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True grit

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True grit est un bon film mais j'attendais plus de la part des Coen pour leur première incursion dans le western, genre auquel ils rendent un honnête hommage mais qu'ils ne parviennent à mon sens ni à transcender, ni à investir pleinement. L'œuvre est thématiquement conforme à ce que l'on sait pouvoir trouver dans un western moderne : la réflexion sur le mal et la violence, la peinture d'une époque charnière où ancien et nouveau mondes cohabitent avant que le premier ne disparaisse. Formellement, sagement borné par un prologue et un épilogue soutenus par la voix off de l'héroïne, le film se révèle assez révérencieux (ne serait-ce, dit-on, par rapport au True grit original d'Henry Hathaway et plus encore au roman de Charles Portis) et cette approche classique n'est peut-être pas celle qui sied le mieux aux deux frangins, au contraire d'un Kevin Costner par exemple (son fameux premier film bien sûr, mais aussi le sous-éstimé Open range).

La première partie, confinée en ville, s'appuie essentiellement sur les dialogues. Le plus savoureux (l'habile négociation de la jeune fille chez le marchand) assure le lien avec les nombreux échanges absurdes que l'on trouve dans tous les autres films des Coen, mais, dans cette longue introduction, le rythme et l'invention visuelle sont comme freinés par le genre. L'action et l'ouverture vers les grands espaces s'en trouve retardées et le passage de la rivière, annonçant enfin le début du périple, nous soulage. Le voyage qu'effectue la jeune Mattie Ross, à la recherche de l'assassin de son père, en compagnie des marshals Cogburn et LaBœuf, est une occasion donnée aux cinéastes de filmer de belles et légèrement inquiétantes séquences, d'orchestrer une série de rencontres étranges, de nous conter l'histoire d'une petite fille parcourant le pays des morts. Les morts, la violence, les présences spectrales, Joel et Ethan Coen savent très bien les mettre en image (le paysage, hivernal et boisé, prend toute son importance). La scène de la chute de Mattie dans le trou est sans doute l'une des plus belles de leur œuvre (la découverte des serpents, l'effroi enfantin et les plans montrant l'ouverture de ce boyau, ovale blanc du ciel entouré du noir des parois, m'ont renvoyé avec plaisir à Fritz Lang). Mais la bride du récit (et de la mise en scène) n'est jamais lâchée complètement et les pauses ménagées entre les moments forts, ces discussions à trois autour de feux de camp, tendent à faire retomber quelque peu l'excitation.

Si les acteurs convoqués sont, à l'image du film, particulièrement compétents, la manie des cinéastes qui consiste à les pousser tous, sans exception, un cran au-dessus dans leur expression, que ce soit par la diction, le port ou l'accoutrement, ne me semble pas toujours pertinente au regard de la simplicité du cadre et de la trame (ainsi des grognements d'ivrogne de Bridges, de la préciosité de Damon, du sourire édenté de Pepper, des borborygmes de Brolin et du sens de la répartie sans faille d'Hailee Steinfeld). De plus, entre la jeune fille bien élevée et le vieux marshal bougon, les rapports m'ont paru sans grande intensité et l'écriture des Coen assez appliquée sur ce point précis. Lors de la chevauchée nocturne finale (avant l'épilogue qui est, lui, raté), l'émotion affleure enfin, mais un peu maladroitement, filtrée par la réminiscence esthétique de La nuit du chasseur. Tout ce qui a précédé en a, selon moi, manqué et compte tenu du sujet et de l'idée même de retrouvailles avec un genre quasiment disparu, cette absence m'a laissé quelque peu insatisfait (et, je l'avoue, peu inspiré).

 

coen,etats-unis,western,2010sTRUE GRIT

de Joel et Ethan Coen

(Etats-Unis / 110 mn / 2010)

Commentaires

  • Et bien sûr tu as choisi pour introduire ton billet un plan sacrément emblématique :)
    PS. La ville n'est guère plus un lieu de vie, si ?

  • Plan qui convoque directement Ford même si, esthétiquement, True Grit me semble plus proche d'un film comme L'Appât.
    Par ailleurs, j'ai donc été bien plus enthousiasmé par ce film même si je ne suis pas en désaccord avec certains des défauts que tu remarques (un peu trop de sagesse, une première partie trop longue même si elle recèle quelques bons épisodes). Le point sur lequel nous nous opposons le plus, me semble-t-il, tient à la fin que je juge, d'une part, réussie et, d'autre part, nécessaire. Pour moi, elle donne son unité à l'ensemble.

