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assarat

  • Wonderful town

    (Aditya Assarat / Thaïlande / 2008)

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    WonderfulTown.jpgSouhaitons la bienvenue à Aditya Assarat, auteur, pour son premier long-métrage de fiction, de ce beau Wonderful town. A l'occasion de sa sortie en salles début mai, tous (non, je rectifie : les deux ou trois critiques concernés par un pauvre film thaïlandais) l'ont avant tout présenté comme la première oeuvre abordant le tsunami de 2004. Ses mérites ne se limitent pas fort heureusement à sa position de défricheur, le sujet n'étant d'ailleurs traité que de façon oblique.

    Un homme, prénommé Ton, s'installe dans un hôtel du sud de la Thaïlande, perdu entre les montagnes et le bord de mer, le temps de mener à bien sa mission d'architecte sur un grand chantier de la ville voisine. Il noue une relation amoureuse avec Na, la propriétaire, et semble décidé à s'installer auprès d'elle. L'environnement, comme les coeurs, sont travaillés en profondeur par la catastrophe passée, mais c'est un autre événement, tout aussi imprévisible, qui bouleversera cette histoire d'amour.

    Parallèlement à la persistance d'un traumatisme, Aditya Assarat nous montre donc la naissance d'un couple et son film provoque un étonnement sans cesse renouvelé devant une histoire de rencontre déjà mille fois contée. Le charme et la douceur des deux interprètes principaux, non-professionnels comme l'ensemble de la distribution, y est déjà pour quelque chose et ce n'est donc pas que pour le plaisir de la langue que je les nomme : Anchalee Saisoontorn et Ton Supphasit Kansen. Surtout, inspiration et sensibilité imprègnent constamment le travail du cinéaste (et de son équipe technique, dans sa majorité aussi peu aguerrie que lui). La mise en scène d'Assarat semble toujours la plus juste possible, à l'image de ce passage obligé qu'est le premier dialogue intime, ce moment où l'on voit si oui ou non quelque chose peut advenir avec l'autre. Na ramasse son linge sur la terrasse, Ton l'aborde gentiment, lui propose son aide. Leurs mouvements sont accompagnés lentement par la caméra. Après ce long plan, l'axe change brusquement quand Ton décide de faire la remarque qui engage, qui dévoile ses pensées. Et la réaction de Na semble s'accorder à son désir.

    Comme nombre de ses collègues asiatiques, Aditya Assarat excelle dans un mélange de réalisme et de mystère, au bord du fantastique. Le premier registre s'impose par petites touches, au fil de séquences très composées et non dramatisées, sans être pour autant abstraites. Détail parlant : contrairement à beaucoup d'oeuvres auteuristes, les gens se disent bonjour lorsqu'ils se voient. Wonderful town réussit ainsi l'exploit de ne jamais se laisser étouffer sous le formalisme. De très belles scènes montrent le manque physique que ressent Na, comme celle où elle écoute à la porte de la chambre le bruit de la douche, attirée qu'elle a été par celui d'une chasse d'eau (apport d'une note triviale dans un moment pourtant d'une grande douceur : le procédé se retrouve encore une fois chez beaucoup de cinéastes de cette région du monde).

    De la même façon qu'il réussit à rendre l'intimité qui lie deux personnes, le cinéaste a trouvé un beau moyen d'évoquer un sujet bien plus vaste. Cet état d'après-tsunami se traduit d'abord dans le paysage. Le nouveau complexe hôtelier qui sort de terre se dresse à côté d'une ruine (que l'on dit hantée). A l'image du continent entier, tout n'est que reconstruction. Comme le montre aussi en Chine Jia Zangke ou au Cambodge Rithy Panh, ces sociétés asiatiques progressent de catastrophes en bonds en avant. Les traces du tsunami ne sont dans le film pas toujours aussi visibles. Des plans très simples et a priori anodins de la mer prennent soudain une dimension inquiétante. C'est que tout au long du film semble se propager un bruit sourd : la musique procède par nappes, l'orage gronde parfois, la circulation se fait entendre jusque dans les chambres. Comme le mouvement des plaques océaniques entraîne le raz-de-marée, c'est sous la surface que se niche la menace. La violence couve. Un bref mais fort bruit métallique est placé sur la bande son juste avant que l'image du chantier elle même nous arrive et ne nous rassure qu'en partie. Après une belle étreinte en plans serrés, le champ s'élargit brusquement, révélant une nature luxuriante, mais ce n'est que la puissance du vent que l'on ressent soudain. Annoncé, le drame arrivera, pas sous la même forme que le premier, mais dans un enchaînement tout aussi arbitraire. Filmée sans que le cinéaste ne change rien à son rythme, la violence absurde laisse in finela place à un retour au calme très énigmatique. Si il n'était pas déjà attaché à un grand film japonais des années 50 (de Mikio Naruse), Le grondement dans la montagne aurait fait un beau titre pour ce premier long-métrage.