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Martyrs

(Pascal Laugier / France / 2008)

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martyrs.jpgJe vous ai parlé l'autre jour de cet ami qui m'a prêté le dvd du navet d'Alexandre Bustillo et Julien Maury. J'ai omis toutefois de vous préciser qu'il s'agissait d'un paquet à double détente, comprenant l'autre "film de genre à la française" ayant défrayé la chronique en 2008.

Je ne peux pas dire que Martyrs (puisqu'il s'agit bien de lui) m'ait plu, mais je l'ai trouvé bien moins naze qu'A l'intérieur. L'introduction nous montre la fin du calvaire de Lucie, dix ans, s'évadant de l'endroit où elle fut longtemps séquestrée et torturée. Tentant, tant bien que mal, de se reconstruire en hôpital psychiatrique, elle se lie d'amitié avec Anna. Quinze ans plus tard, les deux jeunes femmes se côtoient toujours. Lucie retrouve la trace de ses anciens tortionnaires, cachés sous l'apparence d'une famille sans histoire, et les abat au fusil de chasse. Anna l'aide à nettoyer le pavillon. Cela prend tu temps, d'autant que Lucie se débat avec ses propres démons sanglants. Anna découvre alors un sous-sol...

La première heure de Martyrs voit s'accumuler de manière éprouvante des agressions à répétition qui, hormis un carnage familial filmé très brutalement, en appellent aux tics esthétiques habituels destinés à créer l'angoisse (ce qui ne manque pas d'arriver) : stridences sonores, brusques changements de point de vue, caméra flottante épousant un regard de voyeur. La psychologie se réduit à peu de choses, ne découlant que du traumatisme initial (ce que l'on peut, dans une certaine mesure, accepter, en comprenant que le cinéaste souhaite foncer tête baissée et sans porter de jugement moral) et l'interprétation est dans l'ensemble assez mauvaise (ce qui est beaucoup plus rédhibitoire). La bataille engagée entre Lucie et son effrayante alter ego imaginaire met à contribution le coeur et l'estomac (ça taillade à tout va). Malgré leur relative réussite technique, ces scènes-là sont particulièrement fatigantes.

Le film avance par segments d'intérêt inégal mais cette construction finit par intriguer. Le scénario déroule un programme qui n'est pas vraiment celui auquel nous nous attendons. Des protagonistes disparaissent subitement, sans que ne clignote juste avant, sur leur front, l'avertissement "Prochaine victime". De leur côté, les deux filles restent sans trop de raison valable dans ce pavillon inondé de sang, le monde semblant se réduire à ce lieu clos. L'arbitraire se change alors imperceptiblement en étrangeté, permettant l'acceptation de nouvelles ouvertures narratives fort improbables.

Le dernier virage amorcé par le récit fait tout le prix (certes discount) de Martyrs. Du slasher pur jus, nous basculons dans la parabole mystique, certes toujours extrèmement violente mais beaucoup plus froide (et plus reposante, oserai-je dire, sinon moralement, du moins physiquement). La caméra se fixe enfin, la lumière est plus vive, les dialogues remplacent les cris incessants, le regard est clinique. Moins protégé par la présence d'un genre définissable, on s'interrogera à satiété sur le terme de "complaisance" après avoir assister à cette série de tortures sur une femme. Notons tout de même de réels parti-pris qui tendent selon moi à rendre supportable et donc intéressante la chose : l'ancrage du récit dans un nouveau décor inclinant vers la science-fiction, la mise à jour d'un complot dont on ne soupçonnait rien, la ritualisation des outrages, la caractérisation de bourreaux-fonctionnaires. Dans cette dernière demi-heure, Laugier met sa caméra à la bonne distance.

Finalement, il s'agissait donc de torturer pour créer des figures de martyrs pouvant témoigner de l'au-delà. Moralement, la réflexion des auteurs est fort discutable mais le ridicule est évité constamment, notamment dans ce dénouement terriblement casse-gueule et dans lequel le cinéaste, avec un bel aplomb et une audace certaine, tend vers l'abstraction et laisse affleurer quelques réminiscences glorieuses, de Dreyer à Kubrick. Que ces noms remontent, même de manière subliminale, dans ce contexte-là, est plutôt un bon signe.

Trop de défauts plombent la première heure de Martyrs pour que je m'engage dans une réelle défense de l'oeuvre, mais elle est à prendre au sérieux et mérite mieux qu'un revers de main dédaigneux (ou une réduction à une affaire d'interdiction aux moins de 18 ans).

Commentaires

  • Sur ce film de Pascal Laugier (je n'ai pas vu son Saint-Ange, avec Virginie Ledoyen), mon appréciation d'ensemble serait plutôt négatif, même si, une de ses qualités fut de remettre en cause, le temps de la projection, mes habitudes de spectateur, trop formaté sans doute aux conventions et codes du genre "horror movie".

    C'est principalement à cause de son scénario, qui m'a semblé "assez incohérent", que Martyrs ne m'a pas convaincu. Après coup, suite à la lecture d'articles ou d'entretiens, j'ai cru comprendre que la brisure dans le récit, au bout d'environ une heure, était due au "regroupement" de deux ou trois projets de scénario de court/moyens métrages. Soit.

    Mais, c'est effectivement sur les considérations morales que j'ai refusé pour une grande partie ce film qui a l'air de nous dire, tout à la fois : on peut, et on doit condamner (en se faisant justice soi-même) ceux qui permettent du fait de leur conformisme (bourgeois) de telles atrocités ; mais, à la fin, aussi - et surtout - on peut, et on doit les accepter puisque les victimes elles-mêmes, trouvent l'élévation (de leurs âmes) dans la souffrance la plus extrême : je me souviens vaguement de séquences de désquamation à vif.

    Sans que les scènes ne m'aient jamais fait tourner de l'oeil, ce propos m'a paru effarant. Ainsi : de toutes les guerres et de tous les massacres, on canonise des martyrs (ou quelque chose comme ça) ; alors, comme réalisateur, je peux filmer ces atrocités - frontalement et sans ménagement. Et puis, le spectateur le sait : ça n'est que du cinéma !

    A moins d'être passé à côté de toutes les finesses du film, j'ai trouvé ça douteux...

  • En fait, l'extrémisme dans la violence à l'oeuvre ici a tendance à annhiler pendant un temps toute tentative de réflexion du spectateur, bien content d'être "aller jusqu'au bout". Dans sa deuxième partie, Laugier nous soulage quelque peu en changeant d'esthétique et de registre narratif. On lui dirait presque merci et on se dit "tiens, il y a sans doute autre chose...". Mais d'un autre côté, il continue à jouer avec les limites de la représentation, nous laissant donc tout de même dans un "état de choc".

    Au bout du compte, l'impression d'avoir ainsi été manipulé narrativement n'est pas désagréable. Mais peu à peu les interrogations morales arrivent et là, effectivement, c'est pour le moins douteux (bien que la dimension SF dont je parlais continue de tenir tout cela un petit peu à distance). Se frotter ainsi à l'extase, à la grâce, à l'élévation demande des épaules bien plus solides que celles de Laugier (disons qu'il se limite, plutôt bien à mon sens, à en donner une image). Mais surtout, placer la réflexion sur ce terrain-là, celui du rapport bourreau-victime, ce n'est pas tenable.

    En plus des raisons que j'ai évoqué, c'est donc aussi, évidemment, cette position morale très contestable qui m'empêche de défendre vraiment "Martyrs".

  • j arriverai a te convertir a ce genre de films , j y arriverai!!!!!!

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