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Lost Highway (David Lynch, 1996)

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Ça y est, la linéarité, déjà passablement mise en danger dans les Twin Peaks, est définitivement fracturée, jusqu'à faire se retourner le tracé sur lui-même. La cassure principale est aisément localisable, lorsque Pete "remplace" Fred. Mais pour qu'il y ait une boucle, il faut d'autres plis, replis, retours. Or, même après plusieurs visions, ceux-ci sont quasi-impossibles à repérer, parce que le récit n'est justement structuré que sur des points susceptibles de lâcher, parce que la ligne est dessinée de pointillés pouvant chacun potentiellement provoquer un changement de direction. Rien n'est certain. Les identités valsent, les personnages se substituent les uns aux autres. Sous une musique, la plupart du temps, sommeille une autre, qui ne tarde pas à prendre le dessus. Extraordinaire est également le travail sur le décor. Pour mieux se propulser ailleurs, Lynch semble repartir d'Eraserhead. Même vision angoissante du couple et même oppression par l'environnement, réduit à un appartement, que la mise en scène rend inoubliable jusque dans ses recoins. Blue Velvet et Twin Peaks montraient que les mondes noirs grouillaient derrière les belles façades et les jardins proprets. Lost Highway va plus loin. L'espace lui-même absorbe, se tord, se contracte. L'horreur ne surgit pas des nombreuses trouées sombres. Elle naît de cette impression récurrente d'être avalé par celles-ci, vers on ne sait où. En découle notamment la justification, comme jamais sans doute, de ces cadrages en plongée ou contre-plongée très appuyée, l'aspiration se faisant dans tous les sens. Et quand l'espace n'avale pas, les objets pénètrent violemment les corps, comme le coin de la table basse qui s'invite dans le front d'Andy (Dick Laurent, mafieux et pornographe, se délecte de détourner ainsi, de manière pénétrante, l'usage de sa voiture et de son flingue, emboutissant le véhicule d'un quidam et menaçant indirectement Pete de lui faire sauter la cervelle par le trou de balle). Ou encore, comme lors de l'explosion inversée, ou annulée, du bungalow dans le désert (effet répété une fois, "en toute logique"), les lieux se reconstruisent eux-mêmes, en autonomie, au-delà de l'entendement, à rebours de la loi naturelle. Le cinéma de Lynch est aussi un cinéma de l'impossible.

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