Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

A serious man

(Joel et Ethan Coen / Etats-Unis / 2009)

■■■□

aseriousman.jpgA Serious mana déjà été amplement commenté, dans un enthousiasme quasi-unanime. Je n'irai pas à contre-courant et je me limiterai donc à faire quelques remarques générales, de peur d'être trop redondant par rapport aux divers écrits de mes camarades blogueurs.

Il a été fait à Michael Stuhlbarg, l'acteur principal, la tête d'un personnage de burlesque : teint ostensiblement pâle et yeux écarquillés soulignés par le verre de ses lunettes. Pourtant, bien que les postures de chacun aient leur importance, la mise en scène des frères Coen cherche moins à traduire un dérèglement physique que psychologique. Le grand cinéma burlesque se plaisait à enregistrer le plus souvent la mise en péril de l'ordre du monde par un individu marginalisé. Ici, c'est le monde lui-même qui est entraîné dans une dérive absurde, alors que le héros paraît finalement plutôt normal. Cette perte de sens n'est pas nouvelle dans l'œuvre des Coen mais elle se charge cette fois-ci d'autant plus d'inquiétude qu'elle est distillé à partir d'un récit s'attachant au quotidien. Il n'y a dans leur dernier ouvrage aucun échafaudage improbable, aucun plan machiavéliquement foireux. La mécanique qui est grippée n'est pas, cette fois-ci, celle du film noir, du milieu des affaires ou de l'espionnage.

A serious manest un drôle de film et un film pas si drôle que cela. Il y a bien quelques séquences très savoureuses, qu'il est encore possible de placer dans la case comédie, mais le fait est que ce sont vraiment des choses très sérieuses qui arrivent, dont la plus sérieuse de toutes, omniprésente : la mort. Le récit donne l'impression d'une hécatombe. L'une des meilleures répliques, répétée plusieurs fois, y renvoie ("Sa femme est encore tiède") et l'extraordinaire fin suspendue, si elle ne visualise aucun trépas, est assez glaçante.

Le monde mis en place autour du héros est un empire de signes que celui-ci est tenté de déchiffrer, cherchant désespérément un sens aux déboires qu'il accumule. Bien évidemment, notre homme est professeur de physique et base tout son travail sur les mathématiques. La qualité principale du film est de laisser le dérèglement se propager jusque dans la conduite du récit lui-même. Les visions et les rêves, de plus en plus nombreux, sont ainsi rendus indiscernables au premier coup d'œil. Il est étrange que les frères Coen fassent éclater cette absurdité au moment des années 60, époque qui apparaît rétrospectivement, pour beaucoup, comme une sorte d'âge d'or avec l'entrée dans la modernité et l'expérience de la liberté sous toutes ses formes. Ici, au contraire, la vision est teintée de pessimisme (un pessimisme certes gai) et comme le démontre bien le fameux prologue du film, le mystère insondable de l'existence a été de tout temps impossible à percer.

Ce qui séduit à l'écran, c'est la cohérence de la vision et notamment l'étonnante reconstitution de l'époque. Ce sont, encore une fois, quelques signes qui la caractérisent : la musique du Jefferson Airplane, la technologie, l'ombre du Vietnam (extraordinaire séquence du voisin s'approchant du héros en discussion avec le père de son étudiant asiatique), la marijuana... Avec la même réussite, les Coen nous plongent au sein d'un milieu juif qu'ils peignent avec une vigoureuse ironie, empêchant ainsi leur film de tomber dans une pesante démarche communautariste. Les dialogues accumulent les expressions typiques parfois difficiles à saisir. Qu'elles ne nous soient pas bêtement expliquées et surtout que, souvent, les intéressés ne les comprennent pas eux-mêmes, montre à quel point les cinéastes ont su trouver un merveilleux équilibre. A serious man est d'ores et déjà une pièce maîtresse de leur filmographie, autant qu'un objet singulier.

Commentaires

  • Les Coen confirment qu'ils font bel et bien partie des meilleurs réalisateurs du moment, après quelques films amusants mais sans plus. A serious man est, selon moi, leur plus grande comédie avec Fargo et The big Lebowski - si tant est qu'on puisse appeler ça des comédies. Là, pour le coup, c'est 4* !

