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  • Au nom du peuple italien (Dino Risi, 1971)

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    Un Risi mêlangeant comme souvent rires et grinçements de dents, la balance penchant ici franchement du côté sombre, la noirceur de la vision culminant dans une dernière séquence d'une méchanceté incroyable envers ce peuple italien (à travers des scènes de liesse, de désordre et de bêtise consécutives à une victoire au foot de la squadra azzura sur l'Angleterre). On ne sait pas trop sur quel pied danser, le cinéaste zigzagant entre rigidité et débordements, tentant quelques effets de distanciation bienvenus, notamment pour ses flashbacks, plaçant ses personnages dans des décors au symbolisme appuyé mais efficace (plage jonchée de détritus, palais de justice s'effritant) et bien sûr réunissant les monstres Tognazzi et Gassman. Leurs face-à-face sont les piliers de l'édifice. Ils sont étirés parfois plus que de raison, ce qui fait que le duo/duel bouffe littéralement tout le reste du film, qui essaie pourtant d'exister. Tout du long, Risi semble vouloir donner raison au premier, au juge inflexible et vertueux (et de gauche), et non à l'entrepreneur magouilleur et dépravé (et fasciste). Sans savoir exactement comment, on sent bien qu'à la fin, quelque chose va se retourner ou du moins, brouiller ce net partage.

  • Le veuf

    (Dino Risi / Italie / 1959)

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    leveuf.jpgAlberto Nardi est un industriel milanais poursuivi par ses créanciers et méprisé par sa femme qui l'appelle Cretinetti et qui refuse de lui donner le moindre sou, bien qu'elle possède une gigantesque fortune. En tant que bénéficiaire testamentaire, ses affaires semblent s'arranger le jour où cette dernière est portée disparue, suite à une catastrophe ferroviaire.

    Le veuf (Il vedovo) est un opus inégal au sein d'une filmographie qui l'est tout autant, celle de Dino Risi. Son intérêt premier vient de l'excellence de l'interprétation d'Alberto Sordi, dont l'inventivité dans le phrasé, les postures et les expressions semble infinie. Ce Nardi est un être bien peu aimable, menteur, lâche, xénophobe, macho. Il est pourtant difficile de le détester réellement. Sans doute est-ce, d'une part, parce que les gens de son entourage, même s'ils réussissent, ne valent pas mieux. D'autre part, malgré ses innombrables défauts, ce qui nous empêche de nous détacher d'Alberto, c'est cette impression très forte que le personnage représente pour Dino Risi l'Italie elle-même. Cet entrepreneur qui se prend pour un génie et accumule les faillites semble cristalliser la haine et l'attachement mêlés qu'éprouve le cinéaste devant la société contemporaine.

    Cet aspect de l'œuvre est très sensible dans la première partie, la plus drôle et la plus réussie. En revanche, par la suite, le film patine un peu sous le poids d'un scénario assez laborieux, bien plus remarquable dans le détail des scènes qui le compose que dans sa construction d'ensemble. Étrangement, c'est en effet lorsque la mécanique de la dramaturgie devrait tourner à plein régime que l'intérêt se fait moindre. La dernière partie vire à la comédie noire et policière mais le rythme est trop lent, les plans trop longs et les rebondissements trop prévisibles. Sur la durée, la mise en scène de Risi est tantôt banale (les effets de théâtre, la musique appuyée), tantôt inspirée (les dialogues percutants des premières scènes de bureaux, les nombreuses séquences orchestrant l'agitation d'un grand nombre de personnages autour d'Alberto Sordi).

  • C'était mieux avant... (Été 1984)

    Après juin, vient la torpeur estivale. Mais même un plein cagnard, il nous faut remplir notre mission consistant à revenir sur les sorties en salles françaises de Juillet-Août 1984 :

    A cette époque-là, le spectateur n'était pas spécialement à la fête pendant les deux mois les plus chauds de l'année, les distributeurs se gardant bien de lâcher leurs plus alléchants poulains avant la rentrée et s'échinant à refourguer à la sauvette le bas de gamme de leur catalogue.

