Novembre passé, la fin de l'année approche. Il est temps de nous poser la question : mais que se passait-il donc dans les salles de cinéma françaises en Décembre 1984 ?
Les enfants ont-ils été gâtés ? Le bébé Schtroumpf n'est guère resté dans les mémoires, malgré le coup de main donné à Peyo par Joseph Barbera et William Hanna, mais, pour rester dans l'animation, Le conte des contes regroupait en un seul programme plusieurs courts de l'un des maîtres du genre, Youri Norstein. La poule noire, film soviétique de Victor Gress, se présentait aussi comme un conte pour enfants. De plus, les gamins passionnés par la vie des animaux pouvaient traîner leurs parents voir Sauvage et beau, le documentaire de Frédéric de Rossif (sur la musique de Vangelis). En revanche, à qui étaient vraiment destinés Sheena, reine de la jungle (de John Guillermin, avec Tanya Roberts) et l'alléchant J'ai rencontré le Père Noël (de Christian Gion, avec Karen Cheryl) ?
A l'époque, ayant passé l'âge de voir ce genre de choses, je m'étais déplacé pour suivre la treizième (!) aventure commune de Terence Hill et Bud Spencer et ce fut bien, pour moi, la dernière fois (Attention les dégats !, une vague histoire exotique à base de sosies, torchée par E. B. Clucher). Les deux grosses sorties américaines du mois, toujours au rayon "famille", avaient tout de même une autre allure puisqu'il s'agissait de Gremlins et de S.O.S. Fantômes, deux "dates" dans l'histoire de la comédie fantastique. Ni l'un ni l'autre ne doivent trop crouler sous le poids des ans et la revoyure ne doit pas être désagréable (malgré Bill Murray, un léger avantage devant certainement rester au Joe Dante par rapport au Ivan Reitman).
Ciblant le "grand public", Nemo d'Arnaud Sélignac (coproduction franco-britannique) se voulait follement ambitieux. L'entreprise menée sur les chemins de l'imaginaire aboutit à un flop mémorable (le film, lui, ne l'est pas : je n'en garde aucune image en tête, au point de douter de l'avoir vu un jour). Dernier titre connu de mes services dans cette liste mensuelle : Paroles et musique d'Elie Chouraqui. En ce temps-là, j'aurai effectivement suivi Christophe Lambert dans tous ses déplacements (ici au Canada, avec Deneuve et Anconina). Aujourd'hui, je préfère protéger mes oreilles avant tout.
En décembre 84, le Père Noël avait déposé, à côté du paquet rose réservé aux adultes (Les cochonnes, La maison des mille et un plaisirs...), un panier garni de films de kung-fu : Le défi meurtrier du Tigre Noir (But Fu), La fureur de Shaolin (Tao Man Po), Les huit hommes d'or de Shaolin (Lin Bin), Les sept magnifiques du kung-fu (Kung Aug) et Les massacreurs du temple d'or (Chung Chi). On pouvait également tomber sur un film-opéra (Aïda, de Clemente Fracassi), sur de l'horreur post-nucléaire italienne (Les rats de Manhattan de Bruno Mattei), sur du thriller à la française (La septième cible de Claude Pinoteau, avec Lino Ventura)... ou encore, en vrac : Réveillon chez Bob (Denys Granier-Deferre), La femme ivoire (Dominique Cheminal), Hotel New York (Jackie Raynal), Partenaires (Claude d'Anna), Un été d'enfer (Michael Shock).
Finalement, de ce programme semblent se détacher, aux côtés du Conte des contes et des deux comédies US pré-citées, trois titres singuliers : Le matelot 512, le mélodrame distancié de René Allio, Le pays où rêvent les fourmis vertes, nouvelle épopée de Werner Herzog (certes pas la plus réputée) et Bayan Ko, le thriller social subversif du philippin Lino Brocka.