  • Ça y est, c'est vu et globalement, je partage ton opinion sur le film. Je crois que c'est Christophe qui avait écrit un jour que ce n'est pas parce que l'on cadre un personnage dans une porte qu'il faut dégainer Ford. Ce plan est symbolique de l'échec du film. Le cadre a un triple sens chez Ford, par rapport au thème familial, par rapport au genre, par rapport à l'hommage à Carey. Chez les Coen, c'est juste un type qui cherche un autre type, pure citation visuelle. Je me suis bien amusé, mais je suis très déçu.
    Ran, pour le final, je trouve qu'il ne fonctionne pas. Là encore c'est une simple citation (le cimetière fordien) dont je comprends mal le sens par rapport à l'histoire que l'on vient de suivre. Et pourquoi diable Mattie insulte Cole Younger ?

  • Ce début d'année est rigolo. Personne n'est d'accord sur rien (Au-delà, Black swan - que je n'ai pas pu voir - et maintenant True Grit) ou presque (bon, le premier qui me dit True Grit est, quels que soient ses défauts et limites, inférieur au Discours d'un roi...).
    Pour moi, je l'ai écrit, le film se situe surtout dans une double filiation : esthétiquement mannienne et thématiquement langienne (effectivement, la référence à Ford est gratuite - mais, bon, c'est toujours joli ce genre de plans). C'est, en fonction de la seconde, que je trouve que le final fonctionne. Pour la référence à Cole Younger, aucune idée...

  • Et pourtant, j'ai simplement choisi l'une des plus belles images disponibles et surtout, celle qui me semble la plus proche de ce que l'on voit effectivement à l'écran (vous connaissez ce problème des photos promotionnelles accompagnant les films qui ne reprennent jamais exactement le cadrage, la lumière, voire les attitudes captées par la caméra)...

    Sur ce plan, je suis d'accord avec vous deux, Ran et Vincent : c'est "toujours joli ce genre de plan" et c'est, peut-être, le plus gratuit de tout le film, puisqu'il n'est légitimé par rien d'autre que le clin d'œil au cinéphile. Il est peut-être symbolique de l'échec, Vincent, mais il est quand même très isolé et peu représentatif du reste. De ce point de vue "référentiel", il annonce aussi bien sûr les tous derniers plans.

    Je comprends, Ran, que tu défendes l'épilogue, en rapport avec un point de vue "moral". Mais personnellement, je m'en serai bien passé. La distance esthétique qu'ils imposent est redondante avec celle de la chevauchée dans la nuit. Sans doute les Coen ont voulu appuyer le pessimisme du propos (pour être "raccord" avec leurs précédents films ?). Sans compter que, après avoir passé deux heures en compagnie de la petite Hailee Steinfeld, le choc est rude.

  • Curieusement moi j'aime surtout l'épilogue de ce film pour lequel j'ai frôlé l'ennui,rarissime chez les Coen.

  • Effectivement, l'épilogue est "raccord" avec leurs précédents films et s'inscrit tout à fait dans le propos qui était celui de No Country for Old Men.
    Mais la question est d'importance quand tu dis "le choc est rude". Pendant, tout le film, cette jeune fille est extrêmement sympathique mais n'a qu'une idée en tête : se venger. D'où un partage des sentiments du spectateur (en tout cas dans mon cas) : d'un côté, j'espère un happy end (elle épouse LaBoeuf et ils adoptent Cogburn, par exemple ; je force peut-être un peu le trait...) mais, d'un autre, elle est en train de se détruire par son attitude et s'il ne lui arrive rien, le film ouvre la porte à toutes les récupérations les plus nauséabondes. Bref, cette tension m'habite durant toute la projection et pose un véritable enjeu. A la fin, les frères Coen tranchent (c'est le cas de le dire) et, à mon sens, ils font le bon choix - même s'il m'attriste.
    Je ne parle bien sûr pas là de la mise en scène et de la qualité du style (quoique, tout est lié) mais un film de vengeance se situe sur une ligne de crête et la différence entre une oeuvre de Fritz Lang et ces épouvantables cochonneries avec Charles Bronson qui abondaient dans les années 1970 est, en apparence, ténue et tient du fossé, sur le fond.
    Voilà, j'ai donc une double raison de défendre cette fin : morale, d'une part ; cinématographique, d'autre part, car le problème se pose durant toute l'oeuvre et elle ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe. Evidemment, les deux points sont éminemment liés.
    Après, on peut leur reprocher que cela prenne pour cadre un cimetière - ce qui offre effectivement une référence supplémentaire à Ford à laquelle je ne songeais pas. Peut-être s'arrêter dans le cirque était-il suffisant (mais voir l'héroïne, vieillie, amère, avec des traits qui surlignent son aigreur... me semble une bonne idée).