    alapoursuitedudiamantvert.jpgLe jeune ado que j'étais pu aller voir une petite poignée de films familiaux : Signé Lassiter (de Roger Young, avec Tom "Magnum" Selleck en Arsène Lupin au pays des Nazis) me laissa relativement indifférent tandis que Roar, probablement pas meilleur, me séduisit un peu plus (un film de Noel Marshall où, pour moi, les stars étaient les dizaines de fauves que l'on y croisait, plutôt que les inconnues Tippi Hedren et sa fille Melanie (Griffith)). Toutefois, sur le moment, l'expérience la plus emballante fut incontestablement la découverte d'un drôle de film d'aventures signé par un protégé de Spielberg, Robert Zemeckis : A la poursuite du diamant vert. Gros succès en salles (relativement inattendu, semble-t-il me rappeler, malgré sa "recette") puis à la télévision pendant de longues années, il reste peut-être encore aujourd'hui fréquentable, son auteur ayant par la suite assez vite prouvé qu'il était un peu plus qu'un sous-Steven S.

    Je ne jurerai pas ne pas avoir vu Les branchés du bahut, grosse comédie de Robert Butler, ni Conan le destructeur (second volet signé par le vieux routier Richard Fleischer, avec Schwarzie et Grace Jones). Je suis sûr, en revanche, d'avoir soigneusement évité Xtro (du britannique Harry B. Davenport) dont les photographies d'alien foutaient vraiment trop les jetons.

    newyork2heures.jpgVu d'ici et aujourd'hui, dans la liste de l'été 84, que regrette-t-on de ne pas encore connaître ? En premier lieu, Les années déclic, l'autoportrait de Raymond Depardon, sorti en catimini à l'époque et encore peu diffusé de nos jours. Ensuite, le remake, apparemment pas déshonorant, de L'homme qui aimait les femmes de Truffaut par Blake Edwards : L'homme à femmes (campé par Burt Reynolds). Enfin, malgré le peu d'enthousiasme réel qu'ont pu susciter chez moi les quelques films que j'ai pu voir d'Abel Ferrara (hormis Nos funérailles) : New York, deux heures du matin, l'un de ses polars poisseux s'étant taillé une petite réputation.

    Frankenstein 90 n'a, depuis sa sortie, guère reçu de soutien autre que celui relatif au passé singulier de son auteur, Alain Jessua, l'un des rares cinéastes français à s'être frotté véritablement au fantastique (ici avec Jean Rochefort, Eddy Mitchell et Fiona Gélin). Réalisé par Jean-Loup Hubert, La smala, est semble-t-il l'un des moins routiniers des films centrés sur quelques ex-Splendid.

    Au rayon des curiosités, on trouve Pourquoi l'étrange Mr Zolock s'intéressait-il tant à la bande dessinée (docu-fiction canadienne d'Yves Simoneau sur les grands auteurs de BD de l'époque, de Bilal à Gotlib, Tardi, Peyo...) et une adaptation érotique de Mérimée : Carmen nue (Albert Lopez). Quelques autres titres méritent peut-être le coup d'oeil : Bush Mama (oeuvre engagée de Haile Gerima, tournée dans le ghetto de Watts à Los Angeles), Cannonball 2 (Hal Needham), Tank (Marvin J. Chomsky), Siège (série B canadienne de Paul Donovan et Maura O'Connell), La triche (Yannick Bellon), Pavillons lointains (mélodrame britannique aux colonies de Peter Duffell), Angel (polar de Robert Vincent O'Neil), A coups de crosse (policier de Vicente Aranda avec Bruno Cremer et Fanny Cottençon).

    gangdesbmx.jpgUn second wagon fait un peu peur : Bingo Bongo (conte pour enfants autour d'un homme-singe, signé Pascale Festa-Campanile, avec Carole Bouquet), La nuit des loups (film de bande ouest-allemand de Rüdiger Nüchtern), Le challenger (film de David Fischer, sorti du fond du tiroir suite à la starification coppolesque de Matt Dillon), C'est dans la poche (une comédie de Daniel Mann sur un ex-champion de boxe et un kangourou, avec Elliot Gould et Robert Mitchum !), Tonnerre (Larry Ludman), Le gang des BMX (film d'aventures familial à l'Australienne, signé Brian Trenchard-Smith, avec notamment une certaine Nicole Kidman), Règlement de compte (de Paul Aaron, pas de Fritz Lang), Les maîtres du soleil (SF française de Jean-Jacques Aublanc), Le sang du dragon (polar hongkongais de Jimmy Tseng), Le palace en délire (Neel Israel).

