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Los muertos

(Lisandro Alonso / Argentine / 2004)

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364006607.jpgOn entre dans Los muertospar un beau plan sinueux qui, dans l'épaisseur d'une forêt tropicale, nous laisse entrevoir deux corps ensanglantés puis une silhouette d'homme tenant une machette à la main. Promesse d'une tragédie fiévreuse ? Que nenni. De toute évidence, nous sommes bel et bien en présence de l'un des champions de l'Internationale Auteuriste, mouvance proposant des oeuvres radicales à la narration dégraissée jusqu'au néant et ayant pour chefs de file le thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le portugais Pedro Costa ou le mexicain Carlos Reygadas (n'écoutant que mon courage, je découvrirai bientôt, de ce dernier, Japon). Toujours fort de qualités plastiques indéniables, ce cinéma-là commence à devenir tout aussi prévisible que le versant classique auquel il est censé s'opposer. Dans Los muertos, au bout de vingt minutes, nous avons ainsi droit à l'inévitable séquence sexuelle filmée dans toute sa crudité, s'arrêtant comme elle a déboulé, de manière abrupte entre deux plans contemplatifs. Autre geste de cinéaste censé authentifier la radicalité de l'ensemble : filmer un rituel in extenso. Ici, on voit longuement le héros attraper, tuer et vider une chèvre. Bon manque de bol pour moi, j'ai déjà vu faire ça dans la famille, à la campagne. C'était sur des moutons, mais les gestes sont les mêmes. L'intérêt documentaire se révèle donc nul.

Avec ce choix de ne filmer que des temps morts, le semblant d'intrigue de Los muertosa finalement peu d'importance. Vargas, le personnage principal, sort de prison et désire retrouvé sa fille, vivant dans un coin difficile d'accès. Il voyage principalement en remontant en barque une rivière calme. Le film a pour lui une courte durée (80 minutes), un acteur à la présence intrigante, jusque dans ses tics gestuels, un cadre de verdure somptueux, une simplicité et une chaleur appréciable dans les rares rencontres que le récit réserve à Vargas. La fin de ce film sans musique est forcément ouverte et est accolée à un générique sur fond de rock bruitiste industriel. Les bras nous en tombent, pris entre la stupéfaction devant un procédé aussi incongru et le sentiment du foutage de gueule.

Sinon, pour découvrir vraiment le nouveau cinéma argentin, mieux vaut passer par Pablo Trapero ou Martin Reijtman.

Commentaires

  • Quelque part, l'élève a dépassé le maître puisque cette chronique ressemble comme deux gouttes d'eau à la diatribe annuelle de Michel Ciment contre le "film radical de la sélection" dans le Positif "Spécial Cannes". Et à mon humble avis, il est quand même largué sur ce type de cinéma, qui va effectivement contre tous les usages attendus. Je n'adore pas spécialement "Los Muertos" (en tous cas, je l'aime moins que les films d'Apichatpong Weerasethakul ou Pedro Costa) mais ça reste un film intéressant que je ne balaierais pas comme ça d'un revers de la main. Ca fait presque quatre ans que je l'ai vu et il y a des séquences et un rythme que je n'ai pas oublié. J'aime surtout son alliance des contraires et sa façon d'instiller, dès le premier plan, un sentiment de violence démenti par la quiétude du reste du film.
    Quoi qu'il en soit, j'ai, grâce à toi, maintenant très envie de voir "Limite" dont je veux bien croire que le voyage en barque est plus abouti. Je confirme aussi que El Bonarense est sans doute l'un des tous meilleurs films de la "nouvelle vague argentine".

  • Ach! Je n'ai pas vu "Los Muertos" mais si l'on attaque Apichatpong Weerasethakul, je montre les dents! "Tropical malady" et "Blissfully yours" sont les films les plus fascinants qui soient!

  • Il faudrait que je fasse appel à un exorciste, pour que Michel sorte de mon corps.
    Oui, j'ai relu après avoir vu le film la critique dont tu parles Joachim. Elle est encore plus vigoureuse que la mienne mais j'en partage effectivement la plupart des griefs sur ce film précisément. Mais bon, contrairement à Ciment, je ne désespère pas. Il faut que je tente le Reygadas maintenant. Pour Pedro Costa et ma position écartelée sur ses différents films, nous en avons déjà parlé. Pour ce qui est de Weerasethakul, inutile de mordre Doc, j'aime bien "Blissfully yours" : passée la première partie qui m'a laissé sceptique, dès qu'arrive le générique (après 30 minutes), un autre film commence avec des plans magnifiques et une belle tendresse. Je n'ai pas vu "Tropical malady".
    Bon, derrière tous ces jolis mots, pour nous qui n'avons aucun intérêt à tenir fermement une posture critique dans l'optique d'une lutte d'influence, il y a tout simplement le problème de l'ennui, avec lequel chacun a un rapport particulier...

  • Ce film me rappelle plusieurs choses. Je l'ai vu au Forum des images aux Halles à Paris avant sa fermeture pour travaux. C'était dans le cadre de la rétrospective de la Quinzaine des réalisateurs. Et dans la salle, deux rangs devant moi, il y avait une actrice que j'adore : Dominique Blanc accompagnée de Véronique Silver. Pour en revenir à ce film qui est quand même une expérience, à part la scène du dépeçage de la chèvre (pauvre bête), il y a aussi l'enfumage des abeilles. J'ai été impressionnée. L'homme qui joue est non professionnel. Les dialogues sont pratiquement inexistants. La fin est brutale et on peut s'attendre au pire. Je n'avais vraiment pas regretté de voir ce film et comme je le dis souvent, c'est bien que ce cinéma existe.

  • Tout à fait Dasola, heureusement que ce type d'objet cinématographique existe. Cela dit, ce n'est pas parce que c'est radical et que ça vient de loin, qu'on doit s'obliger à l'aimer (rassure-toi, je ne dis pas ça à ton encontre, c'est une remarque générale). Ma note passe sans doute comme trop négative. Est-il nécessaire de préciser que ça reste un film bien plus intéressant que la moité de tout ce qui sort chaque semaine sur les écrans ?
    De plus, j'imagine que tu l'as vu à l'époque sans idée préconçue, alors que moi, j'en attendais quelque chose avec les 2 T (ou même 3, je sais plus) que mettait Télérama (bon, j'ai qu'à pas lire Télérama aussi, mais je vais quand même pas acheter Télé7jours pour avoir le programme...). A bientôt.

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