Au XXIIème siècle, des voyageurs de l’espace recherchent des traces de vie loin de la Terre. De l’oubli remonte un film de genre tchécoslovaque et humaniste. Étrange, réflexif et inventif, il constituait bien une date dans l’évolution d’une SF devenant adulte.
La surprise est de taille : resté inédit dans nos salles depuis les années 60 malgré un beau succès international, un film de science-fiction tchécoslovaque réalisé par un metteur en scène oublié sort d’un trou noir pour se révéler à la hauteur de sa réputation, celle d’une œuvre ambitieuse et inspirée, ouvrant la voie à quantité de classiques postérieurs du genre. Accompagné de collaborateurs artistiques capables de rendre crédible la représentation d’un vaisseau du XXIIème siècle (décors, costumes, sons, techniques), Jindrich Polak a su déployer une mise en scène ample et fluide pour offrir un film choral où se croisent personnages et émotions multiples. Dans cette production de prestige issue du bloc de l’Est, l’idéologie se fait discrète et le message de paix est délivré sans lourdeur. Loin de la Terre, une société se soude, rejoue en miroir les passions humaines et prolonge les réflexions. Le mélange de sérieux, d’humour et d’anodin, les échanges parfois mondains et les décalages temporels à l’œuvre accentuent l’étrangeté de ce huis-clos mouvant jusqu’à évoquer d’abord la situation des bourgeois de L’Ange exterminateur, film contemporain de Luis Buñuel. La deuxième moitié cède mieux aux péripéties attendues de l’aventure spatiale, sans perdre en intérêt scénaristique ni en inventivité plastique, sans sortir non plus du cadre inédit de la SF philosophique. Ikarie XB 1 nous plonge aujourd’hui dans un autre paradoxe temporel : cette adaptation audacieuse de Stanislas Lem n’a que peu à voir avec les tentatives l’ayant précédée mais beaucoup plus avec les expériences suivantes menées par Kubrick, Tarkovski et consorts.
(Texte paru dans L'Annuel du Cinéma 2017)