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C'était mieux avant... (Mai 1984)

Avril est passé. Il est temps de revenir sur ce qui se passait dans les salles de cinéma françaises en Mai 1984 :

footloose.jpgBien évidemment, le film du mois est... Footloose de Herbert Ross, dans lequel Kevin Bacon luttait pour son droit à danser le rock'n'roll dans la bourgade tenue d'une main de fer par un rigide pasteur, également père de la craquante Lori Singer qui l'attirait tant (Kevin, pas le pasteur). Une fausse rébellion livrée clés en main à un public adolescent peu regardant et n'ayant jamais vu La fureur de vivre (la course de voitures est reprise, mais avec des tracteurs). A douze ans, cela peut faire illusion une fois. Pas deux.

Trêve de plaisanteries : Il était une fois en Amérique. Leone est enfin de retour après 12 ans de silence et boucle sa deuxième trilogie avec son oeuvre la plus complexe, la plus monstrueuse, la plus écrasante. Le film dure 3h30 et ne cesse de nous balader d'une époque à une autre et à la première vision, on n'est pas sûr d'avoir tout compris (mais ce n'est pas grave, on sait qu'on le reverra plus d'une fois). Leone fait pleurer sur la mort d'un gamin filmée au ralenti, estomaque par ses éclats de violence, fait rougir en multipliant les séquences graveleuses, fait frémir en laissant penser que, sûrement, Max a fini dans le camion poubelle. La musique de Morricone est encore une fois indissociable des images. On achète la cassette de la B.O., on se la repasse jusqu'à plus soif. A ce moment-là, pour nous, Leone est le cinéma. Vingt ans après, l'impact du film n'a guère diminué mais ce que l'on en retient dorénavant, c'est plutôt ce plan final, si énigmatique, ce sourire qui nous dit peut-être que toute cette histoire n'est qu'un fabuleux mensonge.

Videodrome.jpgMai 1984, c'était le mois James Woods, l'excellent acteur à l'affiche du Leone se retrouvait aussi sur celles de Contre toute attente et de Videodrome. Le premier (avec Rachel Ward et Jeff Bridges), remake du Out of the past de Tourneur par Taylor Hackford, fit son petit effet. Reste à savoir si l'esthétique années 80 ne l'a pas trop altéré. Le second est bien sûr le film cultissime de David Cronenberg. Découvert seulement dans les années 90 pour ma part (donc trop tard ?), je n'y adhérais pas entièrement mais étais prêt à reconnaître l'importance de l'oeuvre et son invention assez stupéfiante. De plus, Cronenberg, qui, de Barbara Steele et Marilyn Chambers à Maria Bello et Naomi Watts, a toujours eu le chic pour filmer les actrices les plus troublantes, nous révélait ici une autre facette du talent de Deborah "Blondie" Harry.

Mon rapport à Notre histoire est assez similaire. Bertrand Blier, comme d'habitude, frappait fort en entraînant Alain Delon dans son monde dépressif et absurde. L'étonnement était grand à l'époque, d'entendre l'acteur dire ces mots-là et de le voir abandonner pour un temps la lutte avec Belmondo par gros polars interposés. Mais celui-là non plus n'est pas mon préféré de l'auteur.

lafemmepublique.jpgPassons aux films que je ne connais pas. Mai 1984, c'était aussi, finalement, le mois des films ou des auteurs réellement ou potentiellement cultes. J'ai parlé de Leone, Cronenberg et Blier mais il en reste d'autres. La femme publique d'Andrzej Zulawski (avec Huster et Kaprisky) et La pirate de Jacques Doillon (Birkin, Detmers et Léotard) sortaient en même temps, véhiculant un fort parfum de scandale et promettant une puissante escalade érotique. Qu'en était-il vraiment ? Cette note récente, signée de notre ami le Dr Orlof, refroidi quelque peu, 25 ans après, les ardeurs adolescentes. De son côté, Michael Mann intéressait déjà certains avec son film fantastique La forteresse noire, Percy Aldon recueillait quelques suffrages avec Céleste, en attendant son heure de gloire (Bagdad Café) et le grand Jerzy Skolimowski signait une intrigante fable moderne (Le succès à tous prix).

