Comme promis il y a de cela quelques semaines, je profite d'une période de calme dans l'animation de ce blog et de la fin du marathon Demy effectué par mon généraliste favori (le Dr Orlof) pour poser la question rituelle : "Êtes-vous Demyphile ?". Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous invite chaudement à lire les chroniques du praticien susnommé qui, profitant de la sortie d'une intégrale en dvd, a pu passer en revue tous les longs-métrages du cinéaste, du premier au dernier, et ainsi, soupeser les mérites de chacun, tout en mettant à jour la permanence de certains thèmes et figures chers à l'auteur.
Pour ma part, me tournant vers la filmographie de Jacques Demy, je m'aperçois que d'une part, je n'en connais que les classiques des années 60 et deux titres méconnus et que d'autre part, mon jugement n'apporte guère de surprise. Hormis pour Peau d'Âne, revu récemment, et pour Les demoiselles de Rochefort, mes souvenirs sont assez vagues. Lola et Les parapluies de Cherbourg m'avaient beaucoup séduit, sans que j'y vois tout à fait de bouleversants chefs-d'oeuvres. Peut-être parce que moins aimé par les admirateurs de Demy que ces deux-là et par conséquent moins attendu de ma part lorsque je l'ai découvert, La Baie des Anges m'a plus marqué (notamment par la musicalité de sa mise en scène, alors que, comme chacun le sait, ce n'est nullement une comédie musicale). A partir de projets hybrides, Le joueur de flûte et Lady Oscar ont donné des films assez étranges, recélant quelques beautés. L'honnêteté me pousse cependant à dire qu'il ne m'en reste par grand chose en mémoire. Bref, comme beaucoup, je suppose, mon préféré est, de loin, Les demoiselles de Rochefort, rêve de musical à la française magnifiant son cadre géographique et ses interprètes (quelle joie d'avoir une telle trace sur l'écran de la réunion des deux soeurs Dorléac).
Finalement, sans doute que pour trancher réellement et répondre définitivement à la question posée, il faut connaître Une chambre en ville. Sans l'avoir jamais vu, il me semble que c'est dans cette oeuvre que se trouve la quintessence du cinéma de Demy et que s'y effectue la séparation entre les défenseurs inconditionnels du réalisateur d'un côté et les sceptiques, les réticents ou les occasionnels de l'autre. Dîtes-moi si je me trompe...
Mes préférences :
**** : Les Demoiselles de Rochefort (1967)
*** : Lola (1961), La Baie des Anges (1963), Les Parapluies de Cherbourg (1964), Peau d'Âne (1970)
** : Le Joueur de flûte (1972), Lady Oscar (1978)
* :
- :
Pas vus : Model Shop (1968), L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune (1973), La naissance du jour (1980, téléfilm), Une chambre en ville (1982), Parking (1985), Trois places pour le 26 (1988)
A vous d'apporter d'autres points de vue...
Commentaires
Je crains que mon commentaire ne soit très proche de ta note. En lisant les articles de notre ami, le bon Dr, je me suis rendu compte que j'avais arrêté Demy au début des années 70 et que pour des raisons de hasard, je n'ai vu aucun de ses films plus récents. par contre j'ai vu tout le reste. s'il faut hiérarchiser, je mettrais ses trois collaborations musicales avec Deneuve en tête, ces trois films ayant beaucoup fait pour la passion que je voue à la reine Catherine. Le troisième, je n'en ai qu'un lointain et agréable souvenir, pareil pour "Le joueur de flûte".
"Lola et "la baie des anges" viendraient ensuite, puis sensiblement moins apprécié, "Model shop".
Il ne me reste plus qu'à combler mes lacunes ce sera bientôt chose faite avec "Une chambre en ville". A suivre.
Écrit trop vite. Le "troisième au lointain souvenir", c'est leur quatrième collaboration, non musicale, "L'évènement...".
Merci beaucoup pour les compliments, mon cher Ed, tu me flattes beaucoup.
S'il fallait donc faire un bilan de cette merveilleuse intégrale, je distinguerais volontiers quatre chefs-d'oeuvre absolus :
**** : "Lola", "les parapluies de Cherbourg", "les demoiselles de Rochefort" et, sans doute mon préféré "Une chambre en ville"
Ensuite :
*** , le merveilleux "Peau d'âne" (presque 4 étoiles mais c'est pour le distinguer du quatuor de tête), les films les plus secrets du cinéaste "La baie des anges" et "Model shop" ainsi que "Trois places pour le 26" que je trouve un peu sous-estimé. Dans cette catégorie, j'ajoute volontiers le très beau premier court-métrage de Demy "le sabotier du Val de Loire".
