(Lajos Koltai / Hongrie / 2005)
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L'une des postures critiques qui m'insupporte le plus est celle qui pose la représentation des camps de concentration et d'extermination nazis comme le tabou absolu du cinéma, celle qui assène régulièrement que depuis Shoahde Claude Lanzmann, il n'est plus possible d'aborder frontalement cette catastrophe. Si il est évident que le sujet requiert mille précautions, que l'esthétisme peut vite rendre toute mise en scène détestable, que certaines choses, comme une chambre à gaz vue de l'intérieur aux côtés des victimes, ne peuvent pas être filmées (et encore, quelqu'un, un jour, trouvera peut-être un moyen acceptable de le faire), pourquoi décréter un interdit total ? Pourquoi aucun cinéaste ne devrait essayer ? La liste de Schindler et La trêve, entre autres, ont ainsi été discrédités tour à tour (je ne parle pas de La vie est belle, que j'aime beaucoup, car son propos n'était pas de traiter de manière réaliste de la shoah). Effectivement problématiques, essentiellement en raison de choix de mise en scène très contestables pour certaines séquences (la petite fille au manteau rouge ou les douches chez Spielberg, la génuflexion de l'officier nazi face au déporté libéré chez Rosi), ces deux films n'en sont pas pour autant odieux.
Être sans destin (Sorstalansag) est l'adaptation cinématographique d'une autobiographie, modulée en roman, d'Imre Kertesz, publiée en 1975. L'auteur, prix Nobel de littérature, s'est chargé lui-même de l'écriture du scénario et a confié la réalisation au "débutant" Lajos Koltai, grand chef opérateur des films d'Istvan Szabo notamment. Gyorgy a quatorze ans en 1944. Les juifs hongrois, relativement protégés jusque là par la dictature en place, alliée à l'Allemagne, subissent à leur tour les déportations. La première partie du récit nous montre les préparatifs du départ du père de Gyorgy pour un camp de travail et l'arrestation inattendue du garçon dans les jours suivants. L'épisode central, le plus long, décrit son séjour à Auschwitz (camp d'extermination) puis à Buchenwald (camp de concentration). Enfin, nous assistons à son retour à Budapest, suite à la libération du camp par les Américains.
Commençons par les réserves. La première, qui saute aux oreilles, est la musique d'Ennio Morricone, d'un sentimentalisme qui va à l'encontre des autres choix de Kertesz et Koltai (on a même droit à la flûte de pan). Les séquences à Auschwitz en sont heureusement dépourvues, ce qui traduit peut-être l'embarras des auteurs face à cette partition. La seconde tient à quelques moments où Koltai se laisse un peu dériver vers la trop belle composition : un ou deux plans oniriques sur Gyorgy et surtout une plongée sur les détenus obligés de rester debout immobiles dans la cour du camp pendant des heures et se balançant de fatigue tels des herbes ondulant sous le vent.
Mais à part ces scories, ce souci plastique porte ses fruits. La photographie est remarquable, passant insensiblement des bruns et ocres des premières scènes dans les intérieurs cossus de Budapest à un quasi-noir et blanc dans les camps, pour finir avec seulement quelques touches de couleurs qui réapparaissent avec le retour à la vie. Dans les carrières nazies, les tenues rayées des déportés se fondent dans le gris de la pierre. Entrecoupés de fondus au noir, ce sont des flashs de la vie dans l'univers concentrationnaire qui sont proposés, plutôt qu'un récit clairement articulé. C'est la grande qualité du film, ce qui fait que le pari est réussi. On est vraiment dans un flux de la mémoire, dans une succession d'instants comme autant de souvenirs terribles. Grâce à ce choix de narration, l'impression est forte d'une gestion du temps qui n'appartient plus ni au personnage, ni par extension, au spectateur. Ce flottement temporel est de plus en plus prégnant, jusqu'au passage à l'infirmerie où Gyorgy, à moitié mort, ne sait plus où il est, pourquoi on le soigne, qui gère le camp.
