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L'emmerdeuse blonde

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Catherine Deneuve a-t-elle jamais été aussi blonde que dans Le Sauvage, l'agréable comédie de Jean-Paul Rappeneau (meilleure que me le laissaient croire de vagues souvenirs) ? Est-ce le bronzage ou la nature luxuriante qui réhausse ici cette blondeur ? Toujours est-il que ses cheveux y sont si blonds qu'ils tirent presque, par moments, vers le blanc (quand ils ne sont pas mouillés, bien sûr : là, ils brunissent par endroits et se chargent de tout leur poids, donnant à voir des changements de forme et de couleur aussi spectaculaires que les revirements émotionnels du personnage).

Cette blondeur/blancheur éclate et éblouit comme une glace reflète soudain le soleil à la faveur d'un mouvement imprévu et nous brûle la rétine. Yves Montand, lui, veut rester seul, ne pas être dérangé sur son île déserte et vivre tranquillement son fantasme de robinsonade. Seulement, ce reflet blond n'arrête pas de surgir et de le faire sursauter, ce reflet ou ce qui signale sa présence : la voix qui résonne tout à coup, un moteur qui démarre... Ne pas porter son regard sur l'emmerdeuse blonde est impossible tant celle-ci attire l'attention, l'exige même. Le problème pour Montand, c'est que, à la regarder, l'aveuglement est assuré, parfois pour des semaines (très joli passage de la révélation de l'ellipse de la construction du radeau, lorsqu'il lui répond qu'il a eu la grippe la semaine passée : on réalise alors par cet échange qu'ils ne se sont ni parlé ni croisé pendant plusieurs jours, bien qu'ils vivent l'un à côté de l'autre !). Il arrive pourtant que l'intensité lumineuse baisse. Lorsque Deneuve sort de l'eau et se hisse, trempée, sur le ponton, elle se trouve plongée dans le rouge orangé du soleil couchant derrière elle, belle image de carte postale. Seulement, Montand refuse alors de la voir. Excédé qu'il est par la perte de son bateau, il se barricade, ferme les yeux en même temps que tous les volets de sa maison.

Le Sauvage, c'est l'histoire d'un couple qui se forme en s'écharpant, histoire que l'on aimerait d'ailleurs délestée de toute autre présence, les récits naturels, inconséquents, lâchés comme en passant, tête blonde en l'air, de ses aventures d'antan par Deneuve se suffisant à eux-mêmes. Le sauvage, c'est surtout cette folle crinière blonde qui ne cesse de s'agiter sur le fond vert des plantes et des arbres exotiques. Moins mince que ne l'était sa sœur onze ans plus tôt quand elle tournait L'homme de Rio avec Philippe De Broca, Catherine Deneuve impose sa présence avec toute l'énergie et la franchise nécessaires. Sur le jaune du sable ou le bleu de l'océan se dessinent ses courbes, silhouette rendue plus nette et attirante encore par les chemises régulièrement mouillées et entrouvertes, qu'elle ne tarde d'ailleurs pas trop, pour notre bonheur, à enlever. L'éblouissement ne tient donc pas seulement au jeu, déjà précieux, de la chevelure.

Peu vraisemblable apparaît le dénouement dans une communauté de campagne mais l'important est ailleurs. Les cheveux de Deneuve sont maintenant recouverts d'un chapeau de papier. Seules quelques boucles s'en échappent sur les côtés, comme un piquant rappel. Montand revient à elle. Nul doute qu'elle saura par la suite l'habituer progressivement à supporter la vue de sa fabuleuse blondeur.

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Commentaires

  • Joli texte pour un film peut-être moins joli ? En fait je ne tiens pas devant ces films-là. Sans compter que Deneuve, même si elle enlève le haut, affiche cette blondeur platine qui fait le sel de ton texte mais qui personnellement me rebute et, trouve-je, lui ôte une grande partie de son charme. Ce blond exagéré serait moins le symbole du pouvoir d'aveuglement et d'envoûtement qu'elle exerce sur Montand que celui du tape-à-l'oeil lassant de certains films de Rappeneau, celui-ci compris. Mais comme je ne tiens pas devant ces films, je m'en tiendrai là. Joli texte quand même.

  • Peut-être n'est-ce pas comme cela qu'on la préfère effectivement (bien que, personnellement, je la trouve tout à fait remarquable dans ce film aussi). Peut-être que l'on ne se rappelle pas qu'elle fut à ce moment aussi blonde. Mais cette éclat n'a rien d'artificiel. D'ailleurs, on le trouve un peu avant dans l'excellent "Liza" de Ferreri, cet autre "film de plage" (et de chemises mouillées). Mes souvenirs me trahissant quelque peu, il me surprend mais il ne gâche nullement mon attachement à l'actrice.

