(Wim Wenders / Etats-Unis / 2005)
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La semaine dernière, je posais la question "Êtes-vous Wendersien ?". Or il se trouve que Arte a diffusé ce jeudi soir Don't come knockingqui, présenté à Cannes en 2005 était passé chez pas mal de gens pour le film du grand retour du cinéaste. Cependant, j'ai du mal à écrire que le hasard fait bien les choses tant ces deux heures de chromos furent pénibles pour moi. Je n'en appellerai pas cruellement au passé de Wenders. Je n'utiliserai pas non plus l'ironie pour le démonter (bien que ce Ne viens pas faire toc-toc le mériterait). Je me bornerai à dire calmement quel mauvais film nous avons là.
Dès le départ, avec ce cow-boy qui s'échappe à cheval d'un tournage en plein désert, on sent que ça ne va pas aller : ces images léchées, ce portait rabattu d'une équipe de cinéma au travail, ces silhouettes stéréotypées, cet humour qui se force à paraître incongru... Le premier quart d'heure est une catastrophe et les choses ne s'arrangent guère par la suite. La faute en incombe autant à Wenders qu'à Sam Shepard qui signe un scénario sans intérêt particulier et qui joue sur une seule note son rôle d'acteur vieillissant. Ce Howard Spence, ancienne gloire revenue de tous les excès, décide de tout plaquer, de se délester de son attirail de cow boy de pacotille et de ses cartes de crédit. Et tout ça pour quoi ? Pour aller voir sa mère, laquelle était restée sans nouvelle de lui depuis trente ans. Celle-ci en profite pour lui annoncer qu'il est père depuis longtemps. Il se dirige donc vers le Montana à la rencontre de son fils et de la femme qu'il a aimé brièvement, des années auparavant.
Si cette quête relance un tantinet la machine, l'émotion qu'elle est censée provoquer, grâce aux retrouvailles à l'écran de Sam Shepard et Jessica Lange, n'advient jamais. Certaines scènes sont d'ailleurs assez pathétiques puisque Wenders cherche à jouer sur plusieurs tableaux (voir la crise que pique Jessica Lange dans la rue, en disant à Shepard ses quatre vérités... le tout sous les yeux de deux culturistes en train de faire leur gym). C'est que le cinéaste veut faire un film décalé. Mais si Wenders était le roi de la rigolade, ça se saurait. Toutes ses tentatives tombent à plat et les seules qui marchent un petit peu (comme le personnage mono-maniaque de détective pour assurances, joué par Tim Roth) semblent copiées sur l'absurde de Lynch ou des frères Coen.
Tout est enrobé de nostalgie, rien n'a de prise sur une quelconque réalité. Nous n'avons qu'une série de vignettes décalées, où la mise en scène se réduit à des touches bariolées, humoristico-poético-gnan-gnan, dénuées de toute rigueur dans la narration ou les dialogues, du niveau disons d'un Klapisch ou d'un Besson période Subway. Le regard porté sur les plus jeunes a la couleur de la guimauve (passant par exemple totalement à côté du potentiel émotionnel et énigmatique que portait le personnage angélique interprété par Sarah Polley).
D'accord, Wim Wenders sait encore comment bien placer deux ou trois accords de guitare pour amorcer une séquence, filmer un batiment dans un cadrage-hommage à Hopper ou faire ressentir l'agressivité lumineuse d'un casino, mais cela s'arrête là. Ah si, Don't come knocking a pour moi un avantage : me rappeler combien était agréable la balade sur le même thème paternel du Broken flowersde Jarmusch (héritier officiel de Wenders) et me faire dire que finalement le récent voyage au pays des néons proposé par Wong Kar-wai (héritier officieux) dans My blueberry nights n'était pas si mal.
Commentaires
Un père et passe
Don’t come knocking, drame psychologique, 2005, ados, ***
Star de western vieillissante, Howard Spence quitte à bride abatture le plateau de tournage de son dernier film. Depuis longtemps déjà, il vit en solitaire et noie son dégoût de lui-même dans l’alcool, les filles faciles, la drogue et quelques coups de poings. Mais lorsque sa mère lui apprend qu’il a peut-être un enfant quelque part, une lueur d’espoir renaît : sa vie n’a peut-être pas été aussi vide qu’il le pense…
Avec DON’T COME KNOCKING, Wim Wenders boucle la boucle entamée avec PARIS, TEXAS, vingt ans plus tôt.
Il ne s’agit plus ici de partager la conquête d’un Ouest rêvé car, à la soixantaine sonnante, le réalisateur allemand, toujours nostalgique, semble un peu plus résigné.
Le décor du film, personnage à part entière du récit, c’est donc celui de l’Ouest démythifié, d’une Amérique qui dégringole. Le reflet du miroir du héros du film, évidemment.
Bien qu’il se défende avoir fait un film sur un cow-boy moderne solitaire, Wenders donne à Howard Spence l’image archétypale du vieil héros de l’Ouest, fatigué de chevaucher seul, rêvant à retrouver ceux qu’il a laissés derrière lui pour donner un sens à son existence. Et à ce jeu, les traits burinés, la voix rauque, bagarreur et alcoolo fini à ses heures, Shepard la joue somptueusement bien en ‘’poor lonesome cow-boy’’ déglingué.
Mais venons-en au sujet principal de l’histoire: comme plusieurs films projetés à Cannes en 2005 (L’Enfant, Boken flowers…), Don’t come… est avant tout un récit sur la paternité, plus grave que le Jarmusch, mais qui comporte ses accents d’humour et un imaginaire particulièrement original (notamment à travers le personnage de Sarah Polley, sorte d’ange qui ne quitte pas une urne contenant les cendres de sa mère).
Avec Shepard au scénario,Wenders a retrouvé les ailes du désir de filmer. Certains lui reprochent de faire du Wenders. Mais c’est ce qu’il fait de mieux : un cinéma d’errance, de quête d’identité à travers des paysages sublimes… qui deviennent par la magie de ses cadrages des tableaux du peintre américain Edward Hopper.
Dans ce voyage du père, il y a aussi une mère. En une scène magique entre Shepard et Lange (tous deux magnifiques), le réalisateur dit l’essentiel sur les rapports hommes-femmes…
Amant et père démythifié, au bout du voyage, Spence ne sera plus tout à fait le même, mais pas tout à fait un autre. Comme nous, dont il aura remis les évidences en question.
Le cinéma a aussi cette vertu, quand il est bien fait, celle de nous apprendre à devenir des êtres humains plus fréquentables. Merci, Wim.
Th. V.W.
Merci pour la visite et pour cet avis... qui s'oppose exactement point par point au mien.
J'en reprends juste un : je n'aime pas du tout ce que fait Wenders du personnage de Sarah Polley, apparaissant d'abord comme une fille "normale" à qui on consacre un récit parallèle puis finalement, à coups d'apparitions/disparitions se révélant plutôt ange. Par cette indécision, à la place de la magie et du mystère, je n'ai trouvé dans ces scènes que de l'arbitraire.