sa compagne ne lui fasse sa terrible déclaration, l'homme se contentant d'y répondre par une main sur l'épaule aussi simple que touchante (cette simplicité des dialogues et des gestes, Kevin Costner s'en souviendra pour son beau Open Range). Plus conventionnelles, les scènes de chevauchées débouchent tout de même sur un morceau de bravoure singulier. Ella et Frank, en début de nuit, doivent soudain partir à la poursuite d'un troupeau de vaches sorties de l'enclos, affolées par l'orage. La longue cavalcade s'achève dans le soulagement, la fatigue, la respiration courte, la conscience d'un lien indémêlable entre deux personnes, tout cela digne d'une nuit d'amour.

    Toutes ces inspirations de mise en scène (aux cadrages parfaits, très larges, souvent en plans séquences), Alan J. Pakula, après ses fantastiques années 70 (et une célèbre trilogie fondatrice du cinéma du complot : Klute / A cause d'un assassinat / Les hommes du président), ne les retrouvera semble-t-il jamais totalement dans les périodes suivantes, jusqu'à sa mort en 98.

  • Jeremiah Johnson

    (Sydney Pollack / Etats-Unis / 1972)

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    378162d92ef78e99a1c02f87d28bfdc8.jpgJe le dis d'emblée, Sydney Pollack est pour moi un cinéaste estimable, réalisateur de bons films, mais jamais transcendants. Ce Jeremiah Johnson, après lequel je courrais depuis longtemps, à priori meilleur film de son auteur, ne me fait, malheureusement, pas revoir mon jugement, aussi agréable ce (faux) western soit-il à regarder. Jeremiah Johnson, venant de nulle part, décide de mener la vie rude, dangereuse et solitaire, de trappeur. Son périple montagnard sera l'occasion de rencontres insolites avec d'autres chasseurs et plusieurs tribus indiennes. Un foyer se constitue après son mariage forcé avec une squaw et l'adoption d'un garçon dont la famille de colons, à l'exception de sa mère rendue folle, a été massacrée. L'aspiration idyllique à l'harmonie ainsi réalisée est cependant bientôt brisée. Johnson, entraîné dans un cycle de violences, refait son chemin à l'inverse, croisant une seconde fois les mêmes personnes et disparaissant, auréolé d'une dimension quasi-mythique.

    L'oeuvre se place à la croisée de deux voies prises par le grand cinéma américain des années 70 : un cinéma de l'errance et du désenchantement (illustré par Altman, Monte Hellman ou Bob Rafelson) d'une part, et un cinéma de l'interrogation des mythes fondateurs et de leur rapport à la violence (celui du Boorman de Délivrance, d'Eastwood ou de Sam Peckinpah) d'autre part. Les caractéristiques saillantes des grands films de l'époque (qui fait encore rêver par rapport aux ambitions et à la liberté de ces cinéastes) sont là : déplacement ou retournement des codes, narration qui s'éloigne de la construction classique, qui module le temps à sa guise, dimension politique et approche nouvelle des rapports aux minorités. Qu'est-ce qui empêche alors Jeremiah Johnson de tutoyer les mêmes sommets ? Le style assurément.

    Pollack use et abuse des gros plans sur le visage de Robert Redford. L'idée est alléchante d'encombrer Johnson d'une indienne parlant dans une langue incompréhensible et d'un garçon mutique, mais elle pâtit des multiples échanges de regards lourdement soulignés. De même, le pressentiment tragique apparaissant en traversant le cimetière indien ou la transformation de Johnson en figure mythique passent par des idées visuelles malvenues. Pollack ne s'en tient pas à une ligne, à un ton, il tire parfois vers le picaresque, parfois vers la joliesse (les séquences centrales n'échappent à l'ennui que par les traits d'humour, essentiellement basé sur le barrage des langages), parfois vers la violence brutale (les affrontements sont à la fois traîtés sans musique et à la fois bourrés d'effets spectaculaires). La dernière partie, langoureuse, nous enveloppe sans nous élever.

    Si l'indécision de la mise en scène de Pollack me gène, le propos reste évidemment assez passionnant dans le regard porté sur les indiens, ni caricaturés, ni angélisés et surtout dans le constat de cet impossible retour à la nature, symbolisé par le plan final, ce signe amical adressé à l'Autre, au loin, geste qui voudrait se transformer en main tendue mais qui reste figé.

  • Fureur apache

    (Robert Aldrich / Etats-Unis / 1972)

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    af7455849a6e9103f38f7ef5791575dd.jpgAldrich n'a jamais été un adepte du politiquement correct. La vague de film pro-indiens de la fin des années 60, qui culmina avec Little Big Mand'Arthur Penn, l'a sans doute poussé à réaliser ce western si ambigu. Échappé de sa réserve, l'Apache Ulzana, accompagné de quelques hommes, se lance dans un périple sanglant, s'attaquant aux fermiers de façon particulièrement cruelle. La traque est lancée par un groupe de cavaliers de l'armée, mené par un jeune officier inexpérimenté et deux éclaireurs, un Apache engagé du côté des Blancs et son "beau-frère", le vieillissant McIntosh. C'est au travers de ce trio que sont développées les différentes positions morales face à la violence indienne. Le rendu de cette violence est très appuyé, la cruauté n'étant le fait que des Apaches. Heureusement, les propos de McIntosh relativisent parfois cette vision partiale. Le jeune idéaliste chrétien, quant à lui, se transforme peu à peu en chasseur haineux, s'opposant au fatalisme et à la lucidité de McIntosh. L'ambiguïté politique du film n'est pas levée avec son dénouement (le fait que le conflit vietnamien soit contemporain a aussi son importance). Le cinéma de Robert Aldrich est tout sauf confortable. Enfin, bien sûr, le personnage de McIntosh est interprété par Burt Lancaster, héros 25 ans auparavant de Bronco Apache, autre western (meilleur à mon sens) du même Aldrich.