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kazakhstan

  • Tulpan

    (Sergey Dvortsevoy / Kazakhstan / 2008)

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    tulpan.jpgLe rude quotidien d'une famille d'éleveurs kazakhs, en pleine steppe, et les espoirs d'Asa, le jeune frère de la mère. Le sujet du film appelle la captation de paysages grandioses et la méditation devant les grands espaces mais par sa mise en scène, Sergey Dvortsevoy refuse d'un bout à l'autre cette posture. Tulpan s'ouvre par un plan dont la surface est envahie, brutalisée, agressée. Ce qui s'avère être un troupeau de moutons met un certain temps à évacuer le cadre et à laisser enfin le lieu du récit être indentifié (la yourte plantée au milieu de nulle part). Poussière ou bruit, tout fait écran, du début à la fin (comme Tulpan, la fille que convoite Asa, restera cachée jusqu'au bout, derrière un rideau ou une porte). Ce ne sont pas seulement les objets qui font obstruction : les corps prennent toute la place, cadrés à la poitrine ou traversant incessamment le champ, à l'image du petit dernier de la famille, intenable.

    L'horizon s'offre donc rarement au regard. Quand il le pourrait, les tourbillons de sable sont là pour brouiller les repères, boucher les lignes de fuite et par conséquent, entraver toute échappée. Asa et son oncle s'échinent à contenir leur troupeau, mais à l'écran, nous avons bien l'impression que ce sont les deux hommes qui se trouvent régulièrement encerclés par les animaux. Chacun rêve d'un ailleurs, mais l'ailleurs est inaccessible. Toutes les forces ramènent au centre (au centre du plan, comme ces cadavres de moutons que l'on trouve ici et là, points noirs dessinés sur la terre sablonneuse). Dans cet espace, la yourte est un point de fixation. D'ordinaire, cela revêtirait un caractère rassurant et protecteur. Or ici, l'impression ressentie est plutôt celle d'une pression centripète indétournable, exercée par les mouvements des animaux ou la puissance du vent. Asa est coincé ; Tulpan n'est pas derrière la porte et le tracteur destiné à l'évasion finale ne l'emportera pas bien loin.

    Dvortsevoy, parfois à la frontière du documentaire, use de plans-séquences enregistrés par une caméra portée à l'épaule et travaille sa pâte sonore. Au tout début, le son était arrivé avant l'image. Par la suite, il nous parviendra souvent d'un hors-champ menaçant. Nul suspens ne découle cependant de ce procédé, plutôt le sentiment de l'inéluctable. Dans Tulpan, la vigueur, jusqu'à l'agressivité, caractérise aussi le comique (la séquence de la chamelle poursuivant le vétérinaire, le magnéto-cassette libérant de manière assourdissante un tube de Boney M). Tout au long de ce film extrèmement physique, on se retrouve bien loin d'un pittoresque exotique confortable.