  • Avant ton commentaire, Eeguab, j'allais dire à Ran que ce film-là avait donné lieu à des réactions beaucoup moins tranchées que "Au-delà" ou "Black swan"...

    Moi, cette question de la vengeance m'a beaucoup moins travaillé que toi, Ran. C'est en partie dû au fait que mon attachement aux trois personnages principaux n'a pas été très fort. Mais aussi que le thème a des prolongements moins problématiques lorsque la période traitée est celle-ci (en opposition à celle, contemporaine, des films des années 70 auxquels tu fait allusion) et que le cinéaste s'y limite (qu'il ne tend pas à tout prix un miroir pour projeter son histoire vers notre présent).

    Allez, "coupons" la poire en deux : ce qui aurait été très fort, cela aurait été de finir sur Mattie jeune mais amputée...

  • Parlons donc vengeance. Moi, ça ne m'a pas travaillé du tout parce que je n'y vois pas ça. Comme je l'ai déjà exprimé, je pense qu'elle veut justice, expéditive mais quand même. Le film de vengeance, c'est effectivement Lang, "Notorious", "The big Heat", ou "Nevada Smith" de Hathaway, ou "Bravados" de Henry King, ou plein de westerns italiens dont c'était la spécialité. Mais dans tous ces cas, on a des personnages qui se mettent en marge de la loi et poursuivent leur cible de manière obsessionnelle.
    Cela ne me semble pas le cas de Mattie, même s'il y a un côté obsessionnel, elle fait les choses dans les règles et engage un Marshall (donc un homme de loi). Même si elle veut voir Chaney pendu, elle veut que ce soit après un procès, d'ailleurs elle ne tire pas sur Chaney quand elle le voit, mais veut le faire prisonnier (après, OK, ça dégénère).
    Ça ne cadre pas non plus avec le récit qui est une histoire d'apprentissage et d'affirmation, qui aurait pu donner lieu à un conte initiatique, avec le deuil et la familiarisation avec la mort. Du coup, c'est pour cela que je n'arrive pas à faire cadrer la fin, plus dans l'esprit noir des Coen, oui, mais pas très logique avec le reste de l'histoire. Disons que pour justifier la sombre mélancolie du finale, il aurait fallu un récit à la Peckinpah ou à la Eastwood. Ou encore sur la fin de "La porte du Paradis" de Cimino.
    La proposition de fin d'Ed est intéressante.

  • Oui, enfin, quand on lui propose de choisir entre un Marshall qui ramène les gens vivants et Cogburn, elle n'hésite pas beaucoup la petiote...
    Le film est donc pour moi cohérent d'un bout à l'autre.
    Par ailleurs, l'idée que, le film étant situé dans le passé, il n'appellerait les mêmes critères moraux est intéressante mais beaucoup de gens feront une transposition par rapport au présent (et c'est, à tout le moins partiellement, mon cas). Je pense que les frères Coen ont été sensibles à cela.

  • Ce débat sur la fin du film est tout-à-fait passionnant et ce d'autant plus que j'ai vu il y a peu de temps un film d'extrême droite (Harry Brown de Daniel Barber avec Michael Caine) pas trop mal reçu par la critique (disons qu'aussi bien le Figaroscope que le très estimable JB Thoret ont trouvé ça bien) mais dont j'ai préféré aller directement voir sa conclusion au bout de 45 minutes plutôt que de continuer à me salir les yeux. Aussi, j'ai repensé à True Grit, et le choc fut rude pour moi aussi. Mais je suis d'accord en tout point avec Ran (du coup je n'ai pas grand chose à dire :)). Cette fin est nécessaire et réussie mais il est vrai qu'elle tranche esthétiquement avec la chevauchée fantastique qui la précède.
    J'ai tendance à penser que les discours élaborés des personnages ne reflètent pas leurs actes. Aussi Mattie parle-t-elle de procès quand sa vie est menacée, ou d'avocat comme argument de négociation sinon elle est parle surtout de pendaison en ville et elle choisit sans hésiter le Marshall le plus violent comme le rappelle Ran. D'ailleurs, comme Vincent, je me suis posé la question de savoir ce que représentait cet amoncellement de cadavres, d'exécutions en tout genre face au regard de Mattie, légèrement dégoûté mais un peu fasciné. Familiarisation avec la mort ? Pourquoi pas mais dès le début, elle semble y être habituée. Mais, il est vrai que l'époque dans laquelle se situe le film joue sans doute un rôle.