** : Pour les films un peu bancals "le joueur de flûte", "Lady Oscar", "Parking", "la naissance du jour" et les courts-métrages un peu moins marquants : "Ars", "le bel indifférent" et le sketch des "Sept péchés capitaux" : "la luxure".
* : une petite étoile pour le seul film que j'estime raté du cinéaste : "l'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune"....
Mais sincèrement, Vincent et toi (et tous les autres lecteurs qui n'ont pas eu l'occasion de le voir), je vous conseille de découvrir "Une chambre en ville" (Dominique Sanda nue sous un manteau de fourrure tout le long du film, ça ne vous tente pas??)
Bonjour... "Nightswimming".
Petit complément à ma réponse toute récente au "cher Docteur" (sur 3 places pour le 26), et en guise également de premier comm ici (nonobstant, ma sincère sympathie pour votre blog, etc.).
La question "demyphile" (ou autre "-phile") me paraît très intéressante. En somme, qu'est-ce qui compte après tout ? Le plaisir procuré par des films conçus isolément, parfois avec moult vicissitudes, ou l'ensemble d'une démarche de création ?
Si on aborde les films au coup par coup (le côté "Positif"), de mon point de vue "purement égoïste et personnellement subjectif", Demy ne pèse pas lourd ; puisque je pourrais en toute bonne foi l'écarter aisément d'un revers de la main. Traîneront seulement, au coin d'une étagère de dvd-thèque : Peau d'âne, Une chambre en ville, Les Demoiselles de Rochefort ; étant pratiquement certain de ne jamais les re-visionner sur un écran de téléviseur !
En revanche, si on s'attarde sur l'auteur (le côté "Cahiers", voire "Orlof"), c'est un cinéaste passionnant : très habité (il a des "démons"), très sensible (à son époque aussi), un peu dérangé, peut-être même infréquentable... Son style est maladroit, certes, voire paresseux ; pourtant, c'est sans doute son côté le plus attachant. Si on peut sentir de la malice, on ne peut pas déceler chez lui le moindre cynisme - qui fait généralement le sel des films "réussis".
Disons que c'est une première approche...
Bonne continuation.
Ah, enfin ! J'ai fini l'intégrale il y a peu et voici donc mon classement à moi (par ordre de préférence à chaque fois):
**** Les demoiselles, Les parapluies, Une chambre en ville
*** Model shop, Lola, Peau d'âne, 3 places pour le 26, Le joueur de flûte, Lady Oscar, Le sabotier du Val de Loire, La luxure
** L'événement..., Ars, La naissance du jour, Le bel indifférent, Parking
Merci!
Vincent : Etrangement, quand je pense à Deneuve, ce ne sont pas ses rôles chez Demy qui me viennent à l'esprit en premier, même si je les aime beaucoup. Plutôt Belle de jour, Tristana ou Répulsion. Idem pour sa soeur : il y a d'abord Cul de sac. C'est sans doute parce que chez Demy, on entre moins dans la tête des personnages, c'est moins "centré" et il y a tellement d'autres choses autour.
Doc : Sincèrement, c'était fort intéressant de voir ainsi se dégager les constantes et les clins d'oeil d'une oeuvre à l'autre en te lisant. C'est l'avantage de tout (re)découvrir en quelques jours. Sinon, bien évidemment que, pour répondre à ta question finale, cela me tente. Je pourrai presque dire que cette histoire de manteau de fourrure me hante depuis que j'ai lu ta chronique.
Père Delauche : Pour un premier com', on peut dire que vous touchez juste, car c'est exactement le but (modeste) de cette petite chronique régulière des "Etes-vous..." que d'interroger ce qui reste chez chacun de telle ou telle oeuvre de cinéaste. J'aime bien voir ainsi comment mes camarades cinéphiles se positionnent face à des filmographies de réalisateurs que les revues ont tendance, avec le temps, à rendre intouchables jusque dans leurs plus flagrantes faiblesses. Disons que Positif, les Cahiers et les autres peuvent parfois, en se cantonnant à l'actualité, exprimer des réserves sur le nouveau film d'un auteur admiré (et inversement), mais dès qu'ils se tournent vers le passé d'un grand cinéaste, tout s'embellit et le moindre petit titre est tiré vers le haut grâce à la permanence d'une thématique ou d'un style. La distinction que vous faîte est bien sûr assez juste, mais il me semble que Positif aussi tombe quelque fois dans ce travers à l'occasion de leurs dossiers.
