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Everyone else

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Un couple de trentenaires allemands se déchire lors de vacances en Sardaigne.

La mise en scène de Maren Ade est d'une modernité tempérée (longueur des séquences, agencement de blocs, moments sous-dramatisés) et d'une audace mesurée (bavardages existentiels, violence rentrée, crudité sexuelle relative). Ses acteurs sont compétents et tentent de se débrouiller avec ces mots un peu lourds tournant autour du besoin d'être aimé. La lumière naturelle est belle et les maillots de bain sont de sortie. Le film est en fait moins sexy que ne semble l'annoncer son affiche.

Le problème ne réside pas là mais dans les personnages et dans le propos véhiculé en douce, choses qui font d'Everyone else une œuvre particulièrement déplaisante.

Lorsque l'on fait l'autopsie d'un couple, l'âge des protagonistes est important. Et c'est un couple dans une situation particulière que Maren Ade choisit de placer sous son microscope : il est en construction, fraîchement formé "officiellement" semble-t-il, comme à l'essai sur cette période de vacances. Ne pas décentrer son regard, se concentrer sur le quotidien, naviguer entre le silence et les grandes phrases, alors que le couple étudié a peu de poids, peu de passé, demande un sacré talent que Maren Ade, manifestement, n'a pas. Les coups bas, volontaires ou pas, que se portent les deux personnages laissent indifférents car ils les engagent si peu, ils viennent de nulle part, ils ne tirent pas toute une vie commune derrière eux. Et ils sont nombreux : mensonges, omissions, tromperies, mesquineries, méchancetés gratuites... Difficile de s'attacher à ces deux enfants gâtés, architecte génial et chargée de relations chez Universal. Deux êtres à vif, deux êtres se sentant à la marge. Et Maren Ade de nous faire un chantage à l'originalité...

Mais il y a pire : il y a un jugement permanent sur tous les autres (everyone else). Le couple principal est certes montré sous ses mauvais jours mais sa place dans le récit, centrale sinon exclusive, lui permet d'être épargné puisque plus approfondi. Les autres n'ont pas cette chance. Evoqués dans un seul dialogue (les gens au camping-car), absents (les parents), aperçus rapidement (un couple de touristes un peu plus "simples" croisé dans la rue) ou plus déterminants pour la dramaturgie (le couple d'amis "installés" et attendant un bébé), tous voient leurs goûts et leurs modes de vie méprisés plus ou moins ouvertement. Alors que, à voir la tension qui parcourt certaines séquences, nous pouvons nous attendre, à travers cette radiographie du couple, à ce que nous découvrions au final le portrait au vitriol d'une classe, nous sommes au contraire forcés d'épouser ce regard supérieur et dédaigneux, nous restons au même niveau, du même côté.

Ajoutons que le dernier quart d'heure propage l'idée de manipulation des êtres jusqu'à abuser le spectateur lui-même par une série de coups de force émotionnels, ce qui n'a pas vraiment pour conséquence d'atténuer notre envie de rejeter ce film.

 

everyoneelse00.jpgEVERYONE ELSE (Alle anderen)

de Maren Ade

(Allemagne / 119 mn / 2009)

Commentaires

  • C'est peu de dire que je ne suis pas d'accord. Le manque de temps me pousse à lasser paresseusement un lien vers ma propre critique... http://www.toujoursraison.com/2010/12/everyone-else.html

  • ...critique que j'ai relue ce soir, avant de publier la mienne, histoire de vérifier que nous n'étions vraiment pas d'accord (sur cet Everyone else, ton jugement fut le plus favorable du Panoptique de décembre, le mien devient (presque) le plus sévère).

  • Ca n'a absolument rien à voir (mais un peu quand même), mais je suis en train de regarder "John Adams", la série sur la création de la République américaine et le couple Mr. Adams/Ms.Adams est un des enchantement de la mini-série d'HBO: adulte, sexy, créatif, conflictuel, sensible et intelligent. Elle est peut-être là, l'originalité...

  • Le couple de Everyone else est (un peu) adulte, (un peu) sexy, créatif, (très) conflictuel, sensible, intelligent et... particulièrement déplaisant.
    En revanche, les séries et moi... Je dis souvent que je n'en ai suivi que deux : Twin Peaks et The Kingdom/L'hôpital. Or, j'en oublie une troisième, et de grande qualité de surcroît (c'est l'aspect apparemment politique de celle que vous évoquez, qui m'y fait penser) : Tanner '88 de Robert Altman.
    Je n'ai jamais été au-delà de ces trois séries créées par des cinéastes. Mais dans ces trois-là (et donc, je veux bien le croire, dans plusieurs séries, plus actuelles), l'originalité n'est pas qu'une caractéristique des personnages mais se propage à la forme même.

  • Ah, je ne connais pas Tanner'88, je vais regarder.
    Pas de révolution de forme chez "John Adams" (ce n'est pas véritablement une série mais le format luxe mini-serie d'HBO, en 7 épisodes, comme pour le très beau "Generation kill" sur l'invasion de l'Irak), on est loin de Lars von Trier ou Lynch. Mais la qualité d'écriture est portée à une telle perfection (les personnages, les événements, les dialogues) que ce type d'objet devient un genre à part, passionnant.

  • Sur Tanner'88, qui est aussi une "mini-série" (et aussi une prod. HBO, si je ne me trompe), on peut lire cette chronique éclairante :
    http://seriestv.blog.lemonde.fr/2010/11/01/tanner-88-un-document-electoral/

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