Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

blier

  • Le bruit des glaçons

    (Bertrand Blier / France / 2010)

    □□□□ 

    bruitglacons.jpgLe grand retour de Blier ? Mon cul, oui !

    Il est cramé le mec... Le ressort est pété, rouillé, émietté. Depuis longtemps d'ailleurs. Depuis Un, Deux, Trois, Soleil, minimum. Ça fait près de 20 ans ! C'est foutu maintenant... Le moteur tourne à vide, il ne produit plus rien : là l'intro qui fait mouche pour faciliter le travail des journalistes ciné ("Je suis votre cancer" repris partout), là la mort qui rôde, là le flash-back poreux, là la scène-d'amour-qui-dérange-mais-qui-en-fait-est-très-pure, là, là, là, là et là aussi, les apostrophes lancées à la caméra. Cinéma de photocopieuse (et une photocopie de photocopie cela dégrade fortement la qualité), celle qui est à côté de la machine à café, là où l'on entend les meilleures vannes des collègues ("Ça colle au cul un cancer !"). On avait la petite musique stridante de Blier, il ne nous reste plus que son bon gros théâtre de l'absurde. Quatre acteurs (ou un peu plus à l'occasion) entre quatre clôtures d'une belle villa pour une histoire qui avance si peu. Une histoire qui avance si mal. A coups de coups de théâtre et d'idées purement littéraires. Attends, mais c'est quoi ce dénouement à la con ? Une trouvaille de scénariste tombant du ciel et que rien ne peut justifier dans tout ce qui précède (elle est passée où, tout à coup, l'omniscience du Cancer ?). Ou alors on n'a qu'à dire que le fameux style Blier, son fantôme plutôt, impose par sa distanciation qu'on lui passe tout : l'anonymat esthétique, la grossièreté des blagues, l'aléatoire des apparitions (Dupontel : Vous me voyez, Vous ne me voyez pas, Vous me voyez, Vous ne me voyez pas...). Et puis franchement, passer 90 minutes avec un poivraud... Rien de plus soûlant qu'un alcoolo. Un alcoolo ça finit toujours par plomber l'ambiance. Un alcoolo ça se casse la gueule dans l'escalier mais ça ne fait pas rire, ça se fait juste mal à la jambe. Toute façon, Dujardin n'a pas la carrure. Et Dupontel l'a trop. Lui je ne l'aime pas. Putain Bertrand... Dupontel et Dujardin... L'acteur de Jean Becker et celui de James Huth ! Kervern et Delépine ont pas voulu te rendre Depardieu ou quoi ?

  • C'était mieux avant... (Mai 1984)

    Avril est passé. Il est temps de revenir sur ce qui se passait dans les salles de cinéma françaises en Mai 1984 :

    footloose.jpgBien évidemment, le film du mois est... Footloose de Herbert Ross, dans lequel Kevin Bacon luttait pour son droit à danser le rock'n'roll dans la bourgade tenue d'une main de fer par un rigide pasteur, également père de la craquante Lori Singer qui l'attirait tant (Kevin, pas le pasteur). Une fausse rébellion livrée clés en main à un public adolescent peu regardant et n'ayant jamais vu La fureur de vivre (la course de voitures est reprise, mais avec des tracteurs). A douze ans, cela peut faire illusion une fois. Pas deux.

    Trêve de plaisanteries : Il était une fois en Amérique. Leone est enfin de retour après 12 ans de silence et boucle sa deuxième trilogie avec son oeuvre la plus complexe, la plus monstrueuse, la plus écrasante. Le film dure 3h30 et ne cesse de nous balader d'une époque à une autre et à la première vision, on n'est pas sûr d'avoir tout compris (mais ce n'est pas grave, on sait qu'on le reverra plus d'une fois). Leone fait pleurer sur la mort d'un gamin filmée au ralenti, estomaque par ses éclats de violence, fait rougir en multipliant les séquences graveleuses, fait frémir en laissant penser que, sûrement, Max a fini dans le camion poubelle. La musique de Morricone est encore une fois indissociable des images. On achète la cassette de la B.O., on se la repasse jusqu'à plus soif. A ce moment-là, pour nous, Leone est le cinéma. Vingt ans après, l'impact du film n'a guère diminué mais ce que l'on en retient dorénavant, c'est plutôt ce plan final, si énigmatique, ce sourire qui nous dit peut-être que toute cette histoire n'est qu'un fabuleux mensonge.

