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lupino

  • Avant de t'aimer (Elmer Clifton et Ida Lupino, 1949)

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    Ida Lupino aurait tourné la grande majorité des scènes, suite au décès d'Elmer Clifton, ce qui fait de ce Not Wanted, bien qu'elle ne soit pas créditée à ce poste au générique, sa première réalisation. On y trouve déjà, effectivement, et sans aucun doute possible, les singulières qualités des suivantes. L'histoire racontée ici est celle d'une fille de 19 ans fuyant loin de sa famille, mais se voyant repoussée par son amant pianiste et se retrouvant enceinte de lui. Le sujet est clair, "osé", social. A travers lui, Lupino fait accéder les petites gens au grand et poignant mélodrame. Elle parvient à un bel équilibre entre des séquences longues où les discussions se developpent tout en montrant la vérité des corps et des émotions, et d'autres plus courtes, plus découpées, plus directement expressives visuellement et traduisant la dangereuse dérive psychologique de l'héroïne vers la folie, une fêlure intérieure ainsi reliée aux difficultés concrètes de la vie. Attachée à décrire le quotidien, le réel et ses problèmes, la mise en scène de la cinéaste n'a rien de terne, les éclats dramatiques le prouvent bien sûr mais les régulières trouvailles (un geste, un temps de silence, une présence à l'arrière ou à l'avant, une réaction...) parsemant les moments plus simples et calmes en font tout autant. 

  • Bigamie (Ida Lupino, 1953)

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    Peut-être le statut même de l'actrice-réalisatrice conditionne-t-il notre regard mais sa direction semble permettre des interprétations d'une justesse rarement ressentie à ce point. Lupino elle-même, Joan Fontaine et Edmond O'Brien sont admirables d'un bout à l'autre dans cette histoire d'un homme pris au piège de son amour pour deux femmes, se débattant paradoxalement à la suite de ses recherches de sincérité absolue, coincé par de malheureuses coïncidences l'empêchant d'aller au bout de ses aveux. Ce film écartelé (même le juge, au final, ne parvient pas à trancher) est par moments franchement déchirant. Il faiblit à peine dans sa deuxième moitié, gardant sa droiture, sa confiance, sa lucidité, sa sobriété, mais perdant légèrement en tension et en concentration. Ce qui reste fascinant, en revanche, ce sont ces rapports adultes entre les personnages et le fait que ceux-ci ne soient jamais "sacrifiés", même un instant, afin de simplifier les choses pour le spectateur. Par exemple, la fébrilité du personnage masculin lors du rendez-vous pour l'adoption est remarquée aussi bien par sa femme que par son interlocuteur, et pas seulement par nous. Ce réalisme de la mise en scène de Lupino est infiniment précieux et sert de base au déploiement des émotions les plus intenses.

  • Faire face (Ida Lupino, 1949)

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    Sur la maladie tombant comme la foudre et le lent réapprentissage de la marche par une jeune danseuse, un beau mélodrame dont on a l'intuition de la réussite dès les premières séquences, Lupino captant des tout petits gestes amoureux d'un grand naturel puis filmant dans sa durée intégrale un numéro de music hall. Dès lors, la vérité des corps, des situations, des dialogues ne va jamais cesser d'apparaître, rendue par une mise en scène claire et rigoureuse mais aussi dynamique et variée malgré l'étroitesse réaliste du cadre, celui d'un établissement de rééducation. La subtile production de plusieurs échos (un visage mouillé par l'eau de mer puis par des larmes, deux scènes de danse, deux encouragements formulés par l'homme pour que celle qu'il aime avance vers lui), le refus de verser dans le terrible mélo comme dans le trop facile réconfort (alors que l'héroïne est justement constamment tiraillée, entre deux états psychologiques et entre deux hommes), la parfaite direction d'actrices et d'acteurs (même les personnages secondaires ont leur épaisseur immédiate) contribuent, entre autres qualités, à procurer une émotion réelle. 

  • Le Voyage de la peur (Ida Lupino, 1953)

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    Ayant enfin pu découvrir un film d'Ida Lupino cinéaste et l'ayant trouvé remarquable, je m'étonne de voir qu'il est ou qu'il fut considéré par la plupart comme mineur dans sa carrière (Coursodon/Tavernier ou Claude Chabrol, très déçu dans sa note de l'époque pour les Cahiers). Au moins, cela me promet d'autres merveilles... The Hitch-Hiker frappe d'abord par la tension qui le parcourt, cela dès son texte préliminaire, très anxiogène. Le tueur auto-stoppeur présenté est une incarnation marquante du Mal (William Talman, inquiétant). Mais en même temps, Lupino se garde d'aller au-delà du fait divers, dans le sens où elle réalise une œuvre sèche, resserrée et pleine d'éléments factuels, sans digressions. Le fait d'avoir pris pour couple de victimes non pas, justement, un couple "classique" mais deux amis, tous deux mariés et en virée au Mexique, assure une originalité et un éloignement des conventions particulièrement appréciables (j'ignore s'il s'agit d'un changement apporté par Lupino, co-scénariste, au livre original). Bien sûr, même sur la courte durée du film, on perçoit la limite de l'exercice, dans son aspect "terre-à-terre". Il n'empêche que l'alternance de temps forts et de temps faibles est très bien gérée, notamment par l'utilisation intelligente du son, pouvant passer d'une musique angoissante à un silence propice au rendu précis des actions qui ne l'est pas moins. Plusieurs idées de mise en scène se succèdent, dont la meilleure est sans doute le handicap du tueur tourné en terrible avantage : un œil droit qui ne peut pas se fermer, pas même lors du sommeil, laissant ainsi dans le doute les otages.