Sûrs de leurs choix esthétiques et moraux, Kertesz et Koltai se permettent même de placer une réponse à La liste de Schindler, avec une scène de douche dont le "suspense" est autrement mieux justifié que chez Spielberg. Gyorgy/Kertesz, incarné avec excellence par le jeune Marcell Nagy, est le personnage idéal. Ce n'est ni un enfant auquel la réalité échapperait, ni un adulte qui prendrait à bras le corps le récit. Gyorgy se laisse porter par les événements (il ne fuit pas lors de la rafle alors que le policier hongrois lui fait un signe de la tête) et se propose en quelque sorte pour guider notre regard. A quelques rares exceptions près (voir plus haut), Koltai garde le point de vue de l'enfant. Sa défaillance, son horrible blessure, son état dans les dernières semaines sont bouleversants. Les séquences du retour sont elles aussi remarquables, par leur retenue et leur capacité à rendre la fracture irrémédiable entre ceux qui reviennent des camps et ceux qui les attendent (et qui posent toujours la question : "Comment c'était ?", question à laquelle aucune réponse ne peut alors être formulée).
Être sans destin, passé inaperçu lors de sa sortie française en 2006, est bien, à ce jour, le film de fiction réaliste le plus satisfaisant sur le sujet.
Commentaires
Pourquoi aucun cinéaste ne devrait essayer ? La réponse à cette question coule de source, edsissi. Oui, il suffit de regarder les images qui ont été tourné à la libération des camps pour savoir que le cinéma de fiction sur le sujet a toujours et sera toujours à côté de la plaque! Le déporté est comment dire? impossible à mettre en boîte!, fut-elle tenue, cette boîte, par les plus grands. Seule Marceline Loridan-Ivens a réussi à filmer l'histoire de la déportation et peut-être tout simplement parce qu'elle n'a pas montré de déporté!.
J'ai chroniqué ce film sur mon blog et la doxa sur les camps est en effet encore vivace du fait de problématiques bien mal posées.
Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié ce film courageux. Etant "spécialiste" de la question, du fait de mon travail de thèse, je ne peux qu'être déçu par l'accueil médiocre voire inexistant du film (seul Positif lui a consacré un ensemble).
Bien évidemment, il faut lire le livre, véritable chef-d'oeuvre qui relate une expérience spécifique du camp.
A Karamzin, je citerais Térence : "Rien de ce qui est humain ne m'est étranger". Je ne vois donc aucune raison pour les cinéastes de ne pas aborder ce sujet. Au contraire, il s'agit d'un évènement majeur de l'histoire de l'humanité, qui remet en cause bien des choses, sur la notion même d'humanité. Il me semble primordial de s'en approcher et de s'y confronter. Après, il y a la manière et on pourra en discuter. Ce n'est pas toujours évident, car sur un tel sujet, les sensibilités de chacun sont à vif et les représentations qu'en donne tel ou tel cinéaste renvoient à nos propres limites, nos propres appréhensions de l'évènement. Le travelling de Rivette a eu le tort de vouloir poser un absolu là ou règne la subjectivité.
Sans avoir écrit de thèse, c'est un sujet qui me passionne, j'ai vu beaucoup de films et lu beaucoup de livres. Celui d'Imre Kertesz est remarquable, proche de celui de Levi, plus glaçant peut être à cause du ton employé, vaguement détaché, par son auteur. Comme Ed et El Pibe, je regrette que le film ait eu une carrière aussi rapide. Du coup je l'ai manqué mais c'est en lisant le dossier de Positif que j'ai découvert le livre.
Mais je suis aussi un admirateur de "La liste de Schindler" et un jour, je ferais quelque chose sur ce que la scène de la douche signifie pour moi. Et ce n'est pas un problème de suspense.
Aujourd'hui apparemment, c'est le bazar pour laisser un commentaire sur mon blog. J'espère que cela ne va pas durer.
