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Trouvant sans doute là le moyen de nous causer dans la même note de deux affaires qui lui sont chères, le cinéma et le rock, notre confrère Mariaque, taulier du blog The hell of it, s'est mis dans la tête de chroniquer mensuellement un clip vidéo sous forte influence cinématographique. A lire sa première sortie, il a bien fait. Analysant la mise en images d'un tube de Placebo, il nous renvoie au modèle avoué : le film à suspense de Henry Hathaway, 14 heures.
Ce beau film, assez méconnu nous semble-t-il, nous l'avions vu en 2006 et nous saisissons l'occasion de vous livrer, sans aucune modification et pas plus de gêne, les quelques lignes que nous avions griffonné à l'époque, alors que l'idée saugrenue d'ouvrir un blog ne nous avait même pas encore effleuré.
14 heures tient de la gageure : unité de temps (du matin au soir), de lieu (une chambre d'hôtel, la corniche de la façade, la rue en bas) et d'action (un homme veut sauter et la police new-yorkaise veut l'en empêcher). Et Hathaway réussit l'impossible, grâce à un réalisme admirable.
Réalisme technique. Le film privilégie les extérieurs réels et limite au maximum les transparences et autres trucages avec la ville à l'arrière-plan. Les plans cadrant les acteurs sur la corniche rendent la sensation de l'air, du vent et de la lumière naturelle.
Réalisme des gestes. On remarque la prolifération des gestes anodins et habituellement gommés : le policier Dunnigan qui frotte sa jambe ankylosée, ces mains qui agrippent constamment les personnes qui se succèdent au bord du vide pour raisonner le malheureux...
Réalisme psychologique. Les explications de la tentative de suicide sont données une à une, de la mère castratrice au dégoût de soi. Hollywood a souvent la main lourde lorsqu'il faut exercer dans ce registre. Ici, le discours psychologisant est parfaitement justifié par la présence d'un psy obligé de simplifier ses propos à destination de ceux qui viennent aider le jeune et désespéré Robert.
Réalisme de la narration. Les chutes de rythme sont compensées par le caractère choral que prend le récit, grâce aux mini-intrigues se nouant dans la rue et dans l'hôtel (une rencontre amoureuse, un pasteur illuminé). Des scènes sont "gratuites", parfois très brèves, semblant coupées avant leur fin (les journalistes régulièrement virés par la police, souvent en plein milieu dune discussion).
Un réalisme réhaussé bien sûr par un montage, des variations d'angles et d'échelles remarquables.
14 HEURES (14 hours)
de Henry Hathaway
(Etats-Unis / 92 mn / 1951)