Septembre est loin derrière nous. Replongeons-nous donc dans les archives et voyons ce qui se trouvait projeté dans les salles de cinéma françaises au mois d'Octobre 1985 :
Concernant la majeure partie des films que j'ai pu effectivement voir en ce temps là, ma mémoire me trahit. Mais autant vous dire que cela m'arrange bien... Ainsi, de Hold-up, la comédie policière d'Alexandre Arcady supposée relancer de plus belle la carrière de Jean-Paul Belmondo, il ne me reste que les images de journal télévisé montrant l'accident de dépanneuse de Bébel sur le tournage. Le mariage du siècle, de Philippe Galland, satire des moeurs princières avec Anémone et Lhermitte, ne m'est pas mieux resté en tête. Je peux toutefois avancer, sans prendre de risque, que, aussi faible qu'elle soit, cette comédie reste moins affligeante que le Palais Royal ! de Valérie Lemercier. On ne meurt que deux fois est un ténébreux film-enquête signé Jacques Deray, avec Michel Serrault et Charlotte Rampling. A l'adolescence, il n'est pas spécialement enthousiasmant à découvrir. Et aujourd'hui ? Solide mais manquant quelque peu de personnalité, comme la plupart des Deray ?
La grosse affaire commerciale du mois était le renvoi de notre brave John au Vietnam. Dans ce Rambo II : la mission, au titre bientôt soumis à toutes sortes de parodies, Sylvester Stallone allait casser des Jaunes et des Rouges à tour de bras, préférant oublier les quelques zones d'ombre et ambiguïtés de son premier volet pour mieux aligner les morceaux de bravoures guerriers. Au culte bardé de second degré entourant depuis sa sortie cette expédition punitive, nous préférons celui, plus aimable, attaché à l'aventure spatio-temporelle de Robert Zemeckis, Retour vers le futur. En 85, le plaisir de la découverte fut intense et les visionnages se multiplièrent pendant un certain temps. Cependant, au tournant des années 90, je répondis à l'appel d'un cinéma plus (et parfois trop ?) "sérieux", ce qui ne me poussa ni à profiter des deux suites proposées alors, ni à revoir cet épisode originel.
Dernier titre connu de mes services dans le listing du mois : Papa est en voyage d'affaires, le deuxième long-métrage et la première Palme d'or d'Emir Kusturica. La récompense, attribuée par Milos Forman et son jury, était inattendue mais s'avéra méritée, le film, quoique moins irrésistiblement débridé que les suivants, constituant la première œuvre majeure du cinéaste. Notre souvenir n'en est pas très précis mais chaleureux.
Passons aux supputations (sans nous arrêter cette fois-ci au rayon porno, dont les titres recensés tombent définitivement dans le racolage le plus crasse). Nous peinons à croire qu'il y ait quelque chose à sauver de Musclor et She-Ra, le secret de l'épée (dessin animé signé Friedman, Kachivas, Lamore, Reed et Wetzler), des Bêtes féroces attaquent (horreur italienne de Franco E. Prosperi), de Fureur sauvage (documentaire choc d'Arthur Davis) ou de Ne prends pas les poulets pour des pigeons (navet à la Française cuisiné par Michel Gentil), voire même de L'appel de la forêt (de Koozo Morishita, dessin animé d'après Jack London), de Oz, un monde extraordinaire (une production Disney mise en scène par Walter Murch) ou de Space riders (film britannique de Joe Massot sur les courses de motos). Dans la livraison de films de kung fu, il faudrait séparer le bon grain de riz de l'ivraie, ce que je suis personnellement incapable de faire. Je vous laisse donc vous débrouiller seuls avec Masque Infernal contre Panthères du kung fu (Chen Chun Liang), Ninja et les disciples du temple (Robert Tai), La rage mortelle de Shaolin (Ou Yang Chin), Shaolin contre Mantis (Au Yeung Chun) et Shaolin contre Wu Tong (Gordon Liu et Liu Chia Liang).
En montant d'une marche, nous nous retrouvons nez à nez avec Les bourlingueurs (de David Hemmings, aventures en Nouvelle-Zélande avec Lesley Ann Warren, George Peppard et Donald Pleasance), Les envahisseurs sont parmi nous (une série B tendance science-fiction de Michael Laughlin avec Nancy Allen), Porc royal (farce britannique de Malcolm Mowbray avec Michael Palin et Maggie Smith), Elsa, Elsa (de Didier Haudepin) et Le quatrième pouvoir (dénonciation politico-médiatique menée par Serge Leroy).
On sent que l'on commence peut-être à basculer du bon côté avec Le Roi David (péplum de Bruce Beresford avec Richard Gere), Le dernier jour d'un condamné (de Jean-Michel Mongrédien d'après Victor Hugo) et Que la vérité est amère (documentaire sur l'arrestation de Jean Moulin, réalisé par Alain Brunet et Claude Bal). Puis viennent à nous trois propositions singulières d'auteurs confidentiels mais reconnus. Elle a passé tant d'heures sous les sunlights est un austère essai d'auto-analyse effectué par Philippe Garrel (j'avoue avoir toujours trouvé nul ce titre de film, qui aurait tendance à susciter finalement autant de ricanements que le Rambo II précité...). Hurlevent n'est pas le Rivette le plus aguichant ni le plus convoqué par les admirateurs du cinéaste, mais son sujet (d'après Emily Brontë, bien sûr) et son casting (Fabienne Babe, Lucas Belvaux...) intriguent. De ce petit groupe, peut-être faut-il en fait détacher Trous de mémoire, de et avec Paul Vecchiali, expérience minimaliste à base d'improvisations développées avec Françoise Lebrun.