Du coup, Vincent m'a brillamment coupé l'herbe sous le pied pour répondre. Voici ce que je me suis échiné à vouloir publier ce matin :
Karamzin : Je ne pense pas que la fiction soit toujours "à côté de la plaque". Plutôt en-deça. Mais à la limite, on pourrait dire cela de tous les films de guerre et autres atrocités. L'image documentaire a une force et une brutalité qui ne peut être restituée telle quelle. Mais il y a des détours possibles, il y a l'évocation. Et pas uniquement l'évocation par défaut. Comme je l'ai écrit, bien sûr qu'on ne peut pas filmer n'importe quoi et n'importe comment, bien sûr que je ne vois pas comment on pourrait "rejouer" certaines choses, mais je ne comprends pas que l'on pose un interdit absolu sur cette question. Laissons les cinéastes faire et jugeons au cas par cas sans condamner a priori. Quant à Marceline Loridan, je ne connais pas son travail sur le sujet. J'imagine que c'est du documentaire.
El Pibe : Je vais vite aller lire ta chronique. Je te rejoins pour déplorer l'écho à peu près nul qu'a eu la sortie du film, alors qu'il est d'une grande qualité. Le film (et le dossier Positif de l'époque) donne très envie de lire le livre, d'autant plus que l'adaptation semble avoir modifié pas mal de choses pour le passage à l'écran.
Donc, Vincent : D'accord avec toi. Pour ce qui est du Spielberg, cette histoire de "suspense" n'est que le souvenir qu'il me reste. Je serai bien incapable d'être plus précis. Il me tarde donc de te lire sur ce sujet-là.
Pour Vincent : Certes la phrase de Térence est belle et juste, mais quand le cinéma trompe à être toujours en deçà de la réalité du déporté, quand il se moque bien de la morale à esthétiser ce qui ne doit pas l’être, quand il peut gêner des survivants des camps, a-t’il le droit de persister? Et qu’aurait-il à dire de plus, dans le cas où sur le sujet l’on parvenait au film parfait (ce dont je doute fortement) qu’une image, qu'un documentaire, montrant des déportés, des fosses communes où des bulldozers ont entassés des corps comme ils l'auraient fait de gravats?
A cela, j’ajouterai encore que la déportation, l’usine de mort nazie, n’est pas le support idéal pour philosopher sur le grand mal. Question de morale encore, de respect aussi.
Pour Ed : Comme je te le disais dans mon précédent commentaire, il suffit de regarder un documentaire sur la libération des camps pour savoir que ni Spielberg, ni Pontecorvo, ni Enrico, ni Chomsky, ni qui que ce soit d’ailleurs, n’a su rendre la réalité des camps. Maintenant qu’entends-tu par évocation? Si tu faisais par là référence à la vie du déporté, je te conseillerai plutôt de lire que de te frotter à ce type de cinéma (Levi, Kertesz, bien sûr, mais aussi des Voix sous la Cendre écrit par les SK d‘Auschwitz et le Monde de Pierre de Tadeusz Borowski ).
Quant à cet interdit que tu dénonces avec, disons, une certaine véhémence, je dirai tout simplement que tout dépend de l’idée que l’on se fait de la morale et du respect de ces morts.
Il y a une idée qui me gène là-dedans, c'est que le cinéma de fiction ne pourrait aborder de tels sujets. Cela sous entend une sorte de handicap que n'auraient pas le documentaire, la littérature ou le théâtre. Il y a pourtant de mauvais livres sur le sujet, d'autres qui posent des questions de morale et de point de vue (voir « Les bbienveillantes »). Pour le documentaire, il ne faut pas oublier que certaines images de libération des camps ont été « rejouées » comme à Auschwitz, que sans que cela n'ôte rien à ses qualités, « Nuit et brouillard » est incomplet historiquement, que la première fiction sur les camps, « La dernière étape » de Wanda Jakubowska a été tourné sur place, par et avec des rescapés, ce qui n'empêche pas des côtés très discutables. Pourquoi alors généraliser ? Que certains films posent des problèmes ne devrait pas disqualifier le cinéma dans son ensemble. Le film parfait n'existant pas, heureusement, je trouve intéressant et stimulant de pouvoir explorer différents points de vue, différents modes de représentation, différentes approches. Comme je l'avais écrit, moi j'ai besoin de faire la synthèse entre Resnais, Spielberg, Costa-Gavras, Pontecorvo, Levi, Kertesz, Hilberg, Lanzmann, la liste est longue. Je refuse absolument cette idée qu'il y aurait une seule façon « juste » d'aborder l'Histoire qui est un peu le discours de Lanzmann et ce contre quoi s'élève Ed. Je ne crois pas que les images dont vous parliez soient suffisantes à rendre l'ampleur de ce que cela a été. Il y a surement autre chose à dire, bien plus, sinon, nous n'aurions pas continué à voir d'autres images tout aussi terribles depuis 1945.
