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Les amours imaginaires

(Xavier Dolan / Canada / 2010)

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lesamoursimaginaires.jpgLa caméra gigote ou se colle, les intermèdes ont l'allure de la confession télévisée mal assurée, les scènes de lit sont maniéristes et monochromes, rouges, puis vertes, puis bleues. Les réminiscences cinématographiques se succédent toutes les cinq minutes et chacun peut en faire une moisson, suivant ses goûts et ses connaissances : Godard, Wong Kar-wai, Eustache, Arcand, Edwards, Demy, Truffaut... Les musiques sont mises bout à bout : sur une corde à linge sont accrochés Bach et Dalida, Indochine et House of Pain, Police et France Gall. Et Xavier Dolan veut tout faire : metteur en scène, acteur, dialoguiste, scénariste, monteur, costumier, décorateur...

On en vient à se demander s'il ne devrait pas se tenir à un seul poste, utiliser une seule ambiance sonore, poursuivre un seul modèle et travailler une seule esthétique. Car de l'accumulation ayant cours dans ces Amours imaginaires ne naît ni vertige, ni débordement, mais plutôt un sur-place désespérant. Les trucs de mise en scène s'annulent lorsque les interminables ralentis et les tranchantes ellipses finissent par procurer la même apathie. Les références sont lassantes, cela d'autant plus que certaines affleuraient déjà dans le film précédent. La diversité musicale peut véhiculer l'idée sympathique d'une émotion réelle qui n'a que faire de la "noblesse" des sources entendues mais ces morceaux sont tous utilisés de la même façon et tendent étrangement vers le même but, niant ainsi leurs qualités propres.

Par rapport à son rafraîchissant premier effort, J'ai tué ma mère, Dolan a commis, à nos yeux, au moins deux erreurs. Le jeune cinéaste n'a pas inventé le narcissisme cinématographique. Se regarder tourner, se regarder en train d'être filmé, d'autres l'ont fait avant lui, et parfois avec bonheur, cette posture pouvant être aussi agaçante que fascinante. La prétention mal placée n'est pas nichée ici mais dans la volonté de tirer d'un sujet rabattu quelque chose de neuf (on pourrait dire : de l'habiller à la mode). Les amours imaginaires reposent sur trois fois rien. Il est assez stupéfiant de voir à quel point le triangle amoureux dessiné dès les premières minutes reste figé. Si le propos émis par Dolan agace, c'est qu'il ne subit aucune évolution. Son film paraît tourner en rond, prisonnier des limites posées par les personnages : Nicolas reste opaque, Francis et Marie font la gueule et minaudent à longueur de journée. Personne n'agit, rien ne bouge. L'immobilisme contraint dans J'ai tué ma mère se trouvait justifié par son sujet : l'oppression exercée par le foyer maternel sur un jeune homme en mal d'indépendance. De plus, s'en dégageaient une vitalité, un sentiment d'urgence, une envie d'en découdre (avec son âge, avec son image, avec le monde, avec le sujet) qui ont déserté la chronique suivante.

Le ton a également changé et nous abordons là le deuxième écueil. Sous le fétichisme des atours colorés, nous sommes supposés trouver gravité et profondeur mais la démarche est trop évidente et univoque pour nous toucher. Une fois encore, J'ai tué ma mère proposait un cheminement bien plus intéressant, avec son mal-être moins poseur et son rire plus franc et plus cassant. C'est d'ailleurs bien là que Xavier Dolan est le meilleur, les quelques scènes réussies des Amours imaginaires nous le confirment, celles dans lesquelles éclatent rage, méchanceté et vacheries. De rares aspérités dans un film trop étroit, trop refermé et trop lisse.

Commentaires

  • Dieu que c'est bon, je me sentais un peu seul...

  • Nous sommes quelques uns, peu nombreux...

  • Moi aussi, merci.

  • Absolument d'accord, j'organise d'ailleurs un match Les amours imaginaires / Kaboom sur mon blog. Si tu as vu les deux et si tu veux voter....

  • Tu es méchant, rageur et ton post plein de vacheries ;p
    Faut-il vraiment prendre ce gandin au sérieux ?

  • Je fais partie des ardents défenseurs du film. J'ai été touché au plus au point par cet esthétisme à outrance, certes, mais qui pour ma part fonctionne très bien. J'ai trouvé le changement de cap de Dolan parfaitement effectué après un premier film à priori aux antipodes de celui-ci. Mais il faut rentrer dans le "trip", je le concède.

  • PS : si ça peut te rassurer, les chroniqueurs du Masque et la plume n'ont pas été emballés...

  • Chris : Je n'ai pas vu Kaboom (mais si je me déplace il est, du coup, fort possible que je le trouve meilleur).

    Fred : Non, non, je ne veux pas accabler Xavier. Comme l'écrit T.G. sur son blog, il tend le bâton pour se faire battre. Et il le fait d'une manière si désarmante...

    Neil : Par rapport aux critiques du Masque, cela ne me rassure, ni ne m'inquiète... (j'avais écouté d'ailleurs, un peu distraitement, l'émission en question)

  • Ah OK ce sont vos histoires sado-maso
    OK
    je vous laisse :p

  • Justement, je ne souhaite pas le frapper... Tu peux donc rester... :)

  • Oulala je suis en train de me choper une sale réput auprès de Fred, déjà l'autre fois chez Ludovic sur la sympathie que m'inspirait le petit détail de la jambe plus courte que l'autre, ds oncle boonmee...

  • Bah ! chacun ces petites manies. Je suis du genre sensible aux velus ^^

  • et là, me voilà obligé de te détester ! ;)

  • En consultant notre Panoptique tous les mois, nous pourrons voir d'un seul coup d'oeil lesquels d'entre nous peuvent se détester cordialement... :)

  • De ma campagne profonde, me voilà arrivant à brise abattue mais après la guerre...

    j'ai aussi aimé Les amours imaginaires (pas vu le premier Dolan, Kaboom plus tard) même si j'entends vos critiques (ce sont aussi un peu mes réserves). Mais les attraits dominent largement ! Quid de votre sensibilité à l'humour et à la langue ?

  • L'humour et la langue, d'accord, mais pas quand cela passe à travers ces apartés pseudo-documentaires fatigants... Ailleurs, ok, mais il y en a peu... (c'est ce que je regrette dans mon dernier paragraphe).

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