  • De même, l'idée que Chaney puisse être tué pour un autre crime ne séduit pas - mais alors pas du tout - Mattie.
    Ceci dit, les frères Coen placent leur film dans une situation dramatique difficile. Soit il s'agit d'un film de vengeance - comme je le pense - (et on le compare alors à L'Ange des maudits), soit il s'agit d'un conte initiatique (et on pense aux Contrebandiers de Moonfleet - pour en rester à des références langiennes). Mais il ne peut être les deux. Car, dans le premier cas, cela suppose que l'innocence est perdue a priori et dans le second que l'enjeu du film est le processus de perte. Aussi même si j'ai choisi mon camp, je peux comprendre qu'on trouve que le film parte dans des directions très opposées et manque de cohérence ou de ligne directrice.
    Par rapport à cela, l'idée d'avoir introduit (physiquement) très tardivement le personnage de Chaney (ce qui fait que la vengeance de Mattie, subitement, ne devient plus théorique d'autant que l'on se rend compte qu'il ne s'agit que d'un pauvre type) me semble d'ailleurs assez efficace.

  • Finalement Ran, on fini par se rejoindre. Je pense aussi que les Coen n'ont pas choisi, ce qui rend le film mal fichu pour moi, d'autant que j'ai le précédent en tête qui lui donnait le pas à une histoire de filiation (thème auquel je suis très sensible) qui atténuait la dureté du récit et, comme le soulignait Buster par ailleurs, développait la relation Cogburn - Mattie, peut être ce qui m'a le plus manqué ici.
    Pour le reste, je ne voudrais pas atténuer la conception assez rude de la justice que peut avoir Mattie. C'est vrai qu'elle choisi le marshall le plus redoutable, celui qui a le "True grit", mais c'est aussi qu'elle veut être sûre qu'elle aura satisfaction. Il y a un côté très efficace chez elle (qui était vu dans le film de 69 comme une critique du nouvel Hollywood). Tout ce qui tourne autour de l'avocat, de son côté procédurier est dans la même ligne. Ce qui me fait rebondir sur ce que disait Nolan, j'ai lu (dans Libération je crois) que l'on a accusé le film des Coen d'être un "tea-party film", exaltant la loi du talion, etc. Et ce que je n'ai pas aimé dans la scène de pendaison du début, c'est son côté expédié, donc ambigu, alors que paradoxalement, le film de 69 portait un regard beaucoup plus critique, plus clair, sur l'exécution publique.

  • C'est notamment - mais ce serait probablement valable à toutes les époques (et dans tous les pays notamment le nôtre...) - à cause de l'ambiance qui peut régner aux Etats-Unis aujourd'hui que je défends la fin qui lève justement l'ambigüité qui régnait depuis le début du film. Je trouve ainsi intéressant, de manière générale, un film qui montre une situation dans sa complexité, adopte, in fine, une "morale" (mais qui ne se suffit pas à elle-même) et n'est pas, dans son développement, une démonstration lourde (puisque, dans le cas présent, on rit, c'est beau...).
    Pour ce qui est de la scène de la pendaison, elle peut, si on veut, indiquer que la justice - même quand elle met les formes (procès, ...) - reste très relative. Mais, elle fournit surtout l'occasion d'un gag - qui, sans être raté, n'est pas l'un des meilleurs du film. En fonction de ce que je disais précédemment (donc de la conclusion), elle ne me pose pas de problèmes particuliers. Je m'en serais toutefois passé afin que ne soit pas trop retardée le début de la seconde partie.

  • Bel échange, messieurs. Moi qui m'était retrouvé devant un film de qualité mais m'ayant un peu glissé entre les doigts et laissé un peu sec...

    Quelques remarques à la volée :

    -"Par ailleurs, l'idée que, le film étant situé dans le passé, il n'appellerait les mêmes critères moraux est intéressante..." (Ran) : Je précise bien sûr que, dans mon esprit, ce recul temporel n'autorise pas de montrer n'importe quoi. Mais une histoire située "avant la loi", est forcément vue d'un autre œil qu'une autre contant par exemple la lutte d'un justicier contre les dealers de son quartier (qu'il se nomme Bronson ou... Michael Caine).

    -"J'ai tendance à penser que les discours élaborés des personnages ne reflètent pas leurs actes." (Nolan) : Je suis assez d'accord avec ça et j'élargis encore car il me semble que leurs façons de parler ne cadrent pas toujours très bien avec le cadre westernien et, tout simplement, avec leur situation. Mais apparemment, ce décalage est assumé par les cinéastes (si l'on se fie à l'entretien dans le Positif du mois).

