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Cabaret

(Bob Fosse / Etats-Unis / 1972)

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613950862.jpgIl me semblait bien qu'une première vision, bien lointaine, de Cabaret, nonobstant sa réputation et ses huit médailles aux Oscars, ne m'avait pas plus enthousiasmé que cela. L'impression initiale est aujourd'hui confirmée.

Tiré d'un spectacle à succès de Broadway, le film nous montre la rencontre et la brève liaison, dans le Berlin de 1931, entre Sally Bowles, chanteuse américaine délurée, et Brian Roberts, professeur d'anglais introverti. Autour d'eux gravitent un jeune arriviste, un riche industriel, une juive de grande famille. Le récit est scandé par les numéros du Kit-Kat Club, cabaret dont Sally est la vedette, aux côtés d'un mystérieux et étourdissant maître de cérémonie. Tout cela se passe au moment où les Nazis commencent à étendre leur influence sur tout le pays.

Avec ce film, Bob Fosse bouscule le musical classique par deux coups d'épaule : les numéro musicaux assument une certaine vulgarité et ils baignent dans un contexte historique précis et dramatique. Ces séquences font toutes partie du spectacle du Kit-Kat Club; le problème de la transition parlé-chanté ne se pose donc pas. Fosse modernise tout cela par le montage, les cadrages en contre-plongée (point de vue du spectateur du premier rang), la mobilité de la caméra et les focales utilisées (ruptures, effets grossissants : certains plans lors du show semblent sortis du cinéma de Kubrick ou de Fellini). La mise en scène, de ce point de vue est bluffante, même si les promesses des deux extraordinaires premiers numéros (l'introduction sur le fameux morceau-titre et le bouillant Mein Herrde Liza Minnelli) ne sont pas toujours tenues par la suite.

Pour tout ce qui se passe en dehors du cabaret, l'intérêt est loin d'être le même. Au niveau de l'esthétique, l'image cède à la mode des années 70 de traiter toute histoire se situant entre la Belle époque et la guerre de 40 à grands coups de flous artistiques et de sources lumineuses à la diffusion irréelle. Les intrigues amoureuses, qui se traînent en longueur à force de pudeur, sont ainsi enjolivées. Certes, cette joliesse s'oppose à l'agressivité des numéros musicaux, ainsi chargés de commenter ce que les protagonistes, dans leur bulle, ne veulent pas voir : la réalité d'une société moribonde et l'arrivée d'un fléau. Le problème est que la montée du nazisme est montrée de façon bien conventionnelle. Une scène assez démagogique nous montre un charmant blondinet entonnant un chant nazi lors d'une fête de village. Tous les convives finissent par reprendre en coeur, debout, exaltés. Tous sauf nos trois héros, qui font quand même mine de s'inquiéter un peu en repartant. L'autre approche est celle, parfois impressionnante mais rabattue depuis le chef d'oeuvre que fût Les damnésde Visconti (en 1969) : la description d'une société décadente, allant à sa perte, peuplée de vivants aux masques de mort et laissant le chemin ouvert à Hitler et ses hommes.

Film ambitieux, bénéficiant de la présence et de la gouaille de Liza Minnelli et de l'inquiétante figure de Joel Grey en maître de cérémonie démiurge (et d'une bonne interprétation de Michael York), Cabaret n'est donc pas sans défauts, comme l'est All that jazz. Le meilleur film de Bob Fosse reste, définitivement, le non-musical Lenny.

Commentaires

  • Pour moi, qui considère Cabaret comme un chef-d'oeuvre à part entière et pas seulement de la comédie musicale parce qu'il y a quand même là-dedans un vrai regard, à la fois chargé de cynisme, de cynisme flamboyant, sur le décadent Berlin des années trente et bourré de tendresse sur les belles ambitions freinées net par l'irrésistible montée au pouvoir du nazisme, je dois t'avouer, cher Ed, que ton billet, finalement assez peu flatteur pour ce film, m'a quelque peu déçu, voire irrité parce qu'en plus du reste, tu sembles ne pas vouloir accorder à Liza Minnelli la place qu'elle mérite! A son sujet, tu parles de gouaille, moi je dirais flamme, fougue, entrain, présence et aussi infinie justesse de ton, parce que, somme toute, la précarité de Sally dans son besoin de plaire à tout prix, coûte que coûte, ne lui a pas échappé non plus.

  • Karamzin, si j'ai été quelque peu déçu par le film, ce n'est certainement pas à cause de Liza Minnelli. J'aurai dû insister en effet un peu plus sur sa performance. Parler de gouaille est réducteur (mais pas péjoratif pour moi, je cherchais à faire comprendre le dynamisme, l'humour et la provocation du personnage) et j'acquiese devant les mots que tu alignes à son sujet. J'aime la façon dont on la surprend au réveil, les yeux encore maquillés de la veille. Et son numéro principal "Mein Herr", comme je l'ai dit, est ébouriffant.
    Rien à dire sur l'aspect musical, c'est ce qu'il y a autour qui m'a laissé insatisfait. Quant aux ambitions freinées, ce sont ici celles de deux étrangers qui, de toute façon, pourront s'en sortir ailleurs. Les trois personnages secondaires allemands sont vus d'un oeil bienveillant. Le reste de la société se réduit à des silhouettes. Le décadent Berlin n'est à la limite qu'un decorum, alors que chez Visconti, on sent bien que le venin se développe dans toutes les couches de la société, que tous les personnages sont touchés (il n'y a certes pas de tendresse dans "Les damnés").
    En même temps, je sais bien que le film joue sur les apparences, les réalités qui ne coïncident pas, l'opposition spectacle/vie réelle etc... C'est pourquoi je ne voudrais pas paraître balayer "Cabaret" d'un revers de manche. Il y a des choses qui me plaisent et le moment passé est agréable.

  • Je confirme que Lenny reste le meilleur film de Bob Fosse et un des meilleur rôle de Dustin Hoffman. Cabaret c'est l'ambiance, les chansons, Liza Minnelli et Joel Grey. Mais les chansons se suffisent à elles-mêmes sans le film.

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