Claude Chabrol et Alain Corneau semblaient se planter aux commandes de deux grosses machines : Le sang des autres (adaptation de Simone de Beauvoir avec Jodie Foster, Sam Neill et Lambert Wilson) et Fort Saganne (le plus gros budget de l'époque qui accouche forcément d'une souris, malgré Depardieu, Deneuve, Noiret et Marceau). Il y avait peut-être mieux à faire ailleurs : L'homme aux fleurs (australien de Paul Cox), Un nid au vent (film de guerre soviétique d'Olev Neuland), Amok (du grand spectacle sénégalo-marocain par Souheil Ben Barka), Ote-toi de mon soleil (de et avec Marc Jolivet), Jeans tonic (Michel Patient avec Géraldine Danon), Mr Mom (comédie de Stan Dragoti avec Michael Keaton et Teri Garr). Si ces derniers titres n'incitent pas non plus, a priori, à l'enthousiasme, il faut se dire qu'il devait y avoir pire, comme avec L'invasion des piranhas (film d'aventures bis d'Antonio Margheriti avec Lee Majors et Karen Black) ou Le fou du roi (Yvan Chiffre avec Michel Leeb), pour ne rien dire de la série des sous-Mad Max italiens (Stryker de Cirio H. Santiago, Le gladiateur du futur de Steven Benson, Les nouveaux barbares d'Enzo G. Castellari).

Du côté des arrivages en provenance de Hong-Kong, Le vieux maître du kung-fu (Chung Sum) et La prise secrète du dragon (Wu Sy Yeuan) n'ont pas grand chose d'attirant mais L'homme à la lance contre Shaolin et Trois fantastiques ceintures noires sont peut-être dignes d'intérêt puisque signés par Chang Cheh.

cahiers359.jpgDans les kiosques, cela part dans tous les sens. Première (86) met Depardieu en couverture pour la énième fois. Positif (279) revient sur Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier et La Revue du Cinéma (394), en célébrant Zulawski, nous permet d'admirer encore et encore la poitrine de Valérie Kaprisky. Starfix (15) trépigne d'impatience en attendant Le Bounty et sa star Mel Gibson. Cinéma 84 s'interroge sur "La femme selon Hitchcock" (photo de Kim Novak dans Vertigo) et Cinématographe propose pour son n°100 un dossier sur les producteurs. Finalement, la couverture la plus attendue est aussi la plus saisissante : celle des Cahiers du Cinéma (359) fêtant Leone.

Voilà pour mai 1984. La suite le mois prochain...

Commentaires

  • Plus que le Leone - il nous faudra bien honteusement confesser qu'il nous attirait à peine - un film et un seul de ce joli mois de mai 84 excitait bigrement notre imaginaire – un autre James Woods cependant !: Videodrome.
    Sans doute La Forteresse Noire de Mann nous titillait itou, le roman de FP Wilson qu'on se prêtait au collège nous ayant bien plu, mais tout nous poussait hypnotiquement vers Videodrome (notre premier Cronenberg ? Non, le second, après Scanners).
    Le courant du mois était aussi marqué par le post-nuke, ces films italiens pompant sec Mad Max 2 et NY 1997 (cf. seurtine), puisque les Castellariens Nouveaux Barbares (avec Eastman et Williamson) et Le Gladiateur du Futur de d'Amato (avec Emmanuelle 4 inside !), mais aussi Stryker (un Road Warrior-like, versant Papagallo) brillaient sur quelques devantures de cinoches bissement « éclairés ». Mais ces titres « prometteurs » ne nous « exciteraient » la fibre qu'une fois sortis en vidéo.

