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Peau d'Âne

(Jacques Demy / France / 1970)

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2054985958.jpgPeau d'Âne vieillit bien. Ou plutôt, Peau d'Âne a arrêté de vieillir, depuis la dernière fois. La fantaisie de Demy capte toujours l'attention des gamins, ce qui, après tout, est le principal.

Le film est à la charnière de l'oeuvre, entre les belles années 60 que l'on sait et la deuxième période, plus difficile pour le cinéaste (de ces années-là, je ne connais personnellement que les agréables mais mineurs Joueur de flûte, 1972, et Lady Oscar, 1978). Le fossé séparant l'argument chanté et merveilleux et le cadre très réaliste commence à devenir grand. Ainsi, costumes colorés, décors fleuris et autres objets détournés ont parfois du mal à se fondre dans les pierres bien réelles du Château de Chambord. En revanche, dès que l'on suit la barque ou le carrosse de Peau d'Âne pour s'enfoncer dans la forêt, la magie du conte opère pleinement.

La troupe de comédiens réunie par Demy est royale, chacun se pliant toutefois plus ou moins bien aux contraintes de l'esthétique imposée par le cinéaste. Jean Marais est le plus mal loti au niveau des habits et accessoires. Fernand Ledoux a plus de chance avec sa barbe pleine de fleurs. Delphine Seyrig, l'actrice à l'image la plus sophistiquée, se retrouve en fait avec la garde robe la plus simple. Sa diction suffit à créer l'étrangeté mutine de la fée. Jacques Perrin fait un jeune prince crédible et charmant. Catherine Deneuve est sans doute encore plus belle en souillon qu'en princesse.

On apprécie que Demy limite les gags récurrents enfantins au perroquet reprenant la chanson "Amour, amour..." et use d'effets très simples mais très beaux pour les scènes fantastiques (la transformation progressive du carrosse en charrette de paysan ou la traversée dans une course au ralenti de la cour de la ferme par Peau d'Âne, au milieu des ouvriers figés). L'humour du film est lui aussi très simple et plaisant, à l'image de cette vieille sorcière qui crache des crapauds. Si Peau d'Ânetient donc encore le coup, c'est grâce au trouvailles de Demy, à ses interprêtes et, toujours, à la musique de Michel Legrand, archi-connue mais toujours délectable.

Commentaires

  • Très beau film de Demy que j'aime énormément. Le cinéaste adapte Perrault mais on le sent surtout sous l'influence de Cocteau (J.Marais, les effets spéciaux dont tu parles...).
    Pas de second degré, une croyance indéfectible dans la puissance d'émerveillement du cinéma, des acteurs splendides (mention à la sublime et inoubliable Delphine Seyrig) et même pour les chipoteurs de mon espèce, le thème récurrent chez Demy de l'inceste! C'est du bonheur...

  • Ah, ce commentaire, doc, me fait doublement plaisir. D'une part parce que nous sommes d'accord. D'autre part parce qu'il me permet d'aborder le problème des conditions dans lesquelles on voit un film. Sans doute devrions-nous insister plus souvent là dessus dans nos blogs. Cela renforcerait la subjectivité et préviendrait d'un travers dans lequel j'ai toujours peur de tomber : l'imitation de la critique professionnelle ou, pire, sait-on jamais, l'impression d'avoir affaire à quelqu'un qui se rêve ou s'est rêvé critique (ce qui n'est absolument pas mon cas, ni cinéaste d'ailleurs).
    Pour Peau d'âne donc, je l'avais revu une première fois en salles, avec ma femme, il y a une bonne dizaine d'années. Je l'avais ressenti comme un film très personnel de Demy, le voyant comme un conte qu'il s'était entièrement réappropié et j'avais été très marqué par le thème de l'inceste dont tu parles.
    Ce week end, par contre, il était projeté dans le cadre d'un festival jeune public. Nous y étions donc avec mon fiston. Tout en jetant des coups d'oeil pour voir ses réactions, j'ai apprécié le film cette fois-ci pour son premier degré justement, sa simplicité, sa croyance, le thème de l'inceste me passant au-dessus de la tête.
    Voilà aussi peut-être, le secret de la longévité de ce genre de films : les différents niveaux de lecture que l'on peut en avoir.

  • Oui, un beau film, frais et simple, qui sait séduire la fois les parents et les enfants. Et je vous rejoins tous deux pour dire combien Delphine Seyrig était une actrice remarquable, à la voix ô combien envoutante.

  • Je n'ai jamais douté que vous soyez tous deux des hommes de bon goût ! Deneuve, Demy, Seyrig, Legrand, c'est le bonheur.
    Votre échange m'interpelle, d'une part parce que j'avais à peine vu cet histoire d'inceste lorsque j'avais découvert le film, d'autre part parce que ça fait partie des films que j'ai très envie de montrer à ma fille qui n'a encore que deux ans. Du coup je m'interroge. Finalement, la note d'Ed m'a décidé à lui en montrer un morceau, la confection du cake d'amour. Je verrais ce qu'elle en a retenu demain.

  • J'ajoute pour Neil, s'il ne le sait pas, que dans le CD du film, il y a la version chantée par Seyrig de la chanson "Mon enfant, on épouse jamais ses parents, on dit que traditionnellement..." etc.

  • Vincent, mon fils a bientôt 6 ans (pas toujours facile d'ailleurs de choisir quel film montrer et à quel âge) et il a apparemment bien apprécié, bien qu'il préfère toujours Charlot. Peau d'Ane doit surtout marcher très fort auprès des filles.

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