    Videodrome.jpgMai 1984, c'était le mois James Woods, l'excellent acteur à l'affiche du Leone se retrouvait aussi sur celles de Contre toute attente et de Videodrome. Le premier (avec Rachel Ward et Jeff Bridges), remake du Out of the past de Tourneur par Taylor Hackford, fit son petit effet. Reste à savoir si l'esthétique années 80 ne l'a pas trop altéré. Le second est bien sûr le film cultissime de David Cronenberg. Découvert seulement dans les années 90 pour ma part (donc trop tard ?), je n'y adhérais pas entièrement mais étais prêt à reconnaître l'importance de l'oeuvre et son invention assez stupéfiante. De plus, Cronenberg, qui, de Barbara Steele et Marilyn Chambers à Maria Bello et Naomi Watts, a toujours eu le chic pour filmer les actrices les plus troublantes, nous révélait ici une autre facette du talent de Deborah "Blondie" Harry.

    Mon rapport à Notre histoire est assez similaire. Bertrand Blier, comme d'habitude, frappait fort en entraînant Alain Delon dans son monde dépressif et absurde. L'étonnement était grand à l'époque, d'entendre l'acteur dire ces mots-là et de le voir abandonner pour un temps la lutte avec Belmondo par gros polars interposés. Mais celui-là non plus n'est pas mon préféré de l'auteur.

    lafemmepublique.jpgPassons aux films que je ne connais pas. Mai 1984, c'était aussi, finalement, le mois des films ou des auteurs réellement ou potentiellement cultes. J'ai parlé de Leone, Cronenberg et Blier mais il en reste d'autres. La femme publique d'Andrzej Zulawski (avec Huster et Kaprisky) et La pirate de Jacques Doillon (Birkin, Detmers et Léotard) sortaient en même temps, véhiculant un fort parfum de scandale et promettant une puissante escalade érotique. Qu'en était-il vraiment ? Cette note récente, signée de notre ami le Dr Orlof, refroidi quelque peu, 25 ans après, les ardeurs adolescentes. De son côté, Michael Mann intéressait déjà certains avec son film fantastique La forteresse noire, Percy Aldon recueillait quelques suffrages avec Céleste, en attendant son heure de gloire (Bagdad Café) et le grand Jerzy Skolimowski signait une intrigante fable moderne (Le succès à tous prix).

    Claude Chabrol et Alain Corneau semblaient se planter aux commandes de deux grosses machines : Le sang des autres (adaptation de Simone de Beauvoir avec Jodie Foster, Sam Neill et Lambert Wilson) et Fort Saganne (le plus gros budget de l'époque qui accouche forcément d'une souris, malgré Depardieu, Deneuve, Noiret et Marceau). Il y avait peut-être mieux à faire ailleurs : L'homme aux fleurs (australien de Paul Cox), Un nid au vent (film de guerre soviétique d'Olev Neuland), Amok (du grand spectacle sénégalo-marocain par Souheil Ben Barka), Ote-toi de mon soleil (de et avec Marc Jolivet), Jeans tonic (Michel Patient avec Géraldine Danon), Mr Mom (comédie de Stan Dragoti avec Michael Keaton et Teri Garr). Si ces derniers titres n'incitent pas non plus, a priori, à l'enthousiasme, il faut se dire qu'il devait y avoir pire, comme avec L'invasion des piranhas (film d'aventures bis d'Antonio Margheriti avec Lee Majors et Karen Black) ou Le fou du roi (Yvan Chiffre avec Michel Leeb), pour ne rien dire de la série des sous-Mad Max italiens (Stryker de Cirio H. Santiago, Le gladiateur du futur de Steven Benson, Les nouveaux barbares d'Enzo G. Castellari).