Toutefois, notre intuition nous pousserait plutôt à découvrir quatre autres films de cette salve d'octobre : La tentation d'Isabelle, l'un des (nombreux) psychodrames intimistes imaginés par Jacques Doillon, La chair et le sang, la fresque moyenâgeuse de Paul Verhoeven, que l'on suppose faite d'éclats et de réalisme, de bruit et de fureur (les noms se retrouvant en haut de l'affiche étant de surcroît fort attirants : Rutger Hauer et Jennifer Jason Leigh), Raspoutine, l'agonie du bouillant soviétique Elem Klimov, qui se penchait là sur la fin du tsarisme (sorti tardivement, le film date de 1975) et enfin L'éveillé du Pont de l'Alma, rêverie de Raoul Ruiz en compagnie du grand Michael Lonsdale.
En octobre 85, dans la Maison de la presse à côté de chez vous, vous avez alors pu voir avec dépit que Sylvester Stallone s'affichait un peu partout, notamment en une de Starfix (29) et de L'Ecran Fantastique (61). La Revue du Cinéma (409) vous proposait, elle, mais un peu trop tard, de revenir sur le troisième épisode de Mad Max et Positif (296) sur le Ran de Kurosawa (deux films sortis en septembre). Vous avez croisé le regard de Jean-Paul Belmondo en couverture de Premiere (103) et vous avez hésité à acheter les Cahiers du Cinéma (376) qui parlaient de Rivette et de son Hurlevent. Comme vous sortiez d'une séance de Retour vers le futur, vous avez cherché en vain Studio-CinéLive, oubliant que ni l'un ni l'autre n'existaient encore. Et puis finalement, vous avez pris L'Equipe, un paquet de Lucky et une grille de loto...
Voilà pour octobre 1985. La suite le mois prochain...
Le jeune ado que j'étais pu aller voir une petite poignée de films familiaux : Signé Lassiter (de Roger Young, avec Tom "Magnum" Selleck en Arsène Lupin au pays des Nazis) me laissa relativement indifférent tandis que Roar, probablement pas meilleur, me séduisit un peu plus (un film de Noel Marshall où, pour moi, les stars étaient les dizaines de fauves que l'on y croisait, plutôt que les inconnues Tippi Hedren et sa fille Melanie (Griffith)). Toutefois, sur le moment, l'expérience la plus emballante fut incontestablement la découverte d'un drôle de film d'aventures signé par un protégé de Spielberg, Robert Zemeckis : A la poursuite du diamant vert. Gros succès en salles (relativement inattendu, semble-t-il me rappeler, malgré sa "recette") puis à la télévision pendant de longues années, il reste peut-être encore aujourd'hui fréquentable, son auteur ayant par la suite assez vite prouvé qu'il était un peu plus qu'un sous-Steven S.
Vu d'ici et aujourd'hui, dans la liste de l'été 84, que regrette-t-on de ne pas encore connaître ? En premier lieu, Les années déclic, l'autoportrait de Raymond Depardon, sorti en catimini à l'époque et encore peu diffusé de nos jours. Ensuite, le remake, apparemment pas déshonorant, de L'homme qui aimait les femmes de Truffaut par Blake Edwards : L'homme à femmes (campé par Burt Reynolds). Enfin, malgré le peu d'enthousiasme réel qu'ont pu susciter chez moi les quelques films que j'ai pu voir d'Abel Ferrara (hormis Nos funérailles) : New York, deux heures du matin, l'un de ses polars poisseux s'étant taillé une petite réputation.
Un second wagon fait un peu peur : Bingo Bongo (conte pour enfants autour d'un homme-singe, signé Pascale Festa-Campanile, avec Carole Bouquet), La nuit des loups (film de bande ouest-allemand de Rüdiger Nüchtern), Le challenger (film de David Fischer, sorti du fond du tiroir suite à la starification coppolesque de Matt Dillon), C'est dans la poche (une comédie de Daniel Mann sur un ex-champion de boxe et un kangourou, avec Elliot Gould et Robert Mitchum !), Tonnerre (Larry Ludman), Le gang des BMX (film d'aventures familial à l'Australienne, signé Brian Trenchard-Smith, avec notamment une certaine Nicole Kidman), Règlement de compte (de Paul Aaron, pas de Fritz Lang), Les maîtres du soleil (SF française de Jean-Jacques Aublanc), Le sang du dragon (polar hongkongais de Jimmy Tseng), Le palace en délire (Neel Israel).
En se tournant vers les productions érotiques soft, mis à part le Carmen cité plus avant, on ne tombe que sur des propositions peu engageantes : Où sont les hommes ? (espagnol de Ignacio F. Iquino) et Histoire d'O, chapitre 2 (Eric Rochat). Tant qu'à faire, autant choisir Sodopartouzes clandestines (de "Joanna Morgan") ou Pénétrations multiples (de "Mike Strong"), sans doute moins décevants par rapport à ce que l'on en attend.