***
Sans doute le plus fou des Fellini (ce n'est pas peu dire), et pari réussi qui ouvre ses très libres années 70 plutôt qu'il récapitule les précédentes. Son adaptation de Pétrone pose la question de la représentation d'une Antiquité qui nous resterait inconnue : elle s'ouvre de manière théâtrale en monologue du héros, se clôt sur des fresques altérées par le temps, multiplie les lieux et les architectures où des spectacles, publics ou intimes, se déroulent, utilise un procédé mystérieux et déstabilisant de regards caméra fixes de la part de certains figurants sur les bords. Le monde dépeint est pré-chrétien et "innocemment" amoral, le désir (et la violence) y circulant entre tous les sexes, tous les âges, toutes les races, tous les statuts sociaux, sans distinction (une des belles conséquences est l'équilibre érotique hommes/femmes, jusque dans des dévoilements égalitaires). Comme il le fera dorénavant, Fellini recrée tout un univers, avec une inventivité sidérante, du détaillé au monumental, et cela à chaque instant (le moindre plan du film peut donner lieu à une magnifique capture), quitte à ce qu'une superbe composition n'apparaisse que deux secondes. La mosaïque (les langues utilisées sont innombrables et souvent inconnues) mêle constamment le beau et le laid, sans jugement : le visage le plus avenant peut être tout à coup rayé d'une grimace, ou décapité. Mais ce qui en fait l'un des grands films sur l'Antiquité, c'est l'audace de sa narration, succession de heurts, de trous, de détours, d'enchâssements, Fellini s'affranchissant de toutes les règles conventionnelles, inopérantes selon lui pour rendre compte de l'époque lointaine, et offrant, via son imaginaire, une représentation possible.