    Et un troisième finit d'effrayer totalement : Dent pour dent (polar de Steve Carver avec Chuck Norris), Vendredi 13, chapitre final (vraiment final ?, de Joseph Zito), Hercule (Luigi Cozzi avec Lou "Hulk" Ferrigno dans le rôle-titre), Ultime violence (Sam Firstenberg), Shocking Asia (documentaire à sensations d'Emerson Fox), Liste noire (film de vengeance d'Alain Bonnot avec Annie Girardot en Charles Bronson), Mission finale (un sous-Rambo de Cirio H. Santiago), Les aventuriers de la Sierra Leone (un sous-Indiana Jones de Bob Schulz), Les guerriers du Bronx 2 (un sous-New York 1997 de Enzo G. Castellari), et bien sûr les Mad Maxeries italiennes habituelles telles que Les exterminateurs de l'an 3000 (Jules Harrison) ou Le chevalier du monde perdu (David Worth, avec Donald Pleasance).

    histoiredo.jpgEn se tournant vers les productions érotiques soft, mis à part le Carmen cité plus avant, on ne tombe que sur des propositions peu engageantes : Où sont les hommes ? (espagnol de Ignacio F. Iquino) et Histoire d'O, chapitre 2 (Eric Rochat). Tant qu'à faire, autant choisir Sodopartouzes clandestines (de "Joanna Morgan") ou Pénétrations multiples (de "Mike Strong"), sans doute moins décevants par rapport à ce que l'on en attend.

    Rien de palpitant dans tout cela. En 84, il était en fait inutile d'écourter les vacances au bord de la mer, les grands noms n'étant annoncés que pour les derniers jours du mois d'août. Et encore... deux sur trois signaient l'un de leurs plus mauvais films. Dino Risi se fourvoyait totalement en entraînant Coluche dans la sinistre aventure du Bon Roi Dagobert (ici). De son côté, Clint Eastwood se chargeait de filmer lui-même Le retour de l'inspecteur Harry. Je garde le souvenir d'une oeuvre extrèmement déplaisante (contrairement au contemporain La corde raide, non officiellement signé par Eastwood). Finalement, le 29 août, une petite merveille tirait in extremis cette livraison de l'oubli. Eric Rohmer poursuivait sa série des Comédies et proverbes avec Les nuits de la pleine lune, l'un de ses meilleurs opus ().

    cinema84307.JPGSur la plage, nous pouvions lire dans Cinématographe (n°102) un dossier sur le casting (avec Lambert Wilson en couverture, dans La femme publique) et dans Première (88) une interview de Catherine Deneuve qui "tourne à Montréal Paroles et musique". Starfix (17) piaffait d'impatience en attendant Indiana Jones et le temple maudit. La revue du Cinéma (396) anticipait également sur les films de la rentrée et Au-dessous du volcan de Huston. Positif (281-282) et Cinéma 84 (307-308) choisissaient la même une : Le succès à tout prix (le film de Skolimowski sorti sur les écrans en mai). Les Cahiers, eux, font relâche. Enfin, deux revues ont été jusque là scandaleusement oubliées par mes services et nous y remédions enfin : L'Écran Fantastique (47) revenait sur Le Bounty et Mel Gibson alors que Jeune Cinéma (160) rendait compte, comme la majorité des publications estivales, du festival de Cannes et mettait en couverture Henri IV de Marco Bellocchio.

    Voilà pour l'été 1984. La suite en septembre...

  • Le Bon Roi Dagobert

    (Dino Risi / France - Italie / 1984)

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    dagobert.jpgDino Risi à la mise en scène, Gérard Brach et Age au scénario, Coluche, Serrault, Tognazzi et Carole Bouquet devant la caméra... Tout ce beau monde fut réuni en 1984 pour accoucher de cette catastrophe qu'est le Bon Roi Dagobert.

