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amenabar

  • Le Tsar & Agora

    (Pavel Lounguine / Russie / 2009 & Alejandro Amenabar / Espagne / 2009)

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    Un bref survol de deux films décevants pour ma dernière note festivalière :

    tsar.jpgAvec Le Tsar, Pavel Louguine tente un pari ambitieux, celui de dénoncer le despotisme à travers la figure bien connue d'Ivan le Terrible (1530-1584). S'attachant à décrire quelques mois, parmi les plus violents, du règne de ce dernier, il veut à la fois nous plonger dans une ambiance de terreur mystique et proposer une réflexion sur le pouvoir absolu. Ainsi a-t-on connaissance de diverses intrigues de cour, plus ou moins passionnantes, sans grande surprise la plupart du temps, tant le point de départ du récit paraît vérouillé (un grand religieux, ami du tsar, tente d'infléchir la politique destructrice d'Ivan, jusqu'àu sacrifice).

    Le style de Louguine est porté par une volonté de puissance qui, si elle peut donner ici ou à quelques éclats, devient vite épuisante, complaisante face au spectacle de la violence et empesée lorsqu'il s'agit d'illustrer la confrontation maladive du tyran avec Dieu (ou les fantômes qu'il lui envoie). La mise en scène de la barbarie est plutôt source de confusion, les acteurs sont unanimement grimaçants et gueulards, la photographie de Tom Stern baigne la moitié des scènes dans une pénombre que l'on croise maintenant dans chaque film "crépusculaire".

    "Où est mon peuple ?" se lamente au final le Tsar. La question peut se doubler de celle-ci : "Mais ce peuple, Louguine l'a-t-il filmé ?". Bref, l'objet n'est pas insignifiant mais il n'est guère appréciable.

    agora.jpgPlus navrant encore est l'échec d'Agora. Le présence derrière la caméra d'Alejandro Amenabar, touche-à-tout réputé (Ouvre les yeux et, surtout, Les autres, avant Mar adentro, mélodrame à thèse dans lequel j'hésite encore à entrer), pouvait laisser espérer la mise en œuvre d'un péplum singulier.

    Hélas, aux handicaps encombrant le genre (tous en sandales et jupette), Amenabar en ajoute d'autres. La superproduction internationale nous vaut un tournage en anglais avec de multiples accents selon l'origine de chaque comédien (britannique, américain, arabe, français), sans que ce principe n'entre réellement en jeu dans la caractérisation des différents groupes se formant à l'écran (juifs, chrétiens, scientifiques grecs, soldats romains). L'ampleur de la forme se résume à quelques plans zoomés numériquement du cosmos au bâtiment où se déroule l'action (Agora ou la technique "Google Earth" comme substitut à la mise en scène ?). De plus, le cinéaste a le tort de "contemporainiser" à l'excès les problématiques de l'époque, celles de l'Alexandrie du IVe siècle (rapports de force pour l'accession au pouvoir, montée de l'intolérance, place des femmes dans la société : tout cela se noue et se dénoue selon des relations d'apparence trop moderne entre les personnages). Nous sommes d'accord, chaque œuvre parle de son temps avant de parler du passé qu'elle illustre mais doit-on absolument tout voir par le prisme du "C'est tellement d'actualité" ?

    Le récit d'Agora se traîne à force d'alterner irrémédiablement agitations populaires, discussions politiques, scènes intimes et travaux scientifiques. L'héroïne, Hypatia, est philosophe et astronome et son avance sur son temps paraît posée dès le départ. Ses réflexions doivent bien sûr être rendues intelligibles, mais de là à les simplifier de la sorte, en déclenchant notamment ses intuitions par des phrases banales énoncées ou entendues au cours de simples conversations, il y a un pas que nous aurions préféré ne pas voir franchi. Il faut enfin, une nouvelle fois, s'affliger de la représentation de la violence, Amenabar se conformant à la tradition actuelle et respectant son cahier des charges : une éclaboussure sanglante sur l'objectif, un plan très bref sur une mutilation et beaucoup de ralentis. La démarche est parfaitement académique et finalement, assez hypocrite, puisque, au moment du dénouement, cette violence devrait éclater et libérér du sens alors qu'elle est totalement évacuée vers le hors-champ puis prise en charge par un carton explicatif.

    (Présentés en avant-première au Festival du Film d'Histoire de Pessac, sortie française le 13 janvier 2010 pour Le Tsar et le 6 janvier 2010 pour Agora)

  • Ouvre les yeux

    (Alejandro Amenabar / Espagne / 1997)

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    1282859453.jpgJ'ai pas tout compris mais c'est pas désagréable.

    Ne comptez pas sur moi pour mettre à plat l'intrigue d'Ouvre les yeux (Abre los ojos), second long-métrage d'Alejandro Amenabar, du moins pour sa deuxième partie. Le jeune, riche et dynamique César tombe amoureux de Sofia. Spécialiste des aventures d'une nuit, il est d'autant plus déboussolé que sa dernière conquête, Nuria, s'accroche péniblement à lui. Sa vie bascule lorsque celle-ci l'entraîne dans une virée suicidaire en voiture. Elle meurt, lui est défiguré. Tout cela est très clair, sauf que ce début de récit est conté par César, affublé d'un étrange masque, prostré dans la cellule d'un asile psychiatrique et accusé de meurtre. Pour le reste (changements d'identité, morts qui reviennent à la vie, démiurge tirant les ficelles...), bornons-nous à écrire que la confusion entre rêve et réalité sera maintenue jusqu'à la fin.

    Ouvre les yeuxdémarre dans l'eau de rose en décrivant la naissance de l'amour entre César et Sofia. Son loft à lui est immense et moderne, son appartement à elle est encombré et poétique. Eduardo Noriega et Penélope Cruz sont charmants, lisses. Heureusement, cette vision de sitcom, Amenabar va s'ingénier à la fissurer, tel le visage de son héros, par l'irruption du fantastique (puis de la science-fiction). Certes, ce ne sont pas des abysses lynchiens qui s'ouvrent sous nos pieds, mais le virage vers le film de genre nous soulage. En prenant un tel chemin, les références ne tardent pas à se bousculer. Parmi les plus évidentes, explicitées ou non : Le fantôme de l'Opéra, les thrillers de DePalma, Vertigo... Celles-ci sont assez bien intégrées, ne pesant pas trop sur le film, qui parvient à tenir une ligne personnelle.

    Culminant lors d'une belle scène de boîte de nuit où la monstruosité du nouveau visage de César n'apparaît que par intermittences selon les lumières des spots ou l'état de conscience des autres, le jeu autour de la beauté physique n'est qu'une donnée du scénario comme une autre. On nous épargne donc avec bonheur le discours sur la différence et sur la grandeur de l'âme au delà des apparences.

    Amenabar use parfois d'effets voyants (un court plan vu de derrière le masque de César : mouais, bof...), mais sans débauche numérique. Son histoire charrie son lot d'arbitraire qui ne donne pas forcément l'envie de remonter le fil dans le sens inverse, une fois la fin arrivée. Toutefois, le "n'importe quoi" a ici suffisamment de saveur pour ne pas nous laisser dans l'indifférence. Évidemment, ce serait un peu fort de parler de vertige ou d'émotion forte mais, à l'image d'autres films un peu clinquants, un peu vains, tels Sixième sens ou Memento, cela se laisse voir. Et puis rappelons qu'Amenabar haussera sérieusement son niveau de jeu trois ans plus tard avec Les autres.