    -"Et ce que je n'ai pas aimé dans la scène de pendaison du début, c'est son côté expédié" (Vincent) : Pas plus que Ran, cette scène ne m'a vraiment gêné. Cette sècheresse, à mon sens, suffit pour pointer la sauvagerie du châtiment (les Coen n'allaient pas nous faire leur Lars Von Trier pendant vingt minutes, quand même... :)). De plus, il ont dû ajouter a posteriori les applaudissements sur la bande-son (car on ne voit, à l'image, personne ne le faire). Tout cela me fait rejoindre Ran lorsqu'il estime plus haut que les Coen ont été sensible aux problèmes que pouvaient poser leur récit.

  • Je n'ai pas lu tout l'échange de commentaires; désolé donc si je suis un peu redondant. Mais il me semble, en lisant ton texte mon cher Ed, que les appréciations entre ceux qui défendent ardemment le film (c'est mon cas) et ceux qui sont plus réservés ne sont pas aussi éloignées que ça.
    Est-ce que, dans les deux sens, ce n'est pas le nom des frères Coen qui fait pencher la balance? Soit pour aveugler leurs fans prêts à tout leur pardonner, soit pour rendre bougons ceux qui en attendaient plus?
    Comme toi, j'ai pris du plaisir au film. Comme toi aussi, je trouve effectivement que la première partie n'a rien de "révolutionnaire" et que la mise en scène frise parfois le banal. Sauf que lorsqu'on y songe, les cinéastes nous offrent aussi quelques séquences très réussies (la pendaison, le tribunal avec un Bridges tordant, le marchandage de Mattie...).
    J'ai l'impression qu'on pourrait reprendre tout le film comme ça : détailler les séquences une par une et s'accorder à leur trouver des qualités. C'est ensuite, il me semble, l'adhésion au projet (personnellement , j'adore le côté "conte" du film qui me le font largement préférer au film d'Hathaway)qui fait qu'on marche ou pas...

  • Tout à fait d'accord avec ton premier paragraphe :) La critique de Masson dans le dernier Positif m'a fait cet effet. Il y compare assez justement les deux versions, note les mêmes étrangetés chez les Coen, mais en tire des conclusions opposées aux miennes (par contre il a une poignées de phrases incompréhensibles).
    Pour changer et parler d'un truc qui m'a plu chez les Coen : le saladier de pommes rouges à la pension que Matttie vole plus tard pour les donner à son cheval.

  • Doc : D'accord aussi, bien sûr. D'ailleurs, c'est ce que je sous-entendais dans l'un de mes commentaires plus haut, suite à une remarque de Ran sur les avis très partagés que l'on peut émettre les uns et les autres en ce début d'année. "True grit" est peut-être le film qui a déclenché les plus longs fils de discussion depuis deux ou trois mois alors que les écarts de jugements sont relativement faibles, surtout par rapport aux autres grosses "sorties-auteurs" du moment (Aronofsky, Eastwood, Coppola...).

    Vincent : Ce n'est pas toujours le cas avec lui mais je la trouve très bien la critique de Masson (parfois ardue, il est vrai).

  • Le jeu outré et la peinture à la lisière de la caricature n'est-elle pas une des principales caractéristiques du cinéma des Coen ? Rejeter ce blason serait nier alors l'empreinte des auteurs. Il faut, de surcroît, rendre hommage aussi à Roger Deakins, le principal artisan de cette imagerie fabuleuse louée par tous les commentateurs, qui vient imprégner le film une fois passé le Styx de la réserve indienne. Toutes ces références à Fritz Lang dans les coms m'étourdissent autant qu'elles me passionnent. Quand on en vient à dégainer Ford, Lang et Mann pour défendre un film, c'est qu'il est tout de même largement au-dessus du panier, me semble-t-il.

  • Rameuter ces grands noms est sans doute signe de qualité mais pas forcément de réussite totale. Sur les lèvres de ceux qui ont quelques réserves sur le film, ces références peuvent arriver comme à regret : le final fordien, le plan, fordien également et un peu gratuit, cadré depuis l'intérieur de la mine (contrairement à ceux, langiens, montrant la sortie du trou dans lequel est tombée la petite, qui sont, eux, justifiés). Ou alors elles signalent une adhésion par intermittences (c'est plutôt ma position personnelle).
    Quant à la Coen touch dans le traitement des personnages, il me semble qu'elle est un peu en porte-à-faux ici, les cinéastes ne cherchant guère à bousculer le genre, qui, il est vrai, le supporte sans doute moins que d'autres. Les films noirs qui déraillent et les comédies qui s'emballent sont à mon sens des endroits dans lesquels la tendance à la caricature qu'ont les Coen est plus efficace.

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