    Quant au cinéma de Rappeneau, il recèle des détails qui, tel celui-ci, peuvent "taper dans l'œil", mais je ne le qualifierai pourtant absolument pas de "tape-à-l'œil". Je ne pense pas que le cinéaste s'intéresse à "l'effet", mais plutôt au mouvement général de ses séquences et de ses films. Cinéaste du mouvement, de la fluidité et de la continuité (ce qui me plaît beaucoup chez lui, c'est par exemple que les bagarres, les poursuites sont le plus souvent filmées et montées en des plans longs qui donne le sentiment de l'action "vraie").

    Cela dit, je ne tiens pas "Le Sauvage" pour l'un de ses meilleurs films. C'est selon moi, avec "Les Mariés de l'an II", son "moins bon" (cependant, de sa filmo, il me reste encore à voir "Tout feu tout flamme"). Mais comme c'est déjà de très bonne tenue, cela veut dire que le reste, dans le genre "comédie/action/histoire populaire français", est ce qui se fait de mieux.

  • En fait je connais assez mal son cinéma, je me basais surtout sur ses derniers films, et un film comme "Bon voyage" par exemple me semble non seulement assez mauvais mais très "fabriqué", un brin pompier, tout sauf "vrai", y compris dans l'action, et même s'il se planque derrière une relative mise en abyme avec le personnage d'Adjani qui joue une actrice...

    Je dis ça mais je ne déteste pas non plus franchement ce cinéaste. "Le Hussard sur le toit" se regarde (et pas uniquement pour la scène de frictionnage de Juliette Binoche).

    Plus globalement j'ai du mal avec ces films populaires français d'aventure et de plage, avec le baroudeur à barbe courte et la blondasse un poil connasse. Je n'aime pas du tout De Broca.

  • Dans ce genre populaire, qui n'est pas non plus ma tasse de thé, Rappeneau est pour moi l'exception (exception qui s'est vérifié à chaque fois, en ayant vu ses films sur une longue période). Je ne reviens pas sur ma note de l'autre jour qui résumait mes sentiments : tout ce que j'apprécie chez Rappeneau se transforme en défauts chez De Broca. Je dois être l'un des rares à trouver "Le Sauvage" supérieur à "L'Homme de Rio".

    "Bon voyage", vu en salles à sa sortie, puis un peu plus tard à la TV m'a emballé. J'y retrouve une sorte de "secret perdu" de la comédie de la grande époque, y compris hollywoodienne, avec ce sens de la précision et la concision de la mise en scène, son rythme rapide mais toujours lisible. Pour revenir sur le terme, l'action me semble "vraie" car découlant de la logique des gestes et de la seule marche en avant des personnages (non de l'arbitraire scénaristique).

    "Le Hussard", ce n'était pas gagné non plus sur le papier, avec ses apparitions de "guest stars", le rôle principal donné à Martinez etc. Bien que pris avec des pincettes par la critique de l'époque, je l'ai trouvé remarquable, notamment par le souffle qui le traverse, l'impeccable direction des foules et, encore, des actions. Sans même parler de Binoche...

  • Je connais assez mal Rappeneau et je compte regarder le Sauvage prochainement mais Bon Voyage fut pour moi une excellente surprise ! Je l'ai trouvé bien supérieur au Hussard dont j'ai gardé un souvenir mitigé.

  • J'ai été aussi émerveillé par ces couleurs et par Deneuve dans toutes ces couleurs.

    Mais n'est-ce pas une version nettoyée qui est passée ces jours-ci à la télé ? En revanche, je ne crois pas que ce soit la version remontée qui était passé à Cannes il y a quelques années (2010 ?).

  • Nolan : J'avais de mon côté vraiment apprécié "Le Hussard", même si "Bon voyage" lui est légèrement supérieur.

    Benjamin : Je ne pourrais répondre à cela. Je sais seulement que le film est resorti en salles à l'automne 2011 (à la suite de sa présentation cannoise ?). Est-ce cette même version qui a été diffusée ? Je n'en sais rien.

  • Bonjour Edouard, texte enlevé sur une comédie qui une jolie réussite (j'ai revu le film en DVD très récemmment) Et oui la brune Catherine Dorléac est une blonde Deneuve assez irrésistible en emmerdeuse face à Montand excellent. Bon dimanche.

  • Je ne me souviens pas tant que ça du film, découvert l'an passé il me semble lors d'une ressortie en salle. Mais c'était joyeux, et je pense aussi de bien meilleure tenue que bien des tentatives franchouillardes actuelles (il devait cependant y en avoir de bien terribles à l'époque aussi).
    Mais, Deneuve... ahhh... même si je suis globalement plus épris d'elle depuis les années 90... je ne doute pas que je reverrai ce film au moins pour elle. Un vrai plaisir de lire votre regard sur sa chevelure et sa blondeur singulière dans ce film.

  • Merci D&D. Voir le film sur grand écran doit ajouter au plaisir... et à l'éblouissement. Quant aux comédies de cette époque, les années 70, il n'y a qu'à prononcer le mot "bidasse" par exemple, pour se rappeler que la qualité comique n'était alors pas forcément la chose la mieux partagée.

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