    Du côté des arrivages en provenance de Hong-Kong, Le vieux maître du kung-fu (Chung Sum) et La prise secrète du dragon (Wu Sy Yeuan) n'ont pas grand chose d'attirant mais L'homme à la lance contre Shaolin et Trois fantastiques ceintures noires sont peut-être dignes d'intérêt puisque signés par Chang Cheh.

    cahiers359.jpgDans les kiosques, cela part dans tous les sens. Première (86) met Depardieu en couverture pour la énième fois. Positif (279) revient sur Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier et La Revue du Cinéma (394), en célébrant Zulawski, nous permet d'admirer encore et encore la poitrine de Valérie Kaprisky. Starfix (15) trépigne d'impatience en attendant Le Bounty et sa star Mel Gibson. Cinéma 84 s'interroge sur "La femme selon Hitchcock" (photo de Kim Novak dans Vertigo) et Cinématographe propose pour son n°100 un dossier sur les producteurs. Finalement, la couverture la plus attendue est aussi la plus saisissante : celle des Cahiers du Cinéma (359) fêtant Leone.

    Voilà pour mai 1984. La suite le mois prochain...

  • Buffet froid

    (Bertrand Blier / France / 1979)

    ■■■■

    Tomber par hasard sur le début d'une rediffusion télé de Buffet froid, c'est avoir l'assurance d'être à nouveau pris par le jeu de Blier, de rester jusqu'au bout et de conforter son idée que c'est bien le chef-d'oeuvre (le seul ?) de son auteur. Mettant en veilleuse son goût pour la provocation au profit de celui pour l'absurde, Bertrand Blier peut se permettre les mots d'auteurs les plus irrésistibles. Son père Bernard n'a qu'à les laisser couler, comme il le fait pour celui-là, parmi tant d'autres : "Ca sent le tabac. Et quand ça commence à sentir le tabac, ça veut dire que ça va bientôt sentir le roussi. J'aime pas beaucoup ça...". Du point de vue des dialogues, le film est déjà l'un des plus drôles de tout le cinéma français, restant à l'abri de toute facilité comique (car entendre Bernard Blier dire régulièrement "Vos gueules !" n'est pas vulgaire mais réjouissant). L'étrange trio qui se forme, avec des tempéraments si opposés, marche à merveille. Jean Carmet en chien battu, assassin qui a peur de son ombre, se tient souvent sur le bord du cadre, dans un coin, sauf quand il pique ses mémorables crises. Et dans le rôle d'Alphonse Tram, c'est le Depardieu des années 70, soit cette période bénie où tout lui était possible.

    176bc5374dd35855a027f87d893fd740.jpg

    Drôle, le film est aussi particulièrement noir. Toutes les dix minutes, une personne est assassinée. Tous les personnages féminins semblent être des anges de la mort. Même la nymphomanie est inquiétante. L'une des trouvailles de génie de Blier, est de situer son histoire nocturne dans ces tours inhabitées, dans ces rues silencieuses et de la finir dans une campagne tout aussi dépeuplée. Car Blier ne stigmatise pas la vie moderne dans les grands ensembles pour proposer ailleurs une échappatoire. Même la campagne est "chiante". Même la musique classique est synonyme de mort (Ah !, le commissaire Morvandieu racontant comment il a "branché sur le 220" le violon de sa femme). Pas la peine de chercher ailleurs à effacer ses cauchemars ou ses pulsions meurtrières, c'est partout pareil.

    c123c4fdb4308293eb740d53edbf1ec1.jpg

    Cette vision terrible de la ville a aussi le mérite de mettre en évidence l'une des grandes qualité du film, souvent peu mise en avant dans les commentaires en comparaison avec les dialogues : sa mise en scène. Blier joue remarquablement des déplacements de ses comédiens dans les halls déserts, derrière les vitres, devant les murs nus, et soigne le moindre de ses mouvements de caméra (tel ce court travelling vers l'ascenseur rouge, curieuse amorce du Shining de Kubrick, et plus sérieusement, utilisation de cette couleur vive reprise au final avec cette barque pétante que dirige l'ange exterminateur Carole Bouquet).

    La perfection atteinte dans l'absurde, le retournement de la morale, le déplacement des conséquences, a dès sa sortie en 79 provoqué des rapprochements avec l'oeuvre de Bunuel, notamment ses derniers films français. Si la proximité est difficile à nier, il me semble cependant que bien des différences peuvent être également soulignées. Le film de Blier obéit, malgré ses divagations, à une ligne narrative claire. Le dénouement referme la boucle de façon parfaite. Et enfin, l'humour bunuelien est beaucoup plus insaisissable et beaucoup moins direct.

    Photos : allocine.fr & artevod.com