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Octobre à Paris

(Jacques Panijel / France / 1962)

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octobreaparis.jpgOctobre à Paris est un film maudit mais relativement connu, au moins par son titre et son sujet (*). C'est une suite de témoignages rendant compte des violences policières envers les Algériens résidant dans la région parisienne, avec en point d'orgue le récit de la nuit du 17 octobre 1961.

Il a été réalisé juste après les événements, tout le long de l'hiver 61. Ce n'est donc pas un document direct sur la manifestation et sa répression mais une contextualisation de celles-ci. Toutefois, le réalisateur, Jacques Panijel, monte son film en gommant ce petit décalage temporel pour donner l'illusion d'un travail au présent. Pas plus que de précisions sur le moment réel du tournage, il ne fournit de détails sur les sources qu'il utilise pour montrer des images de la manifestation (des photographies et quelques secondes filmées). Il donne également à voir les préparatifs de celle-ci dans l'un des bidonvilles de la capitale : une réunion dans une cabane entre deux responsables politiques (si je n'ai pas fait de faute d'inattention, le FLN n'est jamais cité dans le film) et trois habitants au cours de laquelle sont exposées les raisons de cet appel à manifester et l'organisation souhaitée, puis le départ, au petit matin, de plusieurs groupes vers les transports en commun pour Paris. Ces scènes sont évidemment des reconstitutions, une différence se faisant sentir dans la façon de s'exprimer, moins naturelle que celle que l'on perçoit dans les témoignages, et dans la manière de filmer, plus soignée que ne peut l'être un enregistrement sur le vif.

Cela peut gêner, mais bien des documentaristes de l'époque utilisaient le procédé et Octobre à Paris est un film militant, réactif, tout entier tendu vers la dénonciation d'un massacre et d'une situation révoltante. De plus, on imagine fort bien qu'organiser clandestinement, quelques jours après le 17 octobre, sur les lieux mêmes, cette amorce de manifestation, n'avait rien d'anodin ni de confortable.

En fait, plutôt que ces quelques minutes de reconstitution et d'illustration par des photographies, ce sont les témoignages qui les précèdent et qui les suivent qui frappent les esprits. Panijel va à la rencontre des Algériens, les filme au bidonville ou dans les petits appartements et surtout les écoute parler. Leurs témoignages sont ahurissants, avant même d'aborder la journée du 17 octobre. Le délit de faciès, le couvre-feu imposé qui permet alors les arrestations les plus arbitraires, les brutalités policières, les passages en centres de détention concentrationnaires, les tortures dans les caves par les Harkis...

Presque sans commentaire ajouté, Octobre à Paris est très bien réalisé et monté, et permet de libérer une parole alors rarement (sinon jamais) entendue, surtout venant de ces endroits-là (que l'on retrouvera dans le même état, dix ans plus tard, devant la caméra de Marcel Trillat et Frédéric Variot). Sa construction (avant, pendant, après la manifestation) est implacable et fait partager avec force la colère de ses auteurs à l'encontre d'un État français aux tendances fascistes.

 

(*) : Sur l'histoire d'Octobre à Paris, on peut lire cet entretien, paru en 2000 dans la revue Vacarme. Jacques Panijel, qui n'aura réalisé que cet unique film, est décédé en septembre dernier, à l'âge de 88 ans.

 

FIFIH2010.jpgFilm présenté au

 

 

Commentaires

  • J'ignorais que Panigel était mort. J'ai vu le film il y a 7/8 ans à Gindou, ça reste assez fort car assez proche de nous. Je me souviens des conditions difficiles dans lesquelles ils ont montré le film, jouant à cache cache avec la police. Panigel avait demandé de l'aide à plusieurs cinéastes de la Nouvelle Vague mais tous, sauf Resnais, je crois, se sont défilés. il y a un bon livre sur cet évènement, qui parle aussi du film : "La bataille de paris" de JL Enaudi.

  • Vincent, moi aussi, la mort de Panijel, je ne l'ai apprise qu'en parcourant le net la semaine dernière, après avoir vu le film...
    A propos du seul cinéaste ayant manifesté de l'intérêt pour le projet, c'est plutôt Jean Rouch que Panijel cite dans l'entretien que j'ai lié à ma note.
    Merci pour la référence du livre.

    PS : Je ne sais pas trop, en revanche, où en est le film aujourd'hui du point de vue "légal" (il a été projeté dans une copie vidéo).

  • J'ai du confondre les deux "R", à moins qu'ils n'aient parlé de Resnais à propos d'une autre étape du film. il y a aussi Vautier dont Panigel parle dans l'entretien lié et qui s'est mis en grève de la faim pour que le film ait un visa de sortie. Question légal, moi j'avais vu une copie de la cinémathèque de Toulouse, en 35 si je me souviens bien.
    Il n'y a rien de plus dans le bouquin d'Einaudi à ce sujet et si tu es intéressé, il y a aussi le roman de Daeninckx "Meurtres pour mémoires".

  • Merci pour les infos, Vincent.

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