    Donc Videodrome. Videodrome à lire ici:

    http://eightdayzaweek.blogspot.com/2009/05/quel-film-avons-nous-vu-ce-jour.html

  • Marrant de voir que les titres des "grands auteurs" qui allaient à Cannes ce mois-là (Doillon, Corneau, Skolimowski même s'il est toujours "singulier et intéressant", peut-être Blier ou Zulawski) ne sont pas vraiment passés à la postérité alors que les deux titres qui tiennent vraiment le coup, 25 ans après sont ceux de Leone et Cronenberg, longtemps catalogués "de genre". Bon, en même temps, Leone était (enfin) consacré à l'époque et avait droit à sa montée des marches, mais pas (encore) David...
    Sinon, je me demande si, avec le monolithe de 2001, le camion poubelle d'"Il était une fois..." n'est pas "l'objet de cinéma" ayant entraîné le plus grand nombre d'exégèses.

  • Mariaque : Je n'avais pas vu que vous profitiez de ce weekend à rallonge pour nous parler de Cronenberg. Cela tombe bigrement bien.
    Sinon, j'espérais bien bénéficier de votre regard moins centré que le mien pour compléter cette note mensuelle, notamment à propos de ces films post-apocalypse-nucléaire transalpins. Merci donc.

    Joachim : Apparemment, 84 n'avait pas été un très grand cru cannois. L'unanimité autour d'une palme d'or incontestable comme "Paris, Texas" n'est généralement pas le signe d'une grande richesse de la sélection.
    Sinon, bizarrement, je n'ai pas l'impression que le film de Leone ait été beaucoup ré-étudié depuis sa sortie. Mais je me trompe peut-être.

  • Du "Gladiateur", nous disions ceci, il y a quelques temps déjà:

    "Farouchement sommaire dans ses stigmatisations (état fascisant, milice SS-like, jeux (modernes et) télévisuels monopolisant les esprits du peuple, desperado au grand cœur…), éhontément plagieur dans ses motifs (au pompage habituel de Mad Max et NY 1997 s’ajoutent de mercenaires et patents emprunts au western poivrés de cougne-fou anémié (l’improbable Ninja !), de Boulleries Schaffnereuses (quelques lippes de singes pointent le bout de leurs hou-hou-hous) et même de communautarisme tolkienneux !), ce nouvel avatar du post-nuke rital offre l’habituel caravansérail de scories bienheureuses, de complaisances qui forcent l’applaudissement (le sacrifice Kovacs !) et de cheaperies rassérénantes (l’art directing de ces productions (costumes, décors, accessoires) est toujours un bonheur de bout de ficelles maculées) dont il ne saurait s’affranchir sans crainte de perdre leur âme ! Ajoutant ici encore la peu rare arythmie du genre (le film barre à 90° toutes les 20 minutes, les persos font volte-face pour un oui ou pour un non) doublée d’un classique blabla mystico-scientifique sensé épaissir le piètre bouillon de parabole (ici des conneries de mutants irradiés, tantôt zombies, tantôt X-Men) relayé par des épisodes minablement homériques (les moines aveugles semblent échappés d’un épisode non retenu d’Ulysse 31 !), et l’on aboutit à un cousinage évidemment incestueux avec des titres fameux, dont on vous rabat les pupilles en ces lieux, ici et surtout là. Et dont on ne saura jamais, au grand dam de notre entourage, faire l’économie !"

    Nous étions ennuyés plus encore aux "Nouveaux Barbares" mais une révision s'imposerait, pensez bien !


    Rendez-vous le mois prochain pour un autre complément d'info à votre note rétro-mensuelle !

  • Ben moi j'ai adoré Footloose ... à 9 ans, ça marche plus de 2 fois !!! ;) même si Kevin y est pour beaucoup !

  • Mariaque : Ah ouais, quand même... ça a l'air encore meilleur que prévu.
    Re-merci.

    Aurélie : A 9 ans, d'accord. Mettons, jusqu'à 12. Pour les filles, ajoutons 2 ans pour le facteur "Kevin Bacon". Mais à partir de quinze ans, c'est plus possible...

  • Ah 1984 et le film de Léone, je dois même avoir dans mes archives le cahier du cinéma de la photo. C'est un chef d'oeuvre que je suis allée voir au moins 3 fois à l'époque. Pour les autres sorties: pas beaucoup de films marquants. Bonne arprès-midi.