    Pendant quelques minutes, devant ce style visuel aussi rude que la campagne hivernale dans laquelle se déroule l'introduction, devant cette succession de dialogues grossiers, devant cet acharnement scatologique, on se dit, bienveillant et au fond désireux de nager à contre-courant de la mauvaise réputation du film, que l'irrespect peut être gage d'authenticité et de vigueur. Il faut malheureusement se rendre très vite à l'évidence. Risi a commis l'erreur de ne pas créer un véritable personnage mais de laisser Coluche faire ses sketchs habituels en habits médiévaux. Ses réflexions et ses onomatopées ponctuant chacune de ses interventions nourrissent un humour anachronique particulièrement pénible. Les deux hommes redresseront semble-t-il la barre, un an plus tard, avec un Fou de guerre apparemment bien plus profond (ce qui n'est pas difficile). Ici, le célèbre comique n'est certes pas le seul à jouer n'importe comment : les grimaces de Michel Serrault ne nous arrache qu'à grand peine quelques sourires et Ugo Tognazzi ne nous offre que le minimum syndical dans un double rôle.

    Arrivé au bout de ces 115 longues minutes d'un récit à l'intérêt très contestable, aboutissant à un paresseuse histoire de sosie du pape, je n'en retiens qu'une poignée de plans bien composés, un festival de poitrines généreusement offertes et deux plans de Carole Bouquet, l'un accompagnant sa sortie de bain (au lait) et l'autre, très bref, la montrant, épaule découverte et visage rayonnant, en train de jouer avec un serpent lors d'une orgie. C'est peu...

     

  • La marche sur Rome

    (Dino Risi / Italie / 1963)

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    1552413056.jpgJean-Paul Rappeneau a raconté à la radio, il y a quelque temps, une anecdote intéressante. Ayant terminé La vie de château, il avait assisté à une projection de son film en compagnie de l'un des grands spécialistes de la comédie italienne (je ne me rappelle plus si il s'agit de Risi, Monicelli ou Comencini). Tout heureux d'avoir si bien réussi son coup, il demanda son avis à l'italien. Celui-ci finit par répondre à peu près ceci : "Oui, c'est pas mal, mais chez nous, les comédies à partir d'événements historiques importants, on fait ça depuis longtemps."

    La marche sur Rome (La marcia su Roma) est réalisé par Dino Risi entre Une vie difficile et Le fanfaron. Moins abouti que les deux oeuvres qui l'encadrent, le film prouve au moins, une nouvelle fois, à quel point les cinéastes italiens de l'époque étaient gonflés dans leurs choix de sujets. On suit ici les pérégrinations de Domenico Rocchetti et d'Umberto Gavazza, anciens combattants qui, peu après la première guerre mondiale, se joignent au mouvement fasciste. Ils prennent part à la célèbre marche sur Rome d'Octobre 1922, dont le but était de faire pression sur le Roi d'Italie afin qu'il fasse appel à Mussolini pour former un gouvernement. Cette marche, organisée en réaction à une défaite électorale, est d'abord traitée dans la franche rigolade. Risi (et ses nombreux scénaristes, parmi lesquels Scola, Age et Scarpelli) fait de ces fascistes des clowns. Si l'optique peut toujours se discuter, il faut souligner cependant que le comique traduit aussi une justesse de réflexion et d'analyse des auteurs quant aux mécanismes d'enrôlement, à la nostalgie de la guerre qu'éprouve les soldats rendus à la vie civile et à la rancoeur des paysans sans terre. Les gags ne sont pas toujours d'une extrême finesse mais le duo Gassman-Tognazzi, réuni pour la première fois, est déjà efficace.

    Umberto (Tognazzi), plus lucide que Domenico, raye une à une les lignes du programme fasciste au fur et à mesure que les promesses lui semblent bafouées au cours de leur périple. Par moments, la vision se noircit. Le rire se coince quand arrivent quelques plans rendant compte de l'avancée vers Rome : on voit les fascistes se regroupant et convergeant de plus en plus nombreux. Une fois mise à jour la faiblesse du gouvernement en place qui les laisse passer, les défilés-démonstrations de force dans la capitale sont tirés de documents d'archives. Risi termine alors son film sur une idée dévastatrice. Sur d'authentiques images du Roi et d'un amiral conversant sur un balcon, il plaque ce dialogue : "- Que pensez-vous de ces fascistes ? - Ce sont des gens sérieux, nous pouvons leur laisser un peu de pouvoir - Oui, essayons pendant quelques mois."