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Au-delà des collines

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Mungiu est peut-être un cinéaste "à système" mais il n'empêche qu'à l'intérieur du sien les solutions narratives trouvées, les réactions des personnages, l'évolution de leur trajectoire et l'importance qui leur est accordée déjouent régulièrement les attentes. Ainsi, présenter Au-delà des collines en écrivant qu'Alina se rend dans une communauté de nonnes pour en repartir avec Voichita son amie et amoureuse et que cette tentative provoquera une dérive dramatique ne laisse présager aucun des tours que prendra à l'écran le récit.

C'est l'histoire d'une privation de liberté qui est pourtant basée sur une série d'allers-retours entre le monastère sur la hauteur et la ville en contrebas. C'est la dénonciation d'un abus de pouvoir religieux qui laisse pourtant penser à de nombreux moments que les choix et les discours de tous possèdent leur fond de vérité et de lucidité. C'est le récit d'une tentative de libération où sont pourtant décrit avant tout des liens attachant deux filles l'une à l'autre et l'une des deux à Dieu.

Le scénario de Mungiu est très habile à rendre la complexité d'un univers, l'intrication des courants le traversant, l'engrenage de sa violence, le choc que deux volontés peuvent produire lorsqu'elles ne coïncident pas exactement. La durée sur laquelle il est mis en image est en revanche longue à l'excès, la première partie, pure "installation", demandant beaucoup d'efforts, et la seconde se faisant beaucoup plus intense (on peut certes, selon l'humeur à la sortie de la projection, "effacer" l'ennui qui peut pointer pendant la première heure en décrétant que celle-ci est justifiée par la seconde et qu'elle contient en germe, par la mise en scène d'apparence simple mais assez anxiogène de Mungiu, l'emballement de la suite).

Cristian Mungiu est un cinéaste désireux de travailler sur le réel mais également de lui donner une forme, de le rendre plus fort, plus clair, plus intelligible. Cela l'entraîne à dire quelques vérités qui ne sont pas toujours agréables à entendre, pas toujours correctes, ici sur la religion et ce qui lui fait face, la laïcité déshumanisée. Que les positions morales dénotent, voilà plutôt une bonne chose dans un cinéma moderne univoque. Mais la façon dont elles sont véhiculées n'est pas toujours convaincante dans ce film-là. Dans les plans-séquences, figure sur laquelle Mungiu fait reposer tout son édifice cinématographique, entrent parfois trop de dialogues signifiants servant de bascule ou de discours, comme semblent trop bien distribuées les phrases dans les scènes de groupes. Toujours est-on là, sans doute, dans un besoin de mise en ordre du magma réel, mise en ordre qui doit cependant préserver une illusion réaliste, et Mungiu paraît alors légèrement coincé entre les effets de son cadre rigoureux et ceux de sa caméra portée.

On sent le cinéaste conscient de tout cela et on le voit naviguer. Quand il cadre Voichita tout à coup seule de face alors que tous les autres sont au premier plan de dos, on voit le coup de force formel, mais on réalise peu après que la fille n'est au final pas vraiment devenue "contre", qu'elle ne s'est pas vraiment placée "en-dehors". Autre exemple : le supplice infligé dans la dernière partie ressemble à celui d'une "mise en croix" mais cette figure n'est jamais montrée en plan large.

Il y a ainsi dans Au-delà des collines des débordements contenus qui empêchent le film, malgré la forte impression laissée par sa seconde moitié et malgré la volonté affichée de son auteur à pousser le spectateur à la réflexion, d'accéder à la même réussite que 4 mois, 3 semaines, 2 jours.

 

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audeladescollines00.jpgAU-DELÀ DES COLLINES (Dupa dealuri)

de Cristian Mungiu

(Roumanie - France - Belgique / 150 min / 2012)

Commentaires

  • Je partage en gros ton point de vue, mais quelle leçon de mise en scène !!

  • Oui, je viens de lire ta note et nous sommes relativement d'accord.

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