D'autre part je ne crois pas que Pontecorvo, Spielberg et les autres se « moquent de la morale ». Outre qu'ils ont un lien relativement direct avec l'èvènement par lui même (Pontecorvo était partisan, Polanski évoque aussi son enfance, Spielberg sa famille...), ils considèrent, je pense, que le respect et la morale imposent un devoir de transmission et de mémoire. Avec la disparition des derniers survivants et témoins, avec la quasi absence d'images (ce qui faisait partie du plan d'extermination), la piste de la fiction ne me semble pas à négliger. Encore une fois, je comprends que, selon les sensibilités, on puisse rejeter telle ou telle représentation. Mais je continue à m'élever contre ces façons de poser des absolus.
Pour ne pas faire doublon avec les propos de Vincent, je réponds juste à tes dernières remarques, Karamzin.
Par évocation, j'entendais toute démarche cinématographique de fiction qui consiste à parler de la shoah sans la représenter directement, en en filmant que les traces, en se bornant à raconter l'avant et l'après ou en usant de métaphores s’y rapportant au sein d’un récit consacré à première vue à autre chose. Ce choix n’est, à mon avis, pas le seul possible. J’ai lu Levi (certes il y a longtemps) et ça ne m’empêche pas de me "frotter à ce type de cinéma" en question ici, parfois avec grand intérêt.
Je suis d’accord avec toi, chacun peut accepter ou pas ces fictions « réalistes », en fonction de sa position morale, de son histoire etc… Ce n’est pas cela qui me gêne. L’interdit dont je parle ne vient pas de là. Posé par certains intellectuels et critiques, il se fonde moins sur l’idée de morale et de respect que sur une adhésion rigide à une doxa. Avec cet esprit de chapelle bien connu, ils en reviennent toujours au film de Lanzmann, décrété limite infranchissable, et au texte de Rivette sur Kapo (dès que quelqu’un démontre, images à l’appui, tout en restant respectueux de Rivette, que l’analyse de celui-ci est abusive, il se fait insulter par les gardiens du temple). C’est ce genre d’attitude-là qui me déplait beaucoup.
Enfin, je ne pense pas que ces films manquent de respect envers les victimes, ou alors pas plus que n’importe quel film basé sur des faits réels ayant entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes.
Hasard et coïncidence. Sur un blog que j'aime bien paraît aujourd'hui même une critique de Kapo : http://shangols.canalblog.com/archives/2008/04/09/8704272.html
Et du coup, j'en profite pour lier une note de Vincent sur le sujet, si il me le permet, texte que j'aurais aimé écrire si j'avais eu un blog à l'époque : http://inisfree.hautetfort.com/archive/2006/09/07/nous-vivons-une-epoque-formidable.html
Tout d’abord, je ne crois pas que tous ceux qui approuvent les positions véhémentes de Claude Lanzmann considèrent son film comme le seul possible pour reproduire cinématographiquement la Shoah. Non, ce qu’ils défendent en le plébiscitant, c’est une vision saine de la reconstitution historique, une vision expurgée de toute interprétation, de tout sentimentalisme, de tout voyeurisme, de toute édulcoration, de tout spectacle et même de tout discours!. Car Shoah, c’est quoi sinon des heures et des heures d’Histoire brute, d’Histoire respectée à 100%?, et outre le merveilleux documentaire sur la déportation qu’il est, cette démarche de dire haut et fort, et on ne peut plus clairement, que si les images d’archives n’existent pas, alors ne les filmons pas, surtout pas, pour ne pas tromper!
