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jessua

  • La Vie à l'envers (Alain Jessua, 1964)

    ***
    Charles Denner, fin, ironique, parfait, nous raconte ses problèmes existentiels, qui se sont transformés en bonheur du détachement total. Le dernier plan seulement nous indique qu'il le fait depuis un hôpital psychiatrique. L'un des intérêts du film est en effet de donner à voir un glissement vers la folie mais sans disposer de borne particulière qui marquerait un basculement. Comme le personnage, nous sommes en observation de la réalité de la société en 1963 (Jean Yanne en patron d'agence immobilière) et nous suivons le flux littéraire de sa voix off. Le travail sur le décor, devenant vivant et nu, et le montage, bousculant parfois la durée, rendant la perte de notion du temps, donnent déjà à ce premier film de Jessua une belle originalité. La vision du couple est également singulière. On craint d'abord d'y trouver trop de piques misogynes (Anna Gaylor est dite "conne", elle travaille comme modèle dans la pub, etc.) mais le personnage féminin est bien celui qui comprend le mieux, qui émeut (son inquiétude quand Denner revient après avoir disparu 3 jours) et l'amour entre les deux semble toujours sincère, au point que l'on se dit qu'il ne faudrait pas grand chose pour qu'elle accompagne son homme jusqu'au bout, dans une réclusion comparable à celle de L'Empire des sens

  • Les chiens

    (Alain Jessua / France / 1979)

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    4a38e09709bd42ca1a90ef95c24dde22.jpgLe docteur Ferret (Victor Lanoux, plutôt bon) s'installe dans une ville de banlieue et s'étonne d'y soigner essentiellement des morsures et de croiser continuellement les habitants accompagnés de leurs chiens de défense. Dans un climat de violence croissante, il rencontre le "fournisseur" de la population en molosses, l'éleveur et maître-chien Morel (Depardieu), qui semble étendre son influence sur toute la cité. Voici donc un film de dénonciation : Jessua montre l'engrenage qui, partant d'un racisme au quotidien et d'une suspicion envers les jeunes, mène un groupe de "bons citoyens" au lynchage de tous ceux qui n'adhèrent pas à leur vision fasciste. Les actes d'un violeur non identifié provoquent la recherche de boucs émissaires, l'obsession sécuritaire est entretenue par celui qui lorgne sur la mairie. La trame est démonstrative et le film n'est pas dépourvu de défauts : les différents groupes sociaux sont schématiquement représentés (les notables, les jeunes, les immigrés), Elisabeth, le personnage féminin principal évolue d'une façon qui rend peu crédible son revirement final en comparaison à la droiture morale que garde de bout en bout le médecin, la résolution de l'affaire de viol est peu convaincante.

    En revanche, une chose fait tenir le film et le rend plutôt réussi : la volonté de Jessua de tirer son histoire vers le fantastique, en utilisant plusieurs leviers mais toujours sur des données réalistes. Comme Buffet froid, Les chiens est un documentaire sur ces villes nouvelles apparues dans les années 70 et comme Blier, Jessua insiste sur la froideur des architectures (pour une action qui semble plutôt avoir lieu en été) et filme beaucoup de nuit. La plus grande étrangeté ne vient pas cependant de ces images de grands ensembles mais de cette omniprésence des chiens. Ici, les gens dînent au restaurant avec leur berger allemand au pied de la table, ne sortent pas sans eux dans la rue, les emmènent dans leur voiture pour chaque déplacement. Toutes ces scènes sont filmées sans effet particulier et en sont d'autant plus étonnantes. Jessua pousse son propos jusqu'au bout : les habitants de la cité deviennent de plus en plus agressifs, semblent se transformer eux-mêmes en animaux (réflexion explicitée inutilement par une remarque de Ferret à Elisabeth). Une séquence aussi excessive que troublante voit Morel pousser Elisabeth vers une libération totale de ses pulsions au cours d'un simple exercice d'attaque pour son chien. L'aspect fantastique devient de plus en plus prégnant sur la fin : le compte réglé de bel façon à Morel, ces voitures en poursuite des fugitifs qui s'arrêtent net comme empêchées de franchir une barrière invisible entourant la ville et un épilogue offrant un cadre en rupture complète par rapport à tout ce qui a précédé. Film à vedettes, message d'alerte politique, description sociologique (l'importance dans ces années-là du terrain de moto-cross) et conte fantastique : curieux mélange pour un résultat imparfait (contrairement à l'excellent Jeu de massacre que Jessua réalisa en 67) mais toujours intéressant.