A la une de la presse cinéma, nous retrouvions Johnny Hallyday (Première, 93) et surtout François Truffaut, suite à sa disparition en octobre 1984 (Cinéma 84, 312, et Cinématographe, 105). Logiquement, Starfix (21) et L'Écran Fantastique (51), tout comme La revue du Cinéma (400), faisaient leur fête aux Gremlins. Positif (286) revenait sur le film de Michael Radford, 1984, et Jeune Cinéma (163) sur celui de Souleymane Cissé, Baara, sortis respectivement en novembre et octobre. Les Cahiers du Cinéma (366), de leur côté, prenaient un peu d'avance en affichant le Stranger than Paradise de Jarmusch.
Voilà pour décembre 1984. La suite le mois prochain...
Pour en savoir plus : Gremlins, Les rats de Manhattan & La septième cible vus par Mariaque, Le pays où rêvent les fourmis vertes vu par Shangols.
Commentaires
Il sera pour nous difficile de nier que le mois de décembre 1984 fut à notre endroit hautement matriciel, et ce à plus d'un titre.
Au moins deux puisque c'est ce mois-là que sortirent donc sur les écrans français SOS Fantômes et Gremlins. Deux clés de voûtes à la branque cathédrale de notre cinéphilie popcorno-véhachesque.
Deux films connus si intimement et tant vus et revus (une bonne vingtaine de fois pour le Joe Dante, moitié moins pour le Reitman) qu'on ne sait plus, depuis longtemps, quoi en dire d'inédit, que les mots nous manquent (j'ai du pondre cependant voilà 8 mois une intervention d'une trentaine de pages sur Gremlins pour plusieurs séances/conférences de Collège au Cinéma en Poitou-Charentes ! Elles sont à la disposition de qui veut d'ailleurs les lire) à mesure que notre coeur s'emballe à la seule allusion.
Nous vîmes aussi la tardive SpencerHillerie Attention les Dégâts en salle (ou peut-être pas, après tout), en avons gardé l'affiche bien en mémoire. Alors que le film guère (sans doute jamais revu – avec B&T on n'st jamais vraiment sur...). Idem de « La 7ème Cible », revisionnée tout dernièrement pour accompagner votre nostalgie mensuelle, cher Ed... Jugez du dévouement !
Sans nier le moins du monde l'effet bœuf que me firent alors Gremlins et Ghostbusters, j'hésite à qualifier ma rencontre de déterminante. Le nombre de visionnages fut certes relativement élevé pendant une poignée d'années (et sensiblement égal) mais ne doit pas excéder celui des doigts de la main.
Dans la vénération et dans l'ouverture de futurs boulevards (qu'ils soient sans fin ou sans issue), les deux films de bande de Coppola par exemple ont eu pour moi plus d'importance.
Enfin, sachez que j'apprécie à son inestimable valeur votre effort pour caler une de vos notes avec cette rubrique mensuelle... To be continued...
Je ne suis, messieurs, qu'à moitié de votre avis. Je n'ai jamais eu d'affection, pas même nostalgique, pour "Ghostsbusters". Par contre je partage l'enthousiasme de Mariaque pour le Joe Dante, vu deux ou trois fois de suite à sa sortie, mon premier film d'un metteur en scène que j'ai suivi depuis avec fidélité. Ça reste un grand moment de mes années 80 et qui me semble avoir bien vieillit. Les scènes du bar et cinéma, les synthès de Goldsmith et Phoebe Cates (qu'est-elle devenue ?), je ne m'en lasse pas.
Sinon, comme toi, Ed, le Spencer Hill fut le dernier (Clucher est l'homme des Trinita). La formule était en bout de course. Le Mattei est très drôle, si tu as l'occasion.
Souvenir encore du "Réveillon chez Bob" avec Bedos et Rochefort, j'aimerais bien y rejeter un œil à l'occasion. Pas contre, j'avais été voir le Chouraqui pour Deneuve, qui était dans sa période très belle femme accomplie, mais j'aurais trop peur de revoir et d'écouter ce film. Lambert a réussi l'exploit de me gâcher rétrospectivement tout ce qu'il avait pu faire de bien.
Aucune envie, effectivement Vincent, de revoir "Paroles et musique". Je crois bien que le film paraissait déjà démodé au moment où il a été fait... En fait, à son propos, je ne me rappelle de rien de précis.
Pour ce qui est des Hill/Spencer, il y a l'année suivante "Les superflics de Miami", dernier de la série et que j'avais soigneusement évité.