Au 40e Festival International du Film de La Rochelle, la rétrospective phare était celle consacrée au cinéaste américain Raoul Walsh. Dix-neuf de ses titres étaient proposés au public. La pléthorique programmation du festival m'a aussitôt fait écarter ceux que je connaissais déjà au profit des autres, généralement moins réputés. A l'exception de La grande évasion (vous saurez bientôt pourquoi ou bien vous le devinez déjà), je n'ai donc pas revisité certaines des œuvres walshiennes les plus fameuses comme Gentleman Jim, La charge fantastique, Aventures en Birmanie ou L'enfer est à lui. Je n'ai pas pu non plus découvrir, à mon grand regret, The strawberry blonde, ni La rivière d'argent, ni La vallée de la peur. Mais je vais pouvoir vous parler, en quatre notes, de neuf films, issus de divers genres et réalisés dans des périodes très différentes. Le premier de ma liste est muet et militaire.
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Cela n'est pas souvent le cas, bien au contraire, mais le titre français de ce film, Au service de la gloire, est plus honnête que l'original, ce What price glory qui entraîne sur la fausse piste du plaidoyer pacifiste. En effet, si la douloureuse interrogation du prix à payer est bien formulée, elle ne l'est qu'une fois, brièvement, et par un personnage tout à fait secondaire. Elle ne semble absolument pas effleurer l'esprit des deux héros, le sergent Quirt (Edmund Lowe) et le capitaine Flagg (Victor McLaglen), chacun voyant certes tomber ses hommes avec peine mais ne remettant à aucun moment en question, en bons Marines qu'ils sont, l'appel du clairon. La dernière scène nous le dit très clairement : il est autrement plus difficile de résister à cet appel qu'à celui de la femme que l'on aime.
Entre dénonciation et fascination de l'uniforme, l'ambiguïté fondamentale n'est donc pas, une nouvelle fois, levée. Après un prologue exotique chargé de poser les fondations de la rivalité entre les deux personnages principaux, le récit prend place sur le front français de 1917. Cependant, plus de la moitié du temps est consacrée à suivre l'évolution du triangle amoureux très tôt formé par les deux soldats et Charmaine, la fille de leur logeur. Le reste consiste à décrire la vie militaire et enfin, par deux fois seulement, les combats proprement dits.
Représentés avec manifestement des moyens confortables, ceux-ci sont crédibles et impressionnants, travellings et plans d'ensemble balayant avec efficacité des tranchées boueuses et gazées. En dehors des scènes de guerre, la vie militaire permet à Walsh de réaliser un mélange qui fera le sel de la plupart de ses films à base de truculence (notamment à travers deux personnages de soldats boutes-en-train) et de sensibilité (la "chair à canon" qui débarque de l'arrière).
Mais de ce film à la gloire du corps des Marines, on retient surtout une chose : la charge érotique dont sont porteurs le moindre regard, le moindre geste, la moindre posture de Dolores del Rio. L'actrice, avec la bénédiction de son réalisateur, invente là de délicieuses chorégraphies du désir basées sur les allers-retours, les jeux avec les obstacles de mobilier, les cache-caches coquins... Mais comment diable peut-on préférer obéir au clairon plutôt qu'à elle ?
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AU SERVICE DE LA GLOIRE (What price glory)
de Raoul Walsh
(Etats-Unis / 120 min / 1926)