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Une époque formidable

(Gérard Jugnot / France / 1991)

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4894fcdff335b9c67fb80f709734c245.jpgLa découverte très tardive d'Une époque formidable est pour moi une bonne surprise. Tout d'abord, cette déchéance d'un cadre vers la clochardisation, bénéficie avec Jugnot-acteur de la personne adéquate pour incarner le personnage principal de Michel Berthier. Son registre de français médiocre, peaufiné au fil des ans, rend parfaitement crédible la trajectoire vers le bas décrite ici. Quand débute l'histoire (après un savoureux prologue relatant un cauchemar du héros), Berthier est déjà licencié et, ressort classique, il fait croire à sa compagne qu'il travaille toujours. Le récit de la déchéance est très bien amené, dans un enchaînement autant dramatique que, chose plus difficile, comique. On relève bien une scène trop facile de rébellion envers une journaliste interviewant complaisamment les SDF et un inévitable clin d'oeil au "Salauds de pauvres !" de La traversée de Paris. Ces excès sont cependant bien rares, au milieu de répliques bien senties, modulées de salves vulgaires en mots d'auteurs plus écrits. Bien rythmé, solidement interprété jusque dans les personnages secondaires (Charlotte de Turkheim, pas mal en prostituée de garage beuglant "Au suivant..."), le film a une vraie mise en scène, utilisant très bien les espaces urbains. La musique, souvent atroce dans ce genre de production, n'est pas désagréable (on se pince d'autant plus en découvrant qu'elle est signée de Francis Cabrel).

Le personnage de Toubib, incarné par Richard Bohringer, devient un peu trop envahissant sur la fin, poussant très moralement Berthier à retourner vers sa femme. Celle-ci est jouée par Victoria Abril. La complicité la liant à Jugnot et le bagage de sympathie que véhicule chacun laissent peu de doutes quant à la possibilité d'une réconciliation finale. L'acteur-cinéaste a d'ailleurs un peu de mal pour boucler son film, hésitant entre la note pessimiste et le happy end. La mort d'un compagnon de galère rappelle la triste réalité des choses, mais est vite oubliée, Jugnot gardant en réserve les larmes pour le dénouement. Cette sentimentalité de l'auteur, si elle atténue la charge, n'est pas non plus indigne, pour preuve la jolie séquence des retrouvailles fortuites avec le fiston. L'ensemble, constamment drôle, est semble-t-il basé sur un vrai travail d'observation. Les clichés sur la vie des clochards sont traités avec sincérité et vigueur. Les tirades moralisatrices sont évitées et l'évocation, au passage, des actes d'exploitation à l'encontre des immigrés et des SDF se fait sans tirer la manche du spectateur. Bref, cette modeste mais réelle réussite inciterait à plus d'espoir et d'enthousiasme, si l'on ne s'avisait qu'elle a déjà 17 ans d'âge et que Gérard Jugnot n'a semble-t-il guère retrouvé cette inspiration par la suite. Mais indéniablement, Une époque formidable rappelle, par son statut de comédie réellement travaillée (scénario et mise en scène), qu'un véritable auteur comique tel que l'ex-Splendid, par-delà ses limites et ses possibles égarements par ailleurs, vaut toujours mille fois mieux que tous les Michael Youn de notre beau pays.

Commentaires

  • C'est vrai que j'ai un bon souvenir de ce film sans prétention mais qui parle d'un sujet encore plus d'actualité de nos jours (malheureusement). Jugnot est très très bien.

  • Oui, Jugnot est très bien, dans l'un de ses meilleurs rôles certainement. Et c'est vrai que le film pourrait être tourné aujourd'hui sans rien changer de son scénario.

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