Il me semblait donc que mon petit exercice permettait de mêler les deux approches et pouvait offrir l'occasion à mes lecteurs et à moi de bousculer un peu les hiérarchies établies.
Pour Demy précisément, l'éloignement et l'ignorance de certains titres m'empêchent d'avoir un regard sur l'oeuvre aussi précis que le vôtre ou celui d'Orlof.
Un détail enfin : il me semble au contraire que "Les demoiselles..." est justement le type de film que l'on aime à revoir, même par petits bouts. J'ai allumé ma télé l'autre jour et suis tombé par hasard sur un sujet de 2 ou 3 minutes autour du film (c'était dans l'émission Thalassa) et je suis resté scotché jusqu'à ce qu'ils changent de sujet.
Bref : bienvenue à vous...
Anna : Ce "enfin !" fait plaisir à lire.
J'espère que nous aurons droit à quelques notes autour de cette intégrale sur Goin' to the Movies...
Quand je pense à Deneuve, je pense à un tas de choses (mais toujours très correct, hein). A ceux que tu cites, à son travail avec Truffaut, ses films en Italie, ceux avec Rappeneau, le Garrel... je crois que ses rôles avec Demy, "Les parapluie... " et "Peau d'Âne" surtout, ont beaucoup fait pour son image, pour la sublimer "de l'étoffe dont sont faits les rêves". Sinon, je suis d'accord sur ce que tu écris à propos des "Demoiselles". Avec le DVD, c'est un de ces films que je peux prendre un soir et me regarder une ou deux séquences comme on relit un passage ou un poème dans un recueil.
Nous aurons l'occasion de revenir sur Demy, j'ai "Une chambre en ville" sous le coude. A moi le manteau.
Bonsoir Ed, je suis peu "demyphile" sauf bien évidemment Peau d'âne d'abord et avant tout et pas grand chose d'autre. Les demoiselles de Rochefort aussi parce Françoise Dorléac a beaucoup manqué au cinéma français (je la trouvais plus talentueuse que sa soeur). Bonne soirée.
j'adore Demy, avec Melville un des rares exemples d'éclatante réussite dans le cinéma de studio à la française, un des rares à oser le lyrisme jusqu'au bout aussi. Ses meilleurs films (parapluies, demoiselles, chambre en ville) me bouleversent complètement.
Je n'ai vu que quatre Demy mais je tiens à dire que je en comprends absolument pas votre attachement à Orlof, toi et Vincent pour Les demoiselles de Rochefort, infiniment inférieur par rapport aux Parapluies de Cherbourg qui reste, à mon avis, son plus grand chef-d'œuvre. Que les demoiselles sont mièvres et fades à côté !
4* : Les parapluies
3* : Lola
2* : Peau d'âne
1* : Les demoiselles
Julien, puisque tu déclasses "Les demoiselles", je pars en perm' à Nantes.
Vincent, tant que tu continues à alimenter ton excellent blog ciné, ça me va !
Dasola : J'adore également Françoise Dorléac, mais Catherine Deneuve, ne serait-ce que pour les années 60, c'est quand même quelque chose... Merci pour le passage et l'avis à contre-courant.
Christophe : D'accord avec vous sur Melville, mais les films de Demy que je connais le mieux (Rochefort,Peau d'Âne...) puisent justement l'une de leurs forces à être tournés essentiellement au grand air ou dans des décors réels. Pour les autres, je ne sais pas...
Julien : Le jugement que tu portes sur Les demoiselles, je n'irai pas jusqu'à le retourner contre Les parapluies, mais dans mon souvenir, ce dernier est plus statique, plus affecté que l'autre. Bon, c'est un peu trop loin dans ma tête pour pousser plus loin la comparaison.
Vincent : Reste plutôt chez toi pour nous parler plus tard d'Une chambre en ville. Car je te rappelle que pour aller à Nantes, tu en auras pour une bonne dizaine d'heures de train !
Je n'aime pas les comédies musicales, mais " Une Chambre en ville" m'avait plu surtout à cause du contexte social venant croiser la légèreté du propos. Et la présence de Dominique Sanda, une de mes actrices préférées.