Personnellement, et vous avez dû vous en rendre compte, je souscris pleinement à cette idée, à ce principe qui veut qu’on ne prenne pas l’Histoire pour autre chose que c’est qu’elle est, et ce d’autant plus lorsqu’elle est, comme ici, inénarrable, et quand bien même, pour certains réalisateurs, la remodeler, l’imaginer, serait motivé par le nécessaire devoir de mémoire - par ce nécessaire devoir de mémoire mais néanmoins très peu attendu, en effet, irait-on vers le Falkenau, une vision de l’impossible, de Samuel Fuller si ce film sortait, bien sûr, au cinéma, comme on a couru vers les héros de Spielberg et de Polanski, certes, archi-blindés à défendre la sainte cause, mais avant tout spectaculaires?
Le cinéma de fiction, chers Vincent et Ed, est avant tout spectacle et tout ce qu’il parviendra à faire de la Shoah, c’est de la banaliser et de nous tromper sur sa réalité.
En conclusion, je voudrais juste citer William Styron et Simone Weil parce qu’ils disent, du moins il me semble, les mots justes sur ce que nous débattons : ‘Nous avons, en réalité, aucune idée du mal authentique. Tel qu’il est représenté dans la plupart des romans, pièces de théâtre et films le mal est médiocre, voire faux, une minable concoction dont les ingrédients sont en général la violence, les fantasmes, la terreur névrotique et le mélodrame (WS)’ , ‘Ce mal imaginaire est romantique et varié, alors que le mal réel est sombre, monotone, dépouillé, ennuyeux (SW)’
Certes, partisans eux aussi pour des faits vrais, pour une shoah non passée par la moulinette de la culture populaire, je ne les ai pas cité totalement désintéressé!. Cela dit, sachez, tous deux, que je respecte vos points de vue.
Karamzin, le respect des points de vue est ici partagé :)
Je vois que dans ce genre de débat, c'est à mon sens une certaine idée du cinéma que chacun tente de définir. Je ne peux vous suivre quand vous écrivez que le cinéma de fiction est avant tout spectacle. Pour moi, c'est un mode d'expression artistique avec ses propres techniques et derrière chaque film, il y a un homme et un point de vue. Que ce soit les images contemporaines de Lanzmann, la reconstitution de Spielberg, les archives de Resnais, il y a mise en scène, choix, point de vue, discours, montage et dans les trois cas la construction d'une fiction au sens de récit, d'une dramaturgie. Pour moi un film est un film et je ne sais pas ce que serait une image "objective". Même une caméra de vidéo surveillance a un champ et donc un contre champ ou peut se loger ce que vous appelez le mensonge. Après c'est une question de sensibilité, d'intelligence, d'honnêteté, de talent.
Les citations de Styron et Weil sont intéressantes, mais ils oublient deux choses. la première c'est que l'art (élargissons le champ au-delà d'un sujet spécifique) peut rendre l'ennui, le banal, l'ordinaire, le trivial passionnant, c'est justement là qu'il dépasse le simple spectacle et provoque la réflexion. C'est Bergman par exemple. L'autre, c'est que si les cinéastes ont souvent abordé la Shoah, ce n'est pas forcément pour se confronter directement au mal (je crois même qu'ils essayent le plus souvent de l'aborder de biais). Le film de Spielberg est d'abord un film sur un choix moral (Schindler contre Goeth) et c'est peut être ce qu'on lui reproche. Pontecorvo voulait à la base rendre hommage à ses camarades disparus et son film est sur l'esprit de résistance, on peut multiplier les exemples. Peut être que filmer "le mal authentique" est effectivement impossible.
Je n'ai pas bien compris votre phrase sur Fuller. il a filmé Falkenau, en vrai, puis il l'a fictionné dans "The big red one". Ce n'était en rien impossible. Avait-il un autre projet ?
Je pense également que ceux qui abordent le sujet par la fiction ne désirent pas le traiter par le biais du Mal. Cette recherche se fait ailleurs, dans d'autres genres, dans les films de serial killer par exemple. Pour la Shoah, les fictions s'appuient, pour l'instant, essentiellement sur des témoignages de survivants (je rappelle que Etre sans destin est scénarisé par Kertesz lui-même et que celui-ci revendique chaque plan du film), ce qui protège quand même un minimum du spectaculaire et de la banalisation. Avec le temps, on verra...
Sinon, il va sans dire, Karamzin, que je partage ton point de vue sur ce qui fait la force et la grandeur du Shoah de Lanzmann.