  • De mon côté, je dois confesser que j'avais été un peu déçu par le Léone que je m'étais, évidemment précipité voir. Peut être trop d'attente, je ne sais pas, je crois que c'est un de ces films avec "Il était une fois dans l'Ouest" ou Léone s'admire en Léone et déploie ses fastes, le poids du temps, la beauté du drame, etc. C'est légitime, vu le talent du bonhomme, mais avec le temps, je préfère le côté franchement ludique de la trilogie du dollar et surtout ce film qu'il ne devait pas faire et qui semble si personnel, "Il était une fois la révolution". Ce qui m'a toujours étonné avec "...l'Amérique", c'est que je suis revenu dessus à l'occasion d'un passage télé chez des amis. Depuis, je l'ai vu 5 ou six fois, en salle et en DVD et je l'ai sérieusement réévalué. Dans ta rétrospective, il domine de plusieurs têtes tout le reste.
    Autres souvenirs, déception devant "Fort Saganne" malgré les bons passages avec Deneuve, bons souvenirs de "La forteresse noire et "Contre toute attente" jamais revus depuis. "Notre histoire" m'avait emballé et je l'ai revu avec plaisir, ça reste un de mes Blier préférés. Les copies italiennes de "Mad Max" et "NY 1997" sont toutes atroces, et maintenant que je connais bien Castellari, j'ai de la peine. Pour les films de Chang Cheh, je ne tiendrais pas le pari, son heure de gloire, ce sont les années 1965/1975. Et voilà.
    Ah si, "Vidéodrome", je l'ai vu bien plus tard, mais j'avoue que ça n'a pas été le choc attendu.

  • Eh bien je me range du côté de Mariaque pour placer en tête "Videodrome" en ce mois de mai même si, comme tout le monde, j'aime beaucoup le Léone et comme Vincent, "Notre histoire" reste l'un de mes Blier favoris (ce sont les derniers que j'ai un peu dévalué).
    Reste le Skolimovski que je n'ai, hélas, pas vu mais qui m'attire puisque je suis dans le "mood" en ce moment :)

  • Dasola : A moins avis c''était tout de même un bon mois, mais il est vrai qu'à part le Leone, les films les plus attendus et les plus remarqués ne sont pas les meilleurs de leurs auteurs, comme le disait Joachim dans son commentaire.

    Vincent : Sur Leone, je suis à l'opposé. J'admire ses deux chefs-d'oeuvre "Ouest" et "Amérique" alors que "...la révolution" est le seul que je n'ai pas aimé (mais c'était il y a très longtemps et je ne l'ai jamais revu). Je pense que l'ordre dans lesquels on les découvre et le nombre de fois où l'on peut les revoir est très important avec ce cinéaste en particulier. Ainsi, "Le bon, la brute..." a pour moi totalement occulté les deux premiers de la trilogie, vus bien après et avec une pointe de déception par rapport aux troisième que je connaissais déjà par coeur.
    Content de voir que tu confirmes la bonne tenue du film de Hackford (j'en ai vraiment très peu de souvenirs).
    Pour Chang Cheh, je me basais sur sa réputation et deux-trois lignes lues dans "La saison cinématographique", mais là tu m'inquiètes : déjà que je ne trouve vraiment pas terrible "La rage du tigre" (si je ne me trompe pas de titre)...

    Doc : C'est certain, Notre histoire reste supérieur à tout ce que Blier a fait depuis 1990 (je dirai : après "Merci la vie", sans trop vouloir m'avancer non plus sur celui-ci que j'avais beaucoup aimé à sa sortie, mais maintenant ?).
    Quant à Skolimowski, l'oeuvre est vraiment éparpillée et difficile à voir, mais ce qu'il y a de bien c'est que chacun dans son coin semble en découvrir un petit bout différent au fil du temps et y trouver le même intérêt. Pour moi, c'est, pour l'instant, "Deep end" et "Le départ".

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