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arnold

  • Fish tank

    (Andrea Arnold / Grande-Bretagne / 2009)

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    fishtank.jpgAvec Fish tank, Andrea Arnold nous entraîne sur un terrain connu, celui du réalisme social à l'anglaise. Familles constamment au bord de l'explosion, environnement déprimant, déscolarisation, vagues d'insultes en guise de communication, sexe, alcool et r'n'b dès les premières heures de l'adolescence... Plusieurs efforts sont cependant réalisés afin d'arracher le film aux conventions narratives et stylistiques.

    Tout d'abord, le point de vue est exclusivement féminin, celui de la cinéaste se trouvant relayé par celui de sa jeune héroïne de quinze ans, Mia, que l'on ne quitte pas d'une semelle. Son cercle familial est limité à sa mère et sa petite soeur, créant ainsi une ambiance et des rapports très particuliers (ce que rend explicite, vers la fin, une séquence de danse à trois plutôt gonflée et assez jolie mais très appuyée et en rupture avec le reste). L'intrusion du mâle (l'amant de la mère) ne paraît d'abord avoir que des conséquences bénéfiques, du moins apaisantes, sur la petite structure, avant que la naissance du désir entre l'homme et Mia n'entraîne un nouveau déséquilibre.

    La qualité plastique est l'une des forces de Fish tank. Compte tenu du cadre, l'image est assez belle, les teintes sont étonnement chaudes et le moindre rayon de soleil se ressent sur les corps. Quelques échappées donnent aussi à voir une nature vibrante, à deux pas des blocs de bêton de la cité (la magnifique séquence de l'arrivée au bord de l'eau et de la pêche, avec les déplacements des personnages, les jeux de mises au point successives sur l'un ou l'autre dans toute la profondeur du champ). Collant à l'héroïne, la mise en scène s'attache à traduire des sensations plutôt que des actions. Le naturalisme est réhaussé ainsi par de légers décalages esthétiques, démarche rappelant celle, similaire bien que plus originale et satisfaisante sur la longueur, de Lynne Ramsay, autre réalisatrice britannique (Ratcatcher, 1999, Le voyage de Morvern Callar, 2002). Andrea Arnold utilise sa caméra portée sans confondre mouvement et illisibilité, quelque part entre Rosetta et Elephant.

    Devant un film britannique, nous sommes à peu près sûrs, contrairement à ceux de nos hexagonaux, de profiter d'une bande-son qui n'est pas plaquée n'importe comment sur les images. La qualité des chansons entendues n'est pas en cause, c'est leur mise en valeur qui différencie généralement les usages français et anglais (la plupart du temps, la "musique d'ambiance" des films français s'entend comme celle de nos supermarchés). Il n'y a pas de musique de film originale dans Fish tank mais de nombreuses séquences s'appuient sur des morceaux diffusés par la télévision, la radio ou un baladeur. Et toutes ces séquences en question s'en trouvent vivifiées. La musique relie un plan à l'autre, ajustant son volume selon l'éloignement de la source mais restant longtemps présente. L'impression de réalisme (les personnages en écoutent continuellement et Mia voudrait en vivre comme danseuse) se double d'un sentiment de fluidité.

    Du point de vue de la narration, Andrea Arnold nous accroche en avançant par blocs, répétant souvent les mêmes situations et rendant ainsi très bien le caractère buté du personnage principal. Il est fort dommage qu'à la mi-course, à la faveur de la scène-pivot du passage à l'acte, le scénario arrive au premier plan et reprenne ses droits pour ne plus lâcher l'affaire. Jusqu'au terme de l'histoire se succèderont alors cinq ou six séquences très dramatisées et assez prévisibles. Paradoxalement, c'est lorsque les événements dramatiques se bousculent et lorsque tout tend à faire sens que le film paraît traîner en longueur. Dans toute cette dernière partie, la mise en scène est ainsi poussée, par les enjeux scénaristiques, vers le tour de force.

    Il faut noter, pour finir, l'excellence des comédiens, de la révélation Katie Jarvis, à Michael Fassbender (bien remplumé depuis Hunger) et Kierston Warreing (louvoyant sans cesse, comme dans It's a free world, entre le sexy et le vulgaire).