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La marche sur Rome

(Dino Risi / Italie / 1963)

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1552413056.jpgJean-Paul Rappeneau a raconté à la radio, il y a quelque temps, une anecdote intéressante. Ayant terminé La vie de château, il avait assisté à une projection de son film en compagnie de l'un des grands spécialistes de la comédie italienne (je ne me rappelle plus si il s'agit de Risi, Monicelli ou Comencini). Tout heureux d'avoir si bien réussi son coup, il demanda son avis à l'italien. Celui-ci finit par répondre à peu près ceci : "Oui, c'est pas mal, mais chez nous, les comédies à partir d'événements historiques importants, on fait ça depuis longtemps."

La marche sur Rome (La marcia su Roma) est réalisé par Dino Risi entre Une vie difficile et Le fanfaron. Moins abouti que les deux oeuvres qui l'encadrent, le film prouve au moins, une nouvelle fois, à quel point les cinéastes italiens de l'époque étaient gonflés dans leurs choix de sujets. On suit ici les pérégrinations de Domenico Rocchetti et d'Umberto Gavazza, anciens combattants qui, peu après la première guerre mondiale, se joignent au mouvement fasciste. Ils prennent part à la célèbre marche sur Rome d'Octobre 1922, dont le but était de faire pression sur le Roi d'Italie afin qu'il fasse appel à Mussolini pour former un gouvernement. Cette marche, organisée en réaction à une défaite électorale, est d'abord traitée dans la franche rigolade. Risi (et ses nombreux scénaristes, parmi lesquels Scola, Age et Scarpelli) fait de ces fascistes des clowns. Si l'optique peut toujours se discuter, il faut souligner cependant que le comique traduit aussi une justesse de réflexion et d'analyse des auteurs quant aux mécanismes d'enrôlement, à la nostalgie de la guerre qu'éprouve les soldats rendus à la vie civile et à la rancoeur des paysans sans terre. Les gags ne sont pas toujours d'une extrême finesse mais le duo Gassman-Tognazzi, réuni pour la première fois, est déjà efficace.

Umberto (Tognazzi), plus lucide que Domenico, raye une à une les lignes du programme fasciste au fur et à mesure que les promesses lui semblent bafouées au cours de leur périple. Par moments, la vision se noircit. Le rire se coince quand arrivent quelques plans rendant compte de l'avancée vers Rome : on voit les fascistes se regroupant et convergeant de plus en plus nombreux. Une fois mise à jour la faiblesse du gouvernement en place qui les laisse passer, les défilés-démonstrations de force dans la capitale sont tirés de documents d'archives. Risi termine alors son film sur une idée dévastatrice. Sur d'authentiques images du Roi et d'un amiral conversant sur un balcon, il plaque ce dialogue : "- Que pensez-vous de ces fascistes ? - Ce sont des gens sérieux, nous pouvons leur laisser un peu de pouvoir - Oui, essayons pendant quelques mois."

Commentaires

  • Très bon film,à rapprocher de La grande guerre ou La grande pagaille.Ce cinéma italien dont je raffolle est toujours à redécouvrir.J'ai chroniqué le film de Monicelli.

  • Très bon souvenir de ce film découvert en son temps au cinéma de minuit. C'était une période magnifique pour le cinéma italien. J'ai vu qu'il sortaient en DVD "Une vie difficile" qui est une merveille. Mais quand même, l'italien de l'anecdote exagère, il oublie Guitry !

  • Pas vu "La grande guerre" mais "La grande pagaille" est aussi excellent dans mes vagues souvenirs. Il y a en a des tas. Une autre grande réussite, au hasard : "Les camarades" de Comencini avec Mastroianni.
    "Une vie difficile" est effectivement une merveille, l'un des plus denses et des plus percutants sur la société italienne (avec Sordi au milieu de la route qui crache sur les voitures...).
    Pour ce qui est de Guitry, si je ne m'abuse, il ne s'attaquait pas à l'histoire récente. A vrai dire, j'ai du mal avec ses livres d'images historiques, malgré l'ironie féroce qui s'en dégage parfois. Je préfère de loin ses films légers et libres que sont "Bonne chance" ou "Le roman d'un tricheur".

  • C'était une boutade, un peu, mais un film comme "Ils étaient neuf célibataires", comédie sur le statut des étrangers en France tournée en 1939 est très ancrée dans l'histoire immédiate. je suis sûr qu'en cherchant, nous aurions des surprises. Ce qui ne retire rien aux qualités du cinéma italien de l'époque ni à la faculté de la comédie italienne de la grande époque à dresser le portrait du pays et de son histoire.

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