  • Je l'ai vu hier et le trouve remarquable en tous points.Je le chronique ces jours-ci.Tu as raison sur les expressions juives non élucidées.Tu as raison sur le reste aussi d'ailleurs.Je ne sais pas trop ce que je pourrai rajouter.

  • Julien : Il faut dire que les Coen, en vingt ans, ne sont jamais tombés très bas, contrairement à d'autres, leurs films "mineurs" restant tout à fait agréables...

    Eeguab : Je compte sur toi pour tout de même trouver les mots... Mais, il est vrai qu'il est parfois difficile, sur certains films, de passer après les autres sans avoir l'impression de rabâcher. J'ai eu moi-même un peu peur de le faire pour ce titre-là.

  • Les seuls films qui ne m'emballent pas des Coen, les voici (1* = inintéressant, 2ù = regardable, voire agréable mais sans plus) :

    1* Arizona Junior, Intolérable cruauté
    2* O'Brother, Burn after reading

    Mais il y a tous les autres :

    3* The big Lebowski, The barber, Barton Fink, Sang pour sang, Miller's crossing, Fargo
    4* No country for old man, A serious man

    Pas vus : Le grand saut et Ladykillers.

  • Le commentaire de Julien me fait remarquer que tu ne fais plus depuis un bout de temps les bilans par réalisateurs (êtes-vous... ?). Quelle réactivité ce Vincent :)

  • J'allais le dire !
    Et je me rends compte quà De Son Cœur on a vu beaucoup de films des frères Coen (2 dans le top 20 U.S. 2000-2009 : http://desoncoeur.over-blog.com/article-top-2000-2009-du-cinema-americain-44766024.html).
    En tout cas, Ed, le film vous a inspiré ! Cela éclaire un peu plus une œuvre que j'ai adoré mais qui m'a laissé plein d'interrogations.
    Je me permets de faire aussi ma piste aux étoiles :
    **** : A Serious man ( http://desoncoeur.over-blog.com/article-a-serious-man-43453212.html ), No Country For Old Men, The Big Lebowski, Fargo, Miller's Crossing
    *** : The Barber, O Brother, Barton Fink, Arizona Junior
    ** : Burn After Reading (http://desoncoeur.over-blog.com/article-burn-after-reading---quand-la-tragedie-devient-farce-37234384.html), Sang pour Sang
    * : Lady Killers, Intolérable Cruauté, Le Grand Saut.

    Vous comprendrez que j'attends True Grint avec impatience.

  • Celui sur les frères Coen a déjà été fait, me semble-t-il, si mon Alzheimer ne me trahit pas ;)

  • J'ai effectivement mis de côté cette "rubrique" consacrée aux cinéastes, pour diverses raisons : elle me laissait insatisfait ; elle me faisait parler de films parfois vus il y a vingt ans ; elle s'ajoutait à deux autres séries de notes régulières, "C'était mieux avant" et "Cahiers vs Positif", qui me tiennent plus à cœur et je ne voudrais pas publier uniquement ce type de post, au détriment de ceux consacrés aux films que je peux voir ; j'avais de moins en moins envie d'écrire, même brièvement, de cette façon, dans cette optique "Auteurs"... Je réfléchirai peut-être à trouver une autre forme.

    J'avais proposé un "Etes-vous Coenien ?" à l'époque de "No country...". Actualisé cela donnerait maintenant ça :
    **** : Miller's Crossing (1990), Barton Fink (1991), The barber (2001)
    *** : Arizona Junior (1987), Fargo (1995), The Big Lebowski (1998), No country for old men (2007), A serious man (2009)
    ** : Blood simple (1983), Le grand saut (1994), O Brother (2000), Intolérable cruauté (2003), Burn after reading (2008)

  • Doc, nos commentaires se sont croisés et je vois avec bonheur que ton traitement contre Alzheimer semble bien marcher... :)

  • Arizona Junior était plutôt inintéressant dans mon souvenir et Blood Simple un néonoir brillant. Il faudra que je revois le second mais le premier non merci.

    Enfin Miller's Crossing m'avait enchanté à l'époque aussi, je me rappelle comme si c'était hier de la scène dans les bois avec Turturro, du pur génie.

    Par contre, placer No country for old man en dessous de 4* mon côté dictatorial ne le supporte pas !

    Enfin, dernier souvenir, The barber m'avait semblé un exercice de style intéressant mais un peu creux...

Les commentaires sont fermés.