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mishima

  • Yûkoku - Rites d'amour et de mort (Yukio Mishima, 1966)

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    Je découvre Mishima avec ce coffret livre-DVD autour de son unique film, adapté de sa propre nouvelle "Patriotisme". Celle-ci est stupéfiante, inscrivant dans le quotidien, entre objets et pensées, une histoire d'amour fou glissant de l'union sexuelle ardente à l'atroce seppuku. La progression est si fluide que l'on ne réalise pas bien que l'horreur est inévitable. Par sa description du double suicide, Mishima nous laisse suffocants, autant à cause de la violence que de la continuité narrative imposée magistralement.
    Aussi marquant, le film fonctionne très différemment. De la continuité, on passe aux ruptures.
    Non seulement Mishima déplace cette histoire dans un décor épuré de type théâtre Nô, réduisant le réalisme environnemental de la nouvelle à quelques signes à peine, mais il ne cesse de fragmenter. Sans dialogue, le film est entrecoupé de longs intertitres qui forment six parties. La scène d'amour limite les plans larges et la caméra s'attarde essentiellement sur des parties des deux corps. La musique ("Tristan et Isolde" de Wagner) contraste aussi. Cinéma moderne des années 60, pleinement.
    Je me disais que Mishima choisissait cette solution pour représenter l'amour parce qu'il butait inévitablement, comme tout le cinéma (on pourrait dire jusqu'à ce qu'Oshima tourne "L'Empire des sens"). Il y a cette impossibilité de l'image par rapport aux pages correspondantes.
    Puis vient le moment du seppuku. Et là, choc, Mishima montre tout. Avec cette nouvelle rupture, le film devient fou. A l'incroyable éventration de Shinji répond, en contrechamp, le non moins incroyable visage de Reiko en pleurs. Puis sa façon de se relever difficilement, son kimono souillé, ses pas dans la flaque noire, etc. Là, Mishima trouve vraiment l'équivalence.
     
    PS : Dans le livret d'accompagnement, l'auteur, Stéphane Giocanti, fait manifestement une erreur en passant vite sur la réception du film : "En France, bien que le public lui fît un accueil circonspect, Yûkoku fut primé au Festival de Tours". Il se trouve que dans le Positif de juin 66, Robert Benayoun, rendant compte du fameux festival de courts métrages, défendit passionnément ce film "le plus exceptionnel, le plus haï et le plus discuté de tous", en concluant "Rites d'amour et de mort, faut-il le dire, n'eut aucun prix. Peut-être est-ce dans l'ordre. Si l'amour, graine de subversion, ne choquait pas encore les esprits distingués, serait-il l'amour ?"