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Julia

(Erick Zonca / France / 2008)

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183517848.jpgCe n'est pas de gaieté de coeur que je m'apprête à dire du mal de Julia. J'avais beaucoup apprécié, à la fin du siècle dernier, La vie rêvée des anges et Le petit voleur. Ce retour était donc attendu et intriguait d'autant plus avec ce projet : tourner aux Etats-Unis l'histoire d'une femme sous influence (celle de l'alcool principalement) qui a cette idée folle de kidnapper un enfant de 8 ans afin d'extorquer à sa famille deux millions de dollars.

Le problème n'est pas tellement la transplantation d'un univers. Zonca s'adapte parfaitement et sans le générique, nous serions bien en peine de démontrer que le film est réalisé par un européen. Julia, avant d'être un film noir, est un portrait de femme. Du début à la fin, la caméra reste collée à Tilda Swinton, qui se jette corps et âme dans son rôle. Dans la première partie, où on la suit de bars en bars s'enivrer jusqu'à se réveiller complètement paumée le lendemain matin dans des lits inconnus (Zonca, par son montage, nous réserve les mêmes surprises qu'elle), l'actrice réussit l'une des choses les plus difficiles au cinéma : rendre plausible l'état d'ivresse et son pendant pâteux du lever du jour.

Le kidnapping, au cours duquel, forcément, tout va de travers, fait bifurquer le film. La dureté et l'inconscience de Julia envers Tom, le gamin, donnent une série de scènes glaçantes et l'évolution de leurs rapports est des plus réalistes. Le tourbillon organisé autour de Julia semble se calmer avec ce tête à tête imposé, d'autant plus que le drôle de couple se retrouve dans le désert californien. On s'aperçoit alors que cette femme, rendue tout à fait imprévisible par l'alcool, est finalement tout aussi insupportable à jeun. Son irresponsabilité confine à la bêtise. Pourtant, Zonca tient absolument à nous accrocher à elle (il faut reconnaître que son point de vue est rigoureusement épousé, nous ne suivons qu'elle, en laissant hors champ tout protagoniste quitté). Mais tenir aussi longtemps à côté d'un tel personnage est une sacrée gageure et le soutien d'une mise en scène d'équilibriste est nécessaire. Celle de Zonca est agitée et énergique, malheureusement elle n'est que cela. Il y a trois ans, Lodge Kerrigan avec Keane, proposait, sur un thème très voisin, le portrait d'un homme au bord du gouffre. Le voyage dans un esprit dérangé, ramassé sur 1h40, se révélait autrement plus impressionnant que les fatigantes 2h20 de Julia. Pour continuer dans les confrontations défavorables (Zonca lui-même nous y incite dans ses entretiens très référencés), la partie mexicaine ne soutient pas la comparaison avec la moindre séquence d'Amours chiennes et le long tunnel de la dernière demi-heure ne fait passer la tension des situations que par une hystérie collective particulièrement pénible.

Je peste assez contre le manque d'ambition des cinéastes français pour ne pas regretter fortement cet échec. Il ressemble assez à celui de Bruno Dumont avec Twentynine Palms. Espérons donc que Erick Zonca enchaîne avec son Flandres à lui.

Commentaires

  • Je ne sais pas trop ce que tu as entendu par "irresponsabilité" concernant ce film? Je crois que l'altérité de l'alcool et son influence sur le personnage conduit la construction et la mise en scène pour un film qui fait totalement corps avec "Julia" sans pour autant nous obliger à adhérer à ses actes. C'est ce que j'ai apprécié et cette honnêteté dans la liberté du film. Il est ouvert et le rapport du spectateur à l'héroïne dans une certaine série de scène difficile en fait toute sa chaleur et sa tension... Zonca s'en tient toujours mine de rien au genre de déroulement à l'œuvre dans "Le petit tueur".

    e trouve Inarritu par exemple beaucoup plus manipulateur, facile et tonitruant dans ses démonstrations...

    Mais je comprends tout à fait que le film puisse rebuter.

  • "Irresponsabilité" du personnage, pas du film. Son comportement aberrant nous empêche toute adhésion. Mais comme tu le dis justement, la mise en scène colle au dérèglement qu'induit l'alcool sur l'esprit de Julia. Seulement, pour moi, elle ne réussit pas à transcender mon manque d'attachement à l'héroïne.

  • Je te rejoins sur cette critique de Julia. Film décevant voire même irritant sur la fin où ça hurle des "cabron" à toutes les sauces. Pénible.

    Et justement, je m'apprêtais à regarder Keane, film pour lequel j'ai un coup de coeur avant même de l'avoir vu, et je n'aurais pas pensé qu'on pouvait le rapprocher de Julia. ;)

  • Il faut en effet voir Keane, qui n'est cependant pas un film de tout repos, loin de là. J'y ai pensé en voyant Julia à cause du thème (dans Keane : une enfant disparue, son père au bord de la folie qui la cherche dans une gare et qui se voit confier une autre gamine pour quelques temps), de l'esthétique radicale et du choix de coller au personnage au plus près (dans Keane avec cette impression d'être vraiment dans la tête de celui-ci). La différence est que le film de Lodge Kerrigan est pour moi l'un des plus marquants de ces dernières années.
    Merci pour la visite et les commentaires.

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