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Lola

(Brillante Mendoza / Philippines - France / 2009)

■■■□

lola.jpgUne immersion.

Voilà ce que propose Brillante Mendoza avec Lola. Il se cale dans les pas lents mais déterminés de "Lola" ("Grand-Mère") Sepa et "Lola" Carpin, alternativement. La première cherche à enterrer dignement son petit-fils, la seconde à libérer de prison le sien, l'un étant le meurtrier de l'autre. La caméra mobile, portée à bout de bras, suit les déplacements des deux vieilles femmes dans Manille et ses environs, dans les rues bondées, dans les gares, dans les arrière-cours, dans les bureaux de l'administration. Ces héroïnes fatiguées sont placées au premier plan mais ce qui se passe autour d'elle est au moins aussi important : la vie d'une cité est captée, les petits accidents du réel, semblant à peine provoqués, sont enregistrés. Ce n'est pas seulement la population qui affirme sa présence mais bien la ville dans toutes ses dimensions : sociale, géographique, architecturale, sonore. Dans ces conditions de tournage dans la rue, on imagine le travail compliqué et on admire une mise en scène vibrante mais toujours lisible, claire et réfléchie.

L'immersion, c'est également, au sens premier, la plongée dans un liquide. L'eau est omniprésente dans Lola, que Mendoza a volontairement réalisé au moment de la saison des pluies. Tout le quartier de Lola Sepa se trouve inondé jusqu'aux étages des maisons et les déplacements doivent s'y faire en barque, y compris le cortège funéraire (la séquence est, pour nous, étonnante, même si on saisit bien que la situation n'a sans doute pas pour cette population un caractère si exceptionnel). La force de la pluie est décuplée par celle du vent. Leur conjonction éprouve les corps des deux femmes courbées, mal protégées par des parapluies dérisoires.

Dans ce qui est quasiment la première séquence, se trouve réuni tout ce qui fait le prix du film. Au coin d'une rue, près d'un groupe d'enfants jouant par terre sans se soucier du reste, Lola Sepa, accompagnée de l'un de ses petits fils, lutte contre les éléments en tentant d'allumer une bougie sous les bourrasques. La finalité du geste n'est pas clarifiée tout de suite, l'effort est répété plusieurs fois et le temps s'étire : une aura mystérieuse s'installe, densifiant le réel enregistré.

A plusieurs reprises, plus régulièrement avec l'approche de la fin du film, entre les séquences évoluant au ras du quotidien viendront s'intercaler de la même façon des moments qui, s'ils ne se détachent pas du cadre ni du récit, libèrent un lyrisme marqué et orchestrent une progression qui repousse tout sentiment de monotonie. Ils ne prennent toutefois leur valeur que par rapport aux autres, à la beauté moins évidente mais à la nécessité aussi incontestable. En effet, le réalisme absolu de la plupart des séquences permet d'éloigner le spectre du symbolisme pesant et de placer des ponctuations qui ne se transforment pas en grossier nœud dramatique (par exemple, la mise en gage du poste de télévision par la grand-mère provoque une colère mais pas un drame). Surtout, est rendu possible l'éclairage de personnages complexes et évolutifs. Pendant une bonne partie du film, les vieilles femmes semblent les seules à chercher à faire tenir cette société, faisant le lien entre les enclaves familiales et administratives, chapeautant des familles auxquelles il manque, à chaque génération, un membre. L'attachement que l'on ressent en est d'autant plus fort, malgré ce que l'on perçoit aussi chez elles : caractère buté ou manigances. Or, au bout de cette vision pessimiste, on réalise tout de même que l'apaisement recherché est aussi obtenu grâce aux générations suivantes, qui semblaient pourtant bien passives. Ce sont de telles trouvailles d'écriture ou de mise en scène (comme le détail des reporters filmant avec désinvolture le résultat  des inondations sur le quartier, reporters qui sont montrés après un travelling qui pourrait tout aussi bien avoir été réalisé avec leur caméra) qui donnent le sentiment que le film de Brillante Mendoza est au final moins simple qu'il n'y paraît.

Commentaires

  • Ed,
    Lola Sepa et Lola Puring (l'actrice s'appelle Carpio d'où la méprise je pense).
    J'écris cela pour crâner parce que votre critique est 10 fois mieux écrite que la mienne.
    Par contre si je peux comprendre votre point de vue sur la scène d'ouverture, je n'ai pas été convaincu par la mise en abyme des deux reporters (ou étudiants en cinéma) qui filment les inondations. Sur le coup, j'étais épaté mais finalement cela vient souligner ce que la mise en scène disait déjà très bien : le doc comme la fiction, tout est une question de point de vue.

  • N'étant plus très sûr du nom du deuxième personnage, je suis allé chercher l'info sur l'imdb, mais effectivement, les génériques "français" semblent la nommer Puring. Je changerai ça et j'irai lire votre note (et cela m'étonnerait qu'elle soit dix fois moins bien écrite que la mienne :)).
    Il est certain que la séquence des reporters n'est pas la meilleure du film, elle vient même presque en porte-à-faux, elle semble plus "jouée" que le reste, plus forcée. Prise comme telle, elle ne me plaît pas spécialement, mais il y a ce plan introductif, ce travelling presque spectaculaire qui m'a intrigué et me rend finalement la séquence intéressante.

  • les américains ont largement mérité leur match nul contre les anglais, un match enlevé, des joueurs alertes, une vitesse de déplacement... tout l'inverse du film. Cependant, ma tante et moi avont été charmées par ces deux petites grands mères courageuses et dignes.
    ps: Doudou, nous n'avons rien compris aux premières phrases de la dernière strophe de ton article.

  • Véro : Je voulais dire que plus le film avance, plus on trouve, entre les scènes où l'on voit les gens dans leur quotidien, des séquences plus lyriques et moins terre à terre (la course après les canards, la procession en barques etc...). La musique est aussi de plus en plus présente.
    Et en même temps, le fait de rester quand même souvent au plus près des activités des personnages évite au film de devenir trop lourd dans ses messages.

    Sinon, j'aurai du mal à comparer avec le match Angleterre-USA puisque je ne l'ai pas regardé (un certain JC ne t'aurait-il pas soufflé cette idée saugrenue ?). Disons que l'on retrouve dans Lola la même lenteur que dans l'équipe de France, mais que c'est plus beau et plus émouvant à regarder...

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