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Chéri

(Stephen Frears / Grande-Bretagne / 2009)

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cheri.jpgFred, surnommé Chéri, est un jeune homme nageant dans les eaux d'un demi-monde aisé, celui des courtisanes vieillissantes de la fin de la Belle Époque, dont fait partie sa mère et sa protectrice favorite, Léa. Cette dernière passe bientôt du statut de "marraine" de Chéri à celui de maîtresse. Malgré la différence d'âge, la liaison est passionnée et semble indestructible, jusqu'à l'annonce d'un mariage arrangé qui sépare les deux amants avant des retrouvailles douloureuses. Christopher Hampton adapte Colette pour Stephen Frears et Michelle Pfeiffer joue Léa. Le trio des Liaisons dangereuses est ainsi reformé. J'ai eu beau chercher, je n'ai trouvé à Chéri absolument aucune des qualités du beau film d'il y a vingt ans...

Dès le début, Frears tâtonne pour trouver le ton qui convient. Un narrateur invisible (le cinéaste lui-même) pose une voix ironique sur une intrigue pourtant restituée dans toute son intensité. Pendant une bonne moitié du métrage, la mise en scène ne fait que se caler sur des dialogues si spirituels. Le découpage ne réserve pas la moindre surprise, soulignant chaque bon mot d'un gros plan carnassier. Tout cela n'est rien d'autre que du théâtre en boîte.

Il faut un certain temps pour saisir le véritable sujet de Chéri : celui de la peur du vieillissement. De ce point de vue, une séquence comme celle de la réunion des vieilles courtisanes croulant sous les bijoux et les perruques devrait libérer une cruauté réelle ou une morbidité carnavalesque alors qu'elle ne prend finalement que la forme d'une saynète boulevardière. Le temps qui passe et l'angoisse qui l'accompagne sont supposés se refléter sur le corps et le visage de Léa. Trop respectueux de son actrice principale, Frears multiplie les caches et les cadrages étudiés afin de ne pas trop en montrer. En 90 minutes, je ne fus saisi d'aucun trouble devant Miss Pfeiffer, un comble... En contrepoint, Kathy Bates fait son numéro habituel, insupportable de cabotinage. Rupert Friend est le jeune premier, fadasse.

Chéri n'est pas plus passionnant dans sa seconde partie, plus mélancolique et moins dialoguée. Incapable de faire passer la moindre émotion, Frears en est réduit à insérer des flash-backs subliminaux et nostalgiques entre deux gros plans sur des visages affligés et à bien nous faire entendre la Pfeiffer murmurer "Reviens" lorsque Chéri s'éloigne pour la dernière fois en contrebas de l'immeuble et hésite à se retourner.

Entre deux réussites, les ouvrages mineurs du cinéaste étaient jusqu'ici au moins sauvés par leur charme et leur vitalité. Dépourvu de tout intérêt, Chéri est, assurément, le plus mauvais de tous.

Commentaires

  • Salut Ed !

    Plutôt d'accord. Quelques réactions cependant à tes propos...

    "J'ai eu beau chercher, je n'ai trouvé à Chéri absolument aucune des qualités du beau film d'il y a vingt ans [Les Liaisons dangereuses]"
    - Là, il veut vraiment faire autre chose...

    "la mise en scène ne fait que se caler sur des dialogues si spirituels"
    - Disons que le réalisateur a fait une adaptation... "littérale".

    "le véritable sujet de Chéri : celui de la peur du vieillissement."
    - Ou, comment un certain cinéma (si je dis "de compromis", on va encore me le reprocher :-) en a peur (ou préfère le "maquiller")...

    "Frears multiplie les caches et les cadrages étudiés afin de ne pas trop en montrer. En 90 minutes, je ne fus saisi d'aucun trouble devant Miss Pfeiffer, un comble..."
    - Le film est une sorte de parure toute entière pour la vedette féminine. On peut dire que Frears a voulu faire un "film de toilettes" - de tenues vestimentaires, hein !

    "Entre deux réussites, les ouvrages mineurs du cinéaste"
    - Plutôt "entre plusieurs ouvrages mineurs, quelques réussites" ;-DDD

    "Dépourvu de tout intérêt, Chéri est, assurément, le plus mauvais de tous."
    - Mais alors, bien talonné par "Mrs. Henderson Presents"...

    A+

  • Oui bien sûr qu'il a essayé de faire autre chose, il n'y a qu'à voir le ton adopté (et mal assuré).
    "Cinéma de compromis", ça va plutôt bien avec ce film, qui n'est au final, ni émouvant, ni cruel.
    Quelques réussites, oui, mais j'en vois bien 5 ou 6, ce qui n'est pas si mal. Même "The Queen" m'avait agréablement surpris. Je ne déteste pas "Mrs. Henderson", mais c'est vrai que c'est limite...

  • Je te conseillerais plutôt Tokyo Sonata en ce moment si tu as deux heures à gagner...

    Sinon, je suis passé ici pour te dire, en substance, ceci : je vais publier d'ici deux jours ma liste des 25 meilleurs films noirs de tous les temps et j'aimerais que tu y participes, si tu en as le temps et l'envie.
    Je fais suivre à Dr Orlof et à Vincent, si tu connais d'autres blogueurs susceptibles de répondre à ce type de liste, merci de leur faire suivre la requête.

    Amitiés cinéphiles,
    Julien.

  • C'est noté, Julien, pour Tokyo sonata et pour la liste.

  • Merci Ed, et je viens de réaliser aujourd'hui que tu avais laissé un commentaire sur The big combo !... Tu es un des rares à l'avoir vu celui-là, quelle pépite, quelle merveille !!!

  • bonjour,
    Ce beau film d'il y a 20 ans, les liaisons dangereuses, pêchait peut-être parce que Valmont, virtuose du double jeu, obligeait Malkovitch à faire se succéder l'air amoureux pour Tourvel, et l'expression cynique pour Merteuil et le spectateur.

    Dans "Chéri", le livre de Colette, on égratigne en finesse, on mord en douceur, on masque les sentiments pour cacher l'angoisse. Voilà qui demande une finesse de touche dont je crains Stephen frears incapable. D'où le conseil des critiques : lisez donc le livre !
    http://grain-de-sel.cultureforum.net/auteurs-francais-et-d-expression-francaise-f3/colette-t1913.htm?highlight=colette

  • Rotko : A ce que vous dites du livre de Colette, on voit effectivement ce que Frears a raté. Il n'est pas parvenu à mêler deux registres, il n'a fait que les superposer maladroitement. Quand aux "Liaisons...", le film m'avait donné l'envie de relire le livre en dehors du cadre scolaire, ce qui est un exploit ! A l'époque et puisque les deux se faisaient concurrence, j'avais trouvé le Frears très supérieur au Forman.

    Julien : Et oui, "The big